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Filmfriend : sélection avril 2024 (documentaires)

bannière Filmfriend avril 2024
De la justice dans le Rwanda d’après le génocide de 1994 à l’acculturation forcée des peuples premiers du Canada, d’un ancien aumônier de Rudolf Hess à la prison de Spandau à la montée des populismes en Lorraine et en Flandre, de notre rapport à la procréation médicalement assistée ou à la gestion de nos excréments… Neuf documentaires variés tirés du riche catalogue de la plateforme Filmfriend, accessible gratuitement via votre compte PointCulture.

Sommaire

Bernard Bellefroid : Rwanda, les collines parlent (2005)

Ne pouvant plus vivre dans l’impunité qui a conduit au génocide de 1994, le Rwanda a décidé de mettre en place les tribunaux populaires « gacaca » : 140.000 juges intègres ont été élus parmi la population pour présider 12.000 tribunaux. Les gacacas devaient ainsi pouvoir juger 500.000 suspects de crime de génocide dans un délai raisonnable, selon le gouvernement.

Le règlement de la gacaca enjoint de dire la vérité et interdit les injures et les intimidations. Il n’y a pas d’avocats, chacun parle pour soi. La recherche de la vérité passe par la confrontation entre suspects et témoins. Rescapés ou proches de victimes et bourreaux se font face, avec douleur, avec désarroi.

En suivant le déroulement de trois de ces tribunaux populaires, en trois « histoires » – la vérité, la justice, la réconciliation – le film de Bernard Bellefroid, tisse un portrait d’une société en guerre contre l’idéologie toujours présente du génocide. Les rescapés et les bourreaux doivent pourtant apprendre à vivre ensemble. Ne pas oublier et apprendre à pardonner. Mais comment serait-il possible de pardonner à celui qui ne veut pas demander pardon ?

Obede est accusé, parmi plusieurs crimes, d’avoir tué des enfants; il nie… mais un autre accusé n’hésite pas à le traiter de menteur… Les accusés se renvoient la responsabilité. Après insistance de proches des victimes, Obede demande pardon, espérant ainsi – cyniquement – pouvoir être libéré et... rentrer chez lui ! Et puis, il y a le vieux Gahutu qui ne reconnaît aucun des crimes dont on l’accuse et n’a « aucun remords » (devant les hommes !). Face à ses juges, il parle toujours de « serpents » pour parler de ceux qu’on exterminait. Il nie, contre toutes les évidences, être impliqué dans quoi que ce soit… Enfin, il y a François, obligé de tuer son propre frère pour pouvoir survivre, et qui tente aujourd’hui de se réconcilier avec sa belle-sœur.

Il y a ceux qui sont restés et puis ceux qui ont réussi à échapper à la justice de leur pays. Aujourd’hui encore, des centaines de personnes suspectées de crime de génocide vivent en liberté dans de nombreux pays. La plupart ne seront sans doute jamais arrêtées ni jugées. (MR)


Marie Calvas, Idriss Gabel : Le Fantôme de Spandau (2019)

L’été, quelque part en France méridionale. Malgré son grand âge (pas loin des 90 ans au moment du film), Charles Gabel est un papy « bon pied bon œil » à l’acmé du bonheur familial, entouré de ses nombreux enfants – pour moitié adoptés - petits-enfants et arrière-petits-enfants. Et pourtant, cet ancien aumônier militaire protestant a longtemps gardé le silence sur une partie centrale de ses activités dix années durant. Il fut en effet la seule personne autorisée à côtoyer Rudolf Hess, détenu unique de la prison berlinoise de Spandau, mort en 1987, à l’âge de 93 ans. C’est que l’homme, nazi de la première heure et fidèle parmi les fidèles d’Adolf Hitler, a activement participé à la rédaction de Mein Kampf à la prison de Landsberg en 1924. Il a échappé au procès de Nuremberg (1946) et à la peine capitale uniquement parce qu’il avait entrepris en 1941, de sa propre initiative (il n’était alors plus dans les faveurs du Führer), un bien étrange voyage « diplomatique » vers l’Angleterre. Il a donc passé la majeure partie du conflit (et de son existence) derrière les barreaux, en particulier quand la solution finale a commencé à être mise en œuvre. Ne révélant rien du contenu de leurs échanges, tout en conservant une abondante documentation sur cette période, Charles Gabel, dont la vie et les actes sont à l’opposé de ceux du prisonnier nazi, laisse à demi-mot échapper un regret : celui de n’avoir pas réussi, à défaut de tentatives d’explications ou d’ébauches de repentance, à arracher un embryon de demande de pardon auprès de ce vieillard mutique et entêté. Une sorte d’enquête intrafamiliale (les réalisateurs du documentaire sont les petits enfants de l’aumônier) dont les secrets non révélés rejoignent les zones d’ombre de la grande histoire. (YH)


