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Critique

WORRIED NOODLES

publié le

Selection du mois d'avril 2008 Pram Vampire Weekend Amen Clark Chumbawamba Joanne Robertson Xiu Xiu Radiohead Dan Fröberg Calvin Harris Red Krayola / David Shrigley Autechre Four Guitars Persian Electronic Music

 

Deux disques sortis au cours des six derniers mois proposent la mise en musique – selon le format couplet-refrain-mélodie de la chanson pop – de textes écrits par des personnalités du monde des arts plastiques: le collectif politico-conceptuel Art & Language et le touche-à-tout David Shrigley. Petite entreprise de carottage des strates mentales souterraines de deux disques plus profonds qu’il n’y paraît.

Avec quarante-deux ans d'activités musicales underground au compteur à ce jour, Mayo Thompson – le crayonneur principal et seul membre permanent de l'entité musicale à contours changeants Red Crayola / Red Krayola – fait figure de vétéran, voire de survivant. Entre psychédélisme, proto-post-punk, rock et pop, l'homme et le groupe ont connu depuis 1966 au moins quatre vies musicales: fin des années soixante au Texas autour du label International Artists; fin des années septante à Londres aux côtés e.a. des Raincoats, de The Fall et du label Rough Trade; un court passage par l'Europe continentale et le monde germanique au début des années quatre-vingts aux côtés de Rüdiger Carl, Albert Oehlen et du label suisse RecRec; et enfin, depuis le milieu des années nonante, un séjour prolongé dans une suite de la pension Drag City de Chicago dont ses amis et complices Jim O'Rourke et John McEntire lui avaient passé les clefs.

Depuis quarante ans, patiemment, centimètre par centimètre, Mayo Thompson pousse la planche de la chanson pop sur les appuis de son socle mélodique en direction du vide, jusqu'à essayer de trouver le point précis d'équilibre instable où son objet d'étude se met à vaciller, à balancer lentement, flirtant – sans jamais y tomber – avec le ravin de l'inécoutable.


Red Crayola Pas juste musicien mais aussi artiste plasticien, c'est avec deux autres étudiants en arts de Houston, Frederick Barthelme et Steve Cunningham qu'il fonde Red Crayola (encore avec C, avant le changement de nom consécutif à la plainte de la marque de crayons) au milieu des années soixante. On ne s'étonnera a priori donc pas trop de le voir, quatre ou cinq ans plus tard - après les deux premiers disques de son groupe (« The Parable of Arable Land » et «The Red Krayola and All Who Sail With It») et son album solo (« Corky's Debt to His Father ») et le refus par son label de l'album « Coconut Hotel » – se consacrer plus aux arts plastiques qu'à l'enregistrement de disques. D'abord à New York comme assistant de l'artiste pop art Robert Rauschenberg avant que – dégoûté par le milieu américain de l'art contemporain – il ne parte pour Londres rejoindre Art & Language, un collectif d'artistes engagés venant de l'art conceptuel mais surtout, eux aussi, en plein questionnement (« Ce que défendait jusqu'alors A & L, une forme de radicalisme politique donnant la priorité, contre l'idée de l'autonomie de l'art, à la notion de «pratiques sociales », était devenu un passeport de crédibilité dans le monde artistique. Un morceau comme Don't Talk to Sociologists sur « Corrected Slogans » est révélateur de la distance qu'a prise le groupe à l'égard de ce courant. Sans renier l'art conceptuel, mais plutôt en en sauvant l'intention critique, A & L prend une direction qui le mènera au début des années quatre-vingts vers la peinture » Emmanuel Levaufre, fanzine « Bardaf! » #3, 1997). C'est ainsi que Mayo Tompson et Art & Language sortiront trois disques ensemble: « Corrected Slogans » (1976), « Kangaroo? » (1980) et « Black Snakes » (1983). Sur ce deuxième album, on retrouve deux variantes de A Portrait of V.I. Lenin in the Style of Jackson Pollock, double chanson qui fait écho à une série de peintures du même nom qui questionnent, par une sorte d'illusion d'optique (le profil de Lénine se dégageant d'un tableau a priori abstrait à la Pollock), les rapports entre deux orthodoxies plastiques: le réalisme soviétique et l'abstract expressionism américain. En parallèle ou en écho, les paroles de la chanson critiquent la vision naïve et communément répandue de l'autonomie artistique d'un peintre tel que Pollock en juxtaposant des affirmations pas fausses mais partielles et banalisées par une répétition irréfléchie – « Il était l'action painter qui se rebellait contre les règles » ou « L'art était pour Pollock une nécessité intérieure » – à des affirmations nouvelles qui changent l'appréhension de son œuvre – « Jackson Pollock était l'artiste du Plan Marshall » – en la déplaçant du champ de l'art-pour-l'art à celui de la politique extérieure et du rayonnement culturel international des États-Unis. Une réflexion et une implication critique qui permettent à Emmanuel Levaufre (opus cit.) d'affirmer que « Ce n'est donc pas du dehors, comme un groupe 'arty' qui récupère les signes extérieurs de la pratique artistique, figés en imagerie, que Red Krayola a participé au projet d'Art & Language ».

