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Portrait

Joseph Spence

Joseph Spence

publié le

LA GUITARE "INSPIREE" DES BAHAMAS.


LA GUITARE "INSPIREE" DES BAHAMAS.

Joseph Spence est né le 3 août 1910 sur l'île Andros, la plus importante des Bahamas. Son père était ministre du culte baptiste et pêcheur d'éponges. La musique, souvent vocale et religieuse, régnait sur ces îles : hymnes, spirituals, antiennes, quadrilles, valses et danses populaires…. A l'âge de neuf ans, Joseph Spence reçut une guitare d'un oncle de Floride en visite à Andros. Il se précipita sur l'instrument, en autodidacte. La guitare devint vite membre de l'équipage du bateau de son père.
Un style de chant bien particulier émergea à cette époque où l'éponge était une des principales ressources des Bahamas : le "rhyming", "chant en rimes", sorte de polyphonie religieuse très libre. Ce style a vraisemblablement inspiré Spence et l'a aidé à développer sa propre personnalité musicale.

Au début des années 30, les éponges se raréfièrent et Joseph Spence se rendit à Nassau où il devint maçon et charpentier. En 1944, Spence et son épouse parcoururent le sud des USA pour des travaux de cueillette et il est évident que le guitariste y apprit des airs qu'il adapta par la suite, comme le "Coming in on a wing and a prayer", chanson de la deuxième guerre qui fut chantée par le Golden Gate Quartet.
De retour à Nassau en 1946, on pouvait le voir, lui et sa guitare, aux veillées, fêtes religieuses, bals, ou simplement sur les docks, entouré d'amis et de badauds. Parmi ceux-ci, certains prêtaient leur voix à sa guitare, en "rhyming".

En 1958, Samuel et Ann Charters le découvrent par hasard. Spence accepte d'être enregistré, il joue une heure d'affilée puis réécoute la bande, rit, secoue la tête, échange des remarques avec ses amis. Il a presque cinquante ans et le disque Folkways qui paraît aux USA ("Bahamian Folk Guitar" FE3844) lui rend soudain justice. En 1964, Elektra l'enregistre chez lui (LP "Happy all the time" réédité sur Carthage puis en compact sur Hannibal HNCD4419). Pete Seeger le découvre à son tour et l'invite à partager l'affiche de concerts organisés par le Festival de Newport. En 1965, d'autres séances paraîtront sous le titre "The real Bahamas" vol. 1 et 2 chez Nonesuch.
Spence apparaît à plusieurs reprises aux Etats-Unis où il rencontre deux de ses plus fervents admirateurs : Ry Cooder et Taj Mahal. Il passe une nuit entière à jouer avec Cooder, surpris qu'un autre musicien connaisse aussi bien sa musique. Ry Cooder dira d'ailleurs : "tout a commencé avec Joseph Spence quand je n'étais qu'un enfant. Il était l'une de mes grandes inspirations de tous les temps. Quand il jouait ces tirades de basses, je n'y comprenais rien, ça me rendait fou".

Ses amis Américains et le Suisse Guy Droussart font le voyage jusque Nassau, à quelques mois d'intervalle, en 1978, pour l'enregistrer et rassembler la matière des deux albums Rounder. Mais Spence meurt le 18 mars 1984, emmenant avec lui l'incroyable mystère des entrelacs de sa voix et sa guitare.
C'est qu'en plus de son éclatante guitare, il avait cette voix qui entrait et sortait librement, à son gré, selon son feeling, pour muser ou grogner la mélodie. C'était son plaisir de jouer qui lui sortait par tous les pores. Il fonçait dans son morceau, ne se souciant d'aucune convention musicale, attaquant sa guitare dans une entreprise totalement physique. Une musique sans concessions, à l'état brut, une musique très noire qui draine encore en elle la sève des ancêtres esclaves pour en nourrir un répertoire composé essentiellement de chants religieux d'origine blanche. Il faut l'écouter chanter, sa voix rebondissant sur les cordes de sa guitare, partant en syllabes musicales dépourvues de sens, roulant la mélodie dans sa bouche, comme il le fait au bout de ses doigts. Les paroles semblent souvent secondaires, il chante un couplet, un refrain, puis oublie le texte au profit de la musique, fait corps avec elle et avec la guitare; il ronronne et grommelle un semblant de paroles et de syllabes, revient au texte, repart sur un chant purement instinctif. S'il perd le texte, sa guitare est là qui joue avec lui, pour lui, qui l'emballe dans sa musique. Un des plus grands guitaristes du monde, hélas oublié chez nous !

Discographie

- Bahamian guitarist (Arhoolie) - KS6270
- Happy all the time (Water) - ME2296
- The complete Folkways recordings 1958 (Smithsonian Folkways) - ME2292
- The Real Bahamas in music and song Vol.1 (Nonesuch) - ME2093
- The Real Bahamas in music and song Vol.2 (Nonesuch) - ME2094
- Living on the Hallelujah side (Rounder) - ME2295
- Glory (Rounder) - ME2293
- Joseph Spence and the Pinder Family "The spring of sixty-five" (Rounder) - ME2390

Etienne Bours