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Critique

WRESTLER (THE)

publié le

Brigitte Segers

 

 

 

 

 

 

Ca vous dirait un film sur le catch ?

1« The Wrestler », le dernier opus de Darren Aronofsky vient d’arriver dans les bacs de la collection fiction. Lors de sa sortie en salle, ce film ne m’avait pas du tout attirée, et ce pour différentes raisons ; je n’aime pas les films sur le catch (je n’aime d’ailleurs pas le catch tout court), je ne suis pas une fan de Mickey Rourke et les quelques photos et bandes-annonces m’avaient déjà donné la chaire de poule.

Je me suis donc rattrapée en visionnant ce film à la maison. Alors, que penser de ce « The Wrestler » ?

Darren Aronofsky n’a pas son pareil pour produire des films dérangeants ou différents (voir « Pi », « Requiem for a dream », « The Fountain ») et « The Wrestler » n’échappe pas à la règle.

Il nous invite cette fois dans les coulisses peu reluisantes du monde du catch à petit budget. Le film interpelle surtout par la présence de l’acteur Mickey Rourke, qui signe ici un come-back réussi. Sa transformation physique qui, soulignons-le, n’a pas été élaborée pour le film mais est belle et bien la conséquence d’un passé incluant alcool, drogue, boxe et chirurgie esthétique (dans le désordre), retient toute notre attention et ne fait qu’accroître le côté glauque de l’histoire. Les scènes de combat de catch sont à la limite du supportable et il vous faudra un estomac bien accroché pour pouvoir digérer le tout (j’ai eu particulièrement du mal avec le coup de l’agrafeuse).

Darren Arronofky ne s’est pas contenté de filmer des combats, il se penche aussi sur le milieu pas très joyeux des vieux catcheurs sur le retour, prêts à avaler n’importe quoi pour tenir le coup, arrondir les fins de mois plutôt maigres, et surtout s’adonner à leur passion ; culte du corps, fièvre du showbiz, sport avec des gros morceaux dedans. On se trouve effectivement assez loin du gentil Rocky Balboa qui réussit toujours à se remettre en piste quoi qu’il arrive… La performance d’acteur suffit à faire de « The Wrestler » un film à voir, même si je vous avoue ne pas vraiment avoir aimé ce film. Il m’a en effet été impossible de faire la part des choses entre la qualité de la réalisation et son contenu, ce qui explique que ce film ne sera pas un de mes coups-de-cœur. Reste un dvd qui ne vous laissera pas indifférent, ce qui en fait déjà une qualité.

Brigitte Segers

Deux suggestions pour continuer sur le sujet :

« Calamari wrestler » de Minoru Kawasaki, pour rire un bon coup (un champion de catch qui n’est autre qu’un calamar géant) et plus sérieusement un excellent roman noir de Harry Crews « Body » qui vous fera vivre les derniers préparatifs du championnat du monde de bodybuilders pour élire Mister et Miss Cosmos.

 

 

 

3Noter le lexique de l’affiche : resurrection, amour, souffrance, gloire. Beau programme !

Quel est le poids du sujet dans le choix des films que je regarde, des livres que je lis ? Subjectivement décisif, en réalité dérisoire. Je n’écoute pas forcément mes envies, tout au plus conditionnent-elles mon humeur, morne ou enthousiaste, lorsque je glisse le dvd dans l’appareil. Même si pour moi le catch n’a – c’est un euphémisme – aucun attrait, l’emballement de la critique et, surtout, le nom du réalisateur, ont fini par vaincre mes préjugés. Darren Aronofsky, c’est l’auteur d’un de mes films préférés, « Pi », mais c’est aussi le responsable d’une de mes plus profondes déceptions cinématographiques, « The Fountain ». Contre l’ésotérisme ridicule de cette histoire d’immortalité kitsch, la thématique d’un sport de combat ne me faisait pas craindre de retrouver dans « The Wrestler » ce qui m’avait déplu dans « The Fountain ». Mal m’en a pris…

