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Critique

ROI DE L'ÉVASION (LE)

publié le

Alain GUIRAUDIE : « Voici venu le temps » (France, 2005 – DVD : Épicentre, 2009) - «Le Roi de l’évasion» (France, 2009 – DVD: Mélimédias)

 

Le principe d’évasion rajeuni en forêt, nouvelle géographie des résistances jouissives.

Les lignes qui vont suivre ont toutes les chances d’être mal comprises. Ce qui relève du merveilleux (une déclinaison originale de la Belle et la B ête) sera tenu pour subversif – subversif d’autant moins séduisant qu’inscrit en milieu rural, avec son visage trivial et trop familier, il risquera de rebuter. Pour réajuster, on évoquera le côté « cinéma d’aventure ». Après tout, le film s’intitule Le roi de l’évasion. Mais il faudra admettre que le fugitif est loin de ressembler à James Bond, qu’il pèse plus de cent kilos et n’est, la plupart du temps, vêtu que d’un slip… Et ainsi de suite jusqu’au bout : de quelque façon que l’on présente le dernier film de Guiraudie, il passera pour être le méchant contraire de choses très naïves et très jolies : l’amour entre une jeune fille de seize ans et un homme de quarante, qui fait trois fois son âge en kilos et est, de surcroît, résolument homosexuel.

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Essayons néanmoins de raconter cette histoire avec toute la simplicité qu’elle mérite. Ça se passe à la campagne, pas loin de Toulouse. Non, non ! pas cette campagne idyllique grillonnante, et fruitée qui sent bon la piscine et les résidences secondaires : ici c’est la campagne verte et grise de morne agriculture, où l’on s’ennuie, tant bien que mal, à travailler pour mériter sa sieste puis son pastis au bistrot poussiéreux. Le héros c’est Armand, il n’est ni mince ni jeune ni extrêmement intelligent ni formidablement drôle pas même naturellement hétérosexuel. Il vend des tracteurs, avec beaucoup de tendresse pour ses clients vieux garçons qui vivent encore chez leur maman, il s’entretient en faisant du vélo et en panachant les charcuteries avec les fritures. Par hasard, et dans des circonstances très peu valorisantes, il délivre une jeune fille de la racaille urbaine en flagrante transgression de couvre-feu. Curly (Hafsia Herzi / La graine et le mulet) a seize ans, elle est ravissante, et, bien sûr, elle s’éprend aussitôt de son sauveur. Même pour un homosexuel endurci, difficile de résister au charme et à la sensualité de Curly ! Surtout qu’il faut la disputer à son père, concurrent sur le marché des tracteurs ! Pourquoi cette enfant délurée ne serait-elle pas une alternative ? Le quotidien atone de l’homosexuel fatigué qui, entre deux ventes, paie pour se soulager dans un parking, finit par ne plus répondre à la prétendue liberté qui le motive. Armand entraîne Curly qui l’entraîne à son tour dans une course folle, débraillée et débridée, une pantalonnade à l’énergie magique d’un tubercule cultivé en secret dans les sous-bois, la dourougne, plus puissante que le viagra. Et vive les étreintes goulues de chairs abondantes, la lubrification optimale avec « sensation fraîcheur » (6 euros à l’Intermarché) ! On court, on couche, on court, la police est partout et nulle part, on a tous les âges, tous les physiques, tous les appétits de vivre.

Armand c’est un peu Candide, et le petit monde rural de Guiraudie est moins vilain que naïvement farce. Pas de prosélytisme homosexuel mais une dédramatisation qui ne prétend pas à grand chose. En revanche, Le roi de l’évasion taquine à tour de bras le cinéma formaté. Existe-t-il un public pour ce film ? Certainement pas. Je ne peux imaginer recommander Le roi de l’évasion à une catégorie, à un groupe, à un public. Guiraudie s’adresse à de curieux individus qui, entre deux questions assommantes probablement existentielles, se plaisent à tout envoyer au diable pour se moquer des grands principes et des petites idées.

Catherine De Poortere

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