Parmi les artistes du label Le Saule, Antoine Loyer est le plus radical. Chant de recrutement poursuit les pérégrinations de Poussée anglaise (2011) et nous emmène encore plus loin dans cette quête qui consiste à sortir la chanson de la chanson.

Au diable les répétitions (refrains, rimes, …) ! Dans un souci d’aller à l’essentiel, de nous livrer la moelle de son art, il développe un discours-collage qui refuse la logique narrative à proprement dite et chamboule allègrement les règles du langage. Rien de gratuit pour autant dans cette démarche, chaque mot est choisi, chaque détournement est senti. Et les associations d’idées donnent naissance à une multitude de sens. Et que dire de son phrasé et de son jeu de guitare (jamais accordée de manière classique) : ils épousent parfaitement les respirations inattendues des paroles, avec un naturel déconcertant.

Entouré de musiciens indiens (tablas, harmonium) et/ou secondé au chant par la sirène Léonore (Boulanger), Loyer s’offre un trip jouissif qui ne demande qu’à être partagé. Des chansons « artistiques » (une certaine idée de la poésie chantée) et nécessaires car elles refusent de jouer avec les artifices et les ficelles de la chanson formatée. Un collier de perles jetées à la face (la farce) des chieurs de tubes sans âme.

Sans aucun doute, un des disques majeurs de 2014.

Guillaume Duthoit