N’étais-je pas avertie ? Avec un tel sujet, le catch, j’espérais quoi ? De la finesse, de la profondeur, de la complexité ? Eh bien – pourquoi pas ? Après tout, la ferveur des critiques ne présage-t-elle pas d’un dépassement du sujet ? Des milieux les plus sordides naissent les histoires les plus spirituelles, nul besoin de refaire Andrei Roublev. Scorsese est, sinon le meilleur, du moins l’exemple tangible et populaire que, d’une représentation de l’abjection et de la violence peuvent s’élever des considérations métaphysiques. Justement, « Raging Bull » traite de ce sujet-là, le combat, l’ivresse, l’icône qui doit se survivre, la foi… La métamorphose physique à laquelle Robert De Niro s’était astreinte à l’époque pour entrer dans son rôle a créé un curieux précédent, devenue emblématique d’un acteur faisant don de son corps au cinéma (petite perfidie : pour l’oscar). Aujourd’hui, Mickey Rourke, épais, refait, défiguré, boursouflé, par un mélange de déchéance personnelle et de chirurgie (in)esthétique, incarne le héros admirable parce que minable. On loue l’acteur qui se confond à son rôle, sans se rendre compte de ce qui différencie sa performance d’un rôle de pure composition tel que celui de « Raging Bull ». J. B. Morain, dans les Inrocks (13/02/09, voir le site) :

 

« Le film est en outre un documentaire déchirant sur Mickey Rourke. (…) Le corps plastifié de Rourke est une immense blessure qui n’a jamais le temps de se refermer avant le prochain coup. Le corps de Rourke est comme le visage de Montgomery Clift, la peau ravagée de Michael Jackson ou le collier tatoué d’Isabelle Adjani, tous ces “écorchés vifs” magnifiques déchirés entre le désir d’exhiber leurs tortures intérieures et celui de les cacher. »

2Comment qualifier cela autrement que de triomphe du people ? C’est l’infection du people dans les médias portée à son comble. Ainsi donc, le visage figé par le botox, les cicatrices – la monstruosité flagrante – sont d’autant plus intenses qu’ils témoignent de souffrances réelles ? Dans ce cas, il serait temps de vider l’Actors Studio et de recruter directement dans la rue, sauf que ces gens-là ne remplissent pas la condition préalable, qui est d’être déjà célèbre. Involontairement, naïvement, le film dit exactement cela en parlant du catch : ces combats qui, pour le divertissement du public, mélangent la frime, le jeu, les faux coups et la vraie violence, c’est ce cinéma-là qui récupère la biographie de ses acteurs avec beaucoup d’artifices et de poudre aux yeux, l’augmente jusqu’au spectaculaire, jusqu’à la nausée. Monstres de foire.

Pour le reste, l’intrigue n’omet rien de ce qui fédère le bon public : la faute et l’expiation, le sentiment, la croix, le sexe, la drogue, etc. Des nuances bien gentilles qui glissent d’un conventionnalisme à un autre (la strip-teaseuse maman dévouée, les catcheurs civilisés, doux comme des colombes), quelque indispensable allusion à l’islamophobie, dans un décor white trash désormais très à la mode. Quant à moi, je me serais volontiers dispensée des plans complaisants sur les blessures et les soins que reçoivent les combattants ; et je crois qu’à tout prendre, j’aurais préféré ignorer jusqu’à la fin de mes jours toutes les crasses qu’un homme peut absorber pour incarner son idéal (à savoir : la mise en beauté d’un catcheur). – Non, en fait c’est assez plaisant de retrouver ici ce qu’on attribue généralement aux femmes -. Il n’est que trop facile d’écumer le potentiel métaphorique d’un tel tableau, encore faut-il que la toile en vaille la peine. A propos, ce livre dont on parle, à l’occasion de la très annuelle rentrée littéraire, sur le cricket (mais-on-s’en-fiche-du-cricket-tellement-le-livre-est-magnifique, « Netherland » de Joseph O’Neill), eh bien je crois que je m’abstiendrai, cette fois, et que je resterai avec ma non-envie.