Gwenlaouen le Gouil : Tuer l’Indien dans le cœur de l’enfant (2021)

Pendant un peu plus de cent ans, depuis la signature de la Loi sur les Indiens en 1876 (aussi nommée « Acte des Sauvages »), le gouvernement canadien a imposé une politique d’acculturation aux Premières Nations du pays. Les enfants des autochtones ont été envoyés de force dans des pensionnats, pour la plupart catholiques, et y ont subi des violences morales, physiques et sexuelles. Sur les 150.000 qui y ont résidé, au moins 4.000 y ont perdu la vie.

Le réalisateur français Gwenlaouen le Gouil s’est posé la question du mal profond qui ronge les Premières Nations. Il s’est demandé quelles étaient les origines des problèmes de drogue, d’alcool et de violences aux femmes. Il a enquêté en 2020 dans diverses régions du Canada. Il a interrogé, dans une première partie, des adultes qui ont vécu dans les pensionnats; leurs témoignages sont édifiants. Il s’est intéressé ensuite à une des conséquences les plus visibles : le nombre très élevé de féminicides et le manque d’investigations de la part d’une police blanche et raciste (les scènes tournées à Thunder Bay sont très parlantes, à la limite du cynisme). Un combat pour rétablir la vérité et la justice est en cours mais il rencontre de nombreuses oppositions. C’est un documentaire dur, percutant, mais nécessaire, levant le voile sur les abus d’un gouvernement et d’institutions religieuses, mais qui donne l’espoir d’un changement. (ASDS)


Jacques Dochamps & José Galingua : Le Chant de la fleur (2013)

Le Chant de la fleur offre une tribune précieuse au peuple amérindien de Sarayaku, territoire situé en Equateur, au cœur même de la forêt amazonienne. C’est notamment dans une perspective animiste que sont ici considérées sa faune et sa flore : rattachés à ces dernières, des esprits, dont la présence est indispensable à l’équilibre indigène, sont omniprésents. In fine, c’est leur fuite – et donc leur mort – que craint le peuple Kichwa de Sarayaku. Bien sûr, ce qui précède cette mort, ce sont les conséquences directes et tangibles de l’exploitation pétrolière dont les commanditaires, faisant fi des droits de propriété ancestraux et tacites des Kichwa sur le territoire qu’ils occupent, sont soutenus dans leur entreprise par l’armée et l'état équatorien. La conscientisation des nouvelles générations quant aux externalités négatives de l’extraction d'hydrocarbures sur l’environnement semble dès lors décisive dans la résistance que mène ce peuple contre son Goliath à lui, ce à quoi participent Jacques Dochamps et José Galingua à travers ce long métrage documentaire. (SD)


Ina Borrmann : Désir d’enfant (2015)

Il en a fallu du courage à la réalisatrice Ina Borrmann d’explorer dans son film un sujet encore largement tabou dans nos sociétés : le désir d’enfant et la procréation médicalement assistée après quarante ans. S’il est abordé, c’est de façon technique (il est vrai que les limites de la fertilité sont repoussées depuis longtemps), mais l’angle choisi par la réalisatrice est plus radical. Caméra à l’épaule, elle n’hésite pas à « se mettre à nu » pour évoquer le long combat qu’elle et son compagnon mènent dans leur désir d’enfant. Rendez-vous chez le gynécologue, calculs savants, piqures, anesthésies dans un environnement aseptisé alternent avec des moments d’échanges profonds à deux dans des endroits plus chaleureux (une chambre cosy, l’habitacle d’une voiture). Si les annonces successives d’échec n’entament pas le flegme apparent de son compagnon, Ina, elle, le vit pleinement dans son corps et dans sa tête, et n’hésite pas à exprimer avec sincérité ses questionnements et sa souffrance, non sans parfois une bonne dose d’autodérision. Le spectateur, quant à lui, est aussi emmené dans une montagne russe d’émotions car le film porte en lui des graines de réflexion universelles sur l’amour au sein du couple et de la famille lorsqu’il est au cœur de la tempête. Original et bouleversant (MB)


Arnaud Robert : La Grande Bataille des toilettes (2022)

Sujet encore tabou, la question des excréments et de leur traitement est pourtant un enjeu environnemental et sanitaire capital. Selon les chiffres de l’OMS, la moitié de la population de la planète ne dispose pas de toilettes. Ce film montre la situation de pays comme l