Cette musique, apparentée à d'autres qui, comme elle, sont construites autour de la répétition d'un complexe sonore et d'une pulsation (abstract, hip-hop, drum and bass, dub, grime...), ne raconte rien. Quelques interventions orales s'y inscrivent par moment, qui n'habitent ou ne perturbent que fort peu ce flux sonore impassible. Si « humanité » il y a ici, elle est largement sans visage.
Paradoxe d'une musique « agrégative » qui rassemble en mêlant, à la mesure même de son détachement et donc, en ce sens, grâce à lui; qui relie le plus senti, et donc le plus intime, au plus anonyme, exhibant, avec raison, ce qu'il y a de commun entre la plus vivante des sensations et le fond pulsionnel qui nous anime, entre l'« abstraction » et la danse !
La musique oscille sans doute depuis son origine, de la répétition, oublieuse et prodigue (l'heureuse répétition) à l'indispensable labeur des « histoires », collectives et singulières, organisées et orientées, qui portent la mémoire, l'identité, les projets. Ordre ici et désordre là-bas. Bruit et musique en quelque sorte.
"La tête - écrivait Gilles Deleuze - est l'organe de l'échange, mais le coeur est l'organe amoureux de la répétition".

Écoute suggérée :
- « The Roots of Dubstep » - X 759L

Luc Lebrun