Catherine De Poortere

 

 

 

1 Star du catch dans les années 80, Randy The Ram Robinson, n’est plus que l’ombre de lui-même. Brouillé avec sa fille, contraint de se produire dans de petits gymnases pour gagner de quoi survivre, il se voit proposer un combat qui lui permettrait de renouer avec son succès d’antan. Victime de problèmes cardiaques, ce combat pourrait bien être son dernier.
Avouons le, ainsi exposé le scénario pourrait refroidir même les plus fervents admirateurs de la série des Rocky. Mais sous cette apparente banalité se cachent bien plus de richesses qu’il n’y paraît. Aux commandes de cette fable sportive, Darren Aronofsky. Surtout connu pour ses succès hautement esthétisants (de « Pi » à « The Fountain » en passant par « Requiem for a dream »), il délaisse ici le faste habituel de ses effets visuels et filme son héros caméra à l’épaule dans un style qui n’est pas sans rappeler le Rosetta des frères Dardenne. L’étrangeté première de cet opus vient du traitement bipolaire du film : un scénario – a priori – mélodramatique typiquement américain et une construction narrative et formelle directement influencée par tout un pan du cinéma européen (surtout britannique).
Mais le réel intérêt du film réside dans son acteur principal, l’inimitable Mickey Rourke. Beaucoup l’ont déjà écrit, « The Wrestler » est avant tout un sorte de biopic métaphorique sur l’acteur précité; star dans les années 80, il connaîtra un déclin brutal dans les années 90. Les références à la carrière de l’acteur/catcheur sont effectivement nombreuses (musicales même quand il affirmera que c’est Nirvana qui a sonné le glas du rock, début des années 90) et laisse à penser qu’au delà d’une « simple » histoire de rédemption, le film est surtout un hommage à l’acteur. A bien y regarder de plus près, c’est surtout un regard réaliste et cruel sur le monde du spectacle que pose Darren Aronofky en trouvant en Mickey Rourke l’image parfaite de l’écorché vif voué corps et âme à son art. Le réalisateur nous fait passer de l’autre côté du miroir, dans les vestiaires là où les combats sont répétés avant d’être « joués » devant le public admiratif. Mais il nous rappelle aussi que s’il s’agit d’un spectacle, les blessures, physiques ou morales, sont bien réelles. A l’instar du cinéma où le spectateur adhère tacitement au contrat par lequel il accepte l’illusion de la fiction (ce que Coleridge appelle le contrat narratif), le catch relève de la même complicité entre les acteurs/sportifs et le public.
Revenant ponctuellement à une approche plus symbolique inhérente à son cinéma, Aronofksy expose son acteur tel un Christ agonisant avant la résurrection. Car l’acteur supplicié sur l’autel du divertissement ne vit qu’à travers les yeux des spectateurs, tout comme une œuvre d’art ne trouve de valeur qu’au travers l’attention qu’on lui porte.
Si les clichés sont nombreux (la prostituée mère de famille, la fille abandonnée par son père,…), le cinéaste ne fait que les effleurer (on l’imagine avec un petit sourire narquois) pour se recentrer constamment sur son sujet, son acteur symbolique. Il cristallise ainsi une évidence trop peu exposée par pudeur ou simple dénis inconscient: le cinéma n’est que stéréotypes (principalement scénaristiques j’entends) comme l’est la réalité qu’elle met en scène et seule n’a de sens que l’interprétation personnelle de tout un chacun. Le fond rejoint la forme et sa caméra subjective et indiscrète des premiers plans trouve toute sa pertinence.
The Wrestler est une œuvre intimement liée à son public. A l’instar d’une religion, il n’existe qu’au travers de la foi qu’on lui porte et dévoile avec force et humilité les joies et les faiblesses de ce qu’il représente.

Michaël Avenia

 

 

 

 

 

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