img2

En 2007, vingt-cinq ans après leur dernier disque commun, contre toute attente, Mayo Thompson sort « Sighs Trapped by Liars » sous la bannière The Red Krayola (à la musique) with Art & Language (aux paroles). Une fois encore, le titre (de l'album et du dernier morceau) correspond à une œuvre plastique du collectif A & L, dont une image sert d'ailleurs ici de pochette. Datée des années 1996-1997 et exposée entre autre à la Dokumenta X de Kassel et au MAC's du Grand Hornu, il s'agit d'une installation de meubles – petites tables, chaises et/ou lit – pour le moins orthogonaux dont les parois sont constituées de toiles sur lesquelles sont peintes/imprimées une série de doubles pages de textes. Sans doute peut-on par exemple y voir une œuvre de plus d'A & L questionnant les trop superficielles fausses évidences et la double réalité proposée par un même monde, un même objet, appréhendé soit par un œil pressé (« Ben oui, des chaises… »), soit par un œil lent et perspicace («Tiens, des textes… Hmm, de la lecture? »).

img3Ce qui frappe le plus à la première écoute de ce disque enregistré notamment avec Jim O'Rourke (chœurs, basse synthétique, guitare acoustique, harmonica, enregistrement et mixage) et John McEntire (batterie et enregistrement), c'est son côté extrêmement lisse et… l'absence totale de la moindre vocalise de Mayo Thompson. Crédité de la musique, jouant de la guitare acoustique et du piano, Mayo Thompson - pour la première fois en quarante ans! - n'ouvre pas la bouche sur un disque de Red Crayola et confie l'interprétation vocale des treize chansons du disque à deux chanteuses: Elisa Randazzo et Sandy Yang. « Sighs Trapped by Liars » sonne donc comme un album quasiment dépourvu de rugosités, comme une version moins flamboyante - plus distante, plus retenue, dans des teintes moins vives - de la pop très orchestrée et millimétrée du Jim O'Rourke de la période « Eureka » / « Halfway to a Threeway »… Du coup, a priori, le disque n'offre que peu d'aspérités auxquelles se raccrocher. En s'approchant de sa surface, tellement minutieusement polie, on a un peu l'impression qu'on pourrait plus facilement y voir le reflet de notre propre image qu'apprendre quoi que ce soit de ceux et celles qui lui ont donné naissance. Quelle n'est alors pas notre surprise en lisant les paroles du disque de récolter un chapelet de citations en guise d'indices comme laissés là par un Petit Poucet malicieux qui voulait nous emmener quelque part:

« To make out the difference
Between your eye and itself,
Don't look straight in the mirror –
Sneak up on it by stealth »
(Fairest of All – premier morceau)

« Jumping Through the mirror
I wonder if I'm here;
this ordinary mirror
That's the mother of all fear  »
(Jumping Through the Mirror – deuxième morceau)

« Three mirrors hang on the wall
Obeying and breaking law.
You can think of them as portraits
As you inspect your face.
You can even think « That's all ».
Or you might suppose there is more:
That no mirror can dictate
What is bound to leave no trace »
(Il ne reste qu'à chanter – quatrième morceau)

« I look at the mirror
And what do I see?
A man who knows his history –
And he's coming after me »
(A Pest – dixième morceau)

« Taking a piss
I saw a man
Satisfied with the
Mirror's reflection.
He wanted to kiss
His own stupid face
Made out of flat surgical perfection. »
(Perfection – onzième morceau)

Depuis qu'en 1871 une petite fille anglaise qui s'ennuyait nous a ouvert la voie, nous savons qu'il y a un monde « De l'autre côté du miroir ». Et cela nous aide aujourd'hui à penser, à regarder sous un autre angle, depuis l'autre côté, ce disque au premier abord si lisse, froid et hermétique. En se donnant cette peine, il se révèle complètement différent, très étonnant et tissé de quelques pelotes de fils textuels peu communs. Il y a par exemple le morceau titre qui s'avère être un texte pornographique sadomaso de bas étage camouflé « through the agency of Mrs. Malaprop » (étymologiquement dérivé du français « mal à propos », le terme malapropism s'est inséré dans la langue anglaise via le personnage de Mrs. Malaprop qui, dans une pièce de théâtre de 1775, commettait de nombreux lapsus comiques en substituant à certains mots d'autres mots proches en sonorités). Ou comme l'expliquent les notes de pochette d'A & L: « Mrs. Malaprop holds a distorting mirror to normal speech ». Une autre chanson prend à contre-pied l'épigramme qui clôt la pièce en un acte « Fin de partie » de Samuel Beckett: « Lorqu'on est vraiment dans la merde, il ne reste qu'à chanter ». Ce à quoi, A & L inspirés par un conte du regretté programmateur du Musée d'Art moderne de Ljubljana rétorquent « if you are indeed in the shit, keep quiet ». Humour et savoir vivre slovéno-britannique!

