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Critique

MORE HEART THAN BRAINS

publié le

En 2010, les albums co-enregistrés à longue distance par des intervenants qui n'ont plus besoin de se supporter relèvent de la plus stricte banalité. La détermination du point de rencontre idéal de sensibilités antinomiques n'est décidément pas […]

 

 

En 2010, les albums co-enregistrés à longue distance par des intervenants qui n'ont plus besoin de se supporter relèvent de la plus stricte banalité. La détermination du point de rencontre idéal de sensibilités antinomiques n'est décidément pas affaire de géographie.

 

bf3Voici une bonne quinzaine d'années, la démocratisation soudaine des moyens d'enregistrement avait eu, particulièrement au sein de l'exponentielle nébuleuse des musiques électroniques, pour corollaire négatif une courbe à angle droit au niveau de l'offre (multiplication des net-labels et pressage limités…) sans que la qualité ne s'en trouve pareillement stimulée. Dans la foulée apparaissait une fausse nouvelle catégorie, les disques home made dont les intervenants se contentaient de limiter leurs échanges à l'envoi de fichiers musicaux via la toile, avec en retour, des projets consensuels dont le résultat dépassait rarement la somme des parties.

Autre laissée pour compte de la surabondance électronique, même par temps de crise, la vidéaste et productrice belge Joëlle Phuong Minh Lê qui fît paraître un unique album sous le pseudonyme de Greetings From Tuskan (Lullabies For The Warriors) en 2006. Une dentelle electronica finement ourlée qui, a priori, n'avait pas grand attrait pour accueillir la rudesse de propos, tant dans le timbre que dans les beats du Canadien, Richard Terfry, qui signe la plupart de ses travaux sous le nom de Buck 65. Une voix de (feu) Johnny Cash fumeur à la gravité étrangement ronde et une prolixité jamais assortie d'une quelconque inclinaison à la facilité, ses dernières plaques élargissant toujours plus la palette des coloris musicaux (blues, rock, country…) ajoutés à un hip-hop de ses débuts sous le signe de la différence.

Les conditions exactes de leur collaboration demeurent floues mais notre mâle vocaliste n'aurait disposé que d'un temps imparti fort réduit pour déposer son flow sur les matrices electro hip-hop à mesure de leurs arrivées. Et à l'exception du volontairement rétro « MC Space » qui est un hommage du Canadien à la figure tutélaire du rap U.S. du même nom, « More Heart Than Brains » est effectivement un cas trop rare de correspondance digitalisée qui sublime par le haut et le plaisir ses apports initiaux hétérogènes.

La petite fourmi étendard du label Anticon qui héberge Bike For Three fait encore une fois montre de son attirance pour les territoires borderline avec un disque qui cultive par ailleurs les affinités électives avec quelques ténors maison tout en y prenant naturellement sa place. On pense parfois à un Alias citadin ou à une reformulation en d'autres termes musicaux de l'album Brookland Oaklyn (2006) du même Alias en compagnie de l'Allemande Tarsier.

Une réussite qui tient probablement d'un mariage contre-nature entre le terreux du verbe et l'éthéré du décor sonore. Un fin maillage de nappes synthétiques entrelacées jusqu'à créer l'illusion de trouées multidimensionnelles tripantes (angoissant « No Idea How »), alors que sa surface connaît une éclosion ininterrompue de « glitchs » (« All There Is To Say About Love ») éphémères, que le fond de l'horizon passe d'une nuance de bleu électronique (couleur du rêve et de la mélancolie) à une autre, et qu'un breakbeat vengeur s'abat parfois sans prévenir (« The Departure »). Buck 65 y est comme chez lui, déployant sa science de la rime sèche et conteuse avec la verve des grands jours (2001-2006) sur un terreau musical sensiblement remodelé.

Comme le dit trop rarement une métaphore footbalistique : « Dans le match Canada / Belgique, c'est le sport qui a gagné ! »

Yannick Hustache

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