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Critique

Ce jour-là, Raoul Ruiz

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publié le

Cinéaste prolifique, mais hélas trop peu (re)connu, Raoul Ruiz investit ici le territoire suisse – symbole de neutralité par excellence – pour y planter la graine de son exquise singularité.

A la croisée des chemins, à la fois comédie, conte macabre ou thriller noir, Ce jour-là se savoure avant tout comme une poésie acidulée. Aussi riche émotionnellement que structurellement, il ne se laisse pas facilement saisir, joue à cache-cache avec le spectateur et réapparaît là où on l’attend le moins.

Usant d’un sens précis et surprenant du cadrage, Ruiz développe une symbolique polymorphe et déroutante. Les mots deviennent même le réel enjeu du film dont la «solution» se trouve sise dans une grille de mots-croisés. Le langage, ici surexpressif ou au contraire très littéral, y trouve un vivier très riche où il peut exprimer des formes et des finalités variées. Personnage clé de cette fable peu commune, il est utilisé avec beaucoup d'originalité et la curieuse monotonie de ses vocables porte la quasi entièreté des effets comiques et/ou dramatiques.

Entre deux promptes paroles, raison et folie s’affrontent, enfantées par un manichéisme tellement évident qu’il se noie au milieu des acteurs aux poses maniéristes (au sens artistique, j’entends). De Bernard Giraudeau (ici en tueur psychotico-diabétique) à Elsa Zylberstein, folle ingénue amoureuse des anges, en passant par Jean-Luc Bideau ou Michel Piccoli, tous trouvent un rôle à la mesure de leur talent et imprègnent le film de leur jeu tout en décalage et en légèreté .

Loin de se tenir à une comédie surréaliste poseuse et théâtrale, Raoul Ruiz profite de ses effets de mise en scène pour distiller en filigranes quelques attaques en règle contre toute forme de dictature et égratigne également au passage une modernité abrutissante et omniprésente. En effet, sous le couvert d'un pastiche cinématico-littéraire (des films noirs aux romans de Dürrenmatt), il présente une œuvre qui critique la banalisation du mal ou encore stigmatise l'omnipotence de certains Etats (car «c'est Dieu qui décide» nous répète-t-il).

Une fois de plus, le cinéaste chilien réussit un film harmonieux et atypique, au charme immédiat et insolite. Œuvre à tiroirs qui tient autant de la mécanique de précision que de la poésie candide et révolutionnaire, Ce jour-là mérite bien plus qu’un œil distrait ou qu’une oreille mollassonne pour révéler pleinement toutes ses saveurs.

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