On s'en voudrait de conclure sans souligner la maestria des deux chanteuses dans cette interprétation distante et détachée de textes peu évidents. Il n'est pas donné à tout le monde de se sortir de passages tels que la fin du très réussi petit précis d'optique et de géométrie Il ne reste qu'à chanter (un faux-semblant de plus sur un disque qui n'en manque décidément pas: ce n'est pas la chanson liée à l'épigramme de Beckett qui en porte le titre…!):

« For a set of three mirrors; there are eight
Possibles configurations, (a), (a), (a),
Or (b), (b), (b), or (c), (c), (c), or (a), (a), (b), or (a), (a), (c),
Or (a), (b), (b), or (a), (c), (c), or (a), (b), (c).
And there are fifty-six combinations
In which they may be distorted or flat.
Now we say that a flat mirror is (1)
And an imperfect one is (2).
So that for a set that's (a), (b), (c),
We may have state or condition
(1), (1), (1), or (1), (2), (1), or (1), (1), (2),
Or (1), (2), (2), or (2), (2), (2), or (2), (1), (2),
Or (2), (2), (1), or (2), (1), (1).
[...]
That is what you could see. »

Au final, « Sighs Trapped by Liars » s'impose donc comme un disque faussement plat, construit au contraire selon une réelle préoccupation de profondeur, de mise à distance entre un avant-plan très pop et un fond de scène très adulte. C'est un de mes disques préférés de 2007.

img4En passant d'Art & Language à David Shrigley, on passe un peu de Lewis Caroll (on ne sait pas toujours que l'écrivain n'aimait pas que les petites filles et les miroirs, mais aussi la mathématique et la logique; il aurait sans doute apprécié l'écriture combinatoire de Il ne reste qu'à chanter de RK + A&L…) à Matt Groening, Daniel Clowes, Raymond Petitbon ou Charles Burns. Né dans le Chesire en 1968, pouponné dans le Leicestershire, mais transplanté à Glasgow depuis une vingtaine d'années, l'Écossais d'adoption David Shrigley est un artiste bien de son époque. De quelle époque? De la nôtre, des années zéro-zéro. Touche-à-tout, Shrigley est actif dans les domaines du dessin (e.a. la pochette de « Friend Opportunity » de Deerhoof), de la sculpture, des installations, du tatouage, de la photographie, du dessin animé (e.a. des clips pour Bonnie Prince Billy et Blur)… de l'écriture et de la musique - ce qui nous amène à parler de lui ici. Vingt à vingt-cinq ans plus jeune que les membres d'Art & Language, on ne s'étonnera pas trop de voir sa création artistique à la fois débarrassée de la question du «beau» (c'était déjà le cas d'A&L) et du « politique ». L'art de Shrigley est un art qui privilégie les petits dessins aux grands desseins, qui se recentre sur l'individu et sur la petite zone floue où le banal touche au bizarre et à l'étrange. Comme au début de « Blue Velvet  » de David Lynch où le paysage apparemment si banal d'une banlieue middle-class américaine se teintait de reflets inquiétants et mystérieux à la découverte d'une oreille humaine dans un terrain vague (la très belle chanson acoustique The Wooden Floor - paroles de Shrigley / musique de James Chadwick - évoque un beau plancher en bois - The wooden floor is made of wood / And the wood is very good / Oak, we think / The Wooden floor is full of grace - en dessous duquel on trouve une tête humaine - And beneath the floor there is a space / Where dirt and bits of stuff reside / And recently at their side / A human head / The human head belonged to Pete / Who scuffed the floor / With his giant feet).

Les rapports de David Shrigley avec le monde de la chanson et du disque ressemblent à un puzzle en trois étapes à chaque fois marquées par un sentiment d'absence: un disque sans disque, des chansons sans musique (ou presque), des chansons sans lui…

En 2005 le très bon label pop de Cologne TomLab sort la première version de « Worried Noodles »: une pochette 30cm x 30cm - format LP - servant d'écrin à un livret reprenant les paroles d'une septantaine de morceaux illustrés de nombreux dessins… Mais, pas de disque à l'intérieur! Étrange clin d'œil de la dématérialisation de la musique à l'ère du format mp3, du téléchargement… et de la fétichisation des beaux disques-objets, surtout en vinyle.

img5En 2006, sur la lancée des compilations Late Night Tales (choix des morceaux confié à des groupes en vue comme Four Tet, Belle and Sebastian, Nouvelle Vague ou les Flaming Lips et se clôturant souvent par un poème de notre homme…), le label Azuli sort « Forced to Speak with Others » collection de seize textes lus - spoken word - de David Shrigley. On peut y entendre e.a. le récit apocalyptique d'un Rock Festival où le chanteur d'un groupe en vue et une partie du public sont frappés par la foudre ou un plaidoyer brassicole dans une chambre d'écho: « My beer / My beer / I want my beer to be god and honest with a hint of the unknown / I want my beer to be authentic and fresh with an explosive finish / I want my beer to be a flavoursome masterpiece brewed outside the United Kingdom but still within the European Economic Community / I want my beer to be strong and have integrity like my father / And I want it to be kind and forgiving like my mother / I don't want my beer to be bitter and unreliable like my Uncle Pete / And I do not want it to taste of metal like if someone has put a pocket full of change in it ».

Personnellement, en l'écoutant je pense pas mal au regretté barde pince-sans-rire - Écossais pure souche celui-ci - Ivor Cutler (« If your breasts are too big, you will fall over / Unless you wear a rucksack » ou « A fly crouching in a sandwich cannot comprehend why it has become more than ordinarily vulnerable ») et à son cousin américain Ernest Noyes Brookings qui écrivit quatre-cents poèmes dans une maison de retraite «expérimentale» entre sa quatre-vingt-deuxième année et sa mort à quatre-vingt-neuf ans (« Hats are made in many varieties / As chapeau felt top and fancy straw / Worn in all world societies / But does not resemble a paw // Chapeaus to all world parties / Felt usual in any national home / Tall at expensive dress parties / Straw month of May to roam »). Shrigley lui-même se rêve plutôt dans la continuité de R. [Robert] Steevie Moore musicien outsider ayant enregistré, dupliqué, emballé, commercialisé et porté à la poste quelques centaines d'albums (attention: quelques centaines de titres, pas d'exemplaires) au format cassette - puis CD-R - depuis 1968.

img6Enfin, en 2007, à l'occasion de sa centième sortie, le label TomLab décide de ressortir « Worried Noodles » dans une version cette fois sonore en confiant une quarantaine de ses textes (le recueil en compte environ septante) à la crème de la crème de la pop indépendante pour une mise en musique. Popstars et musiciens cultes, survivants d'hier et jeunes pousses de demain, les agents de casting de TomLab et Shrigley ont réuni un générique dont on parlera longtemps encore dans le petit monde de la pop: David Byrne, Aidan Moffat (d'Arab Strap), Franz Ferdinand, Trans Am, les Liars, Mariott 1262 (alias TV on the Radio en acoustique dans une chambre d'hôtel), Dirty Projectors, Scout Niblett, Phil Eleverum et Mt. Eerie, R. Stevie Moore et Alig de Family Fodder

Mais la composition de l'équipe sur le papier n'implique pas à coup sûr le résultat du match et la liste des ingrédients ne fait pas encore la saveur du plat: dans les deux cas, tout reste encore à faire… Et c'est là le petit miracle de cette double compilation si réussie que de tenir l'auditeur en haleine deux heures durant, là où si souvent sur les compilations standards il n'y a qu'entre un et trois ou quatre morceaux à sauver. Si quelqu'un - un connaisseur, un curieux ou un néophyte - vous interroge sur l'état actuel de la pop, conseillez-lui immédiatement l'écoute de ce double CD. Comme la plaque tournante d'une remise de locomotives, ce disque fait communiquer la pop avec une série de voies qui prolongent son langage dans d'autres directions: rock, folk, electro foutraque, eurodance bancale, petits accents dub décalés… Il y a donc assez de relief, de disparités et de surprises que pour ne pas piquer du nez en se laissant bercer par un roulis trop monotone. Puis, il y a les rails fournis par les paroles de Shrigley qui fluidifient la progression du convoi et empêchent le petit train de dérailler. Sans oublier la maestria des ingénieurs-concepteurs de TomLab dans la mise au point de l'ordre des morceaux et le mastering (le travail sur la compatibilité sonore de chansons enregistrées aux quatre coins du monde, dans toutes les conditions possibles et imaginables - studios, à domicile, à l'hôtel, en concert…).

Ici aussi, la superficialité n'est qu'apparente; il est très vite indéniable que ce disque a du volume. Mais si « Sighs Trapped by Liars » était comme le miroir d'Alice, alors « Worried Noodles » ressemble à un autre type de miroir: la boule à facettes d'un turbulent gamin hyperkinétique d'aujourd'hui.

Philippe Delvosalle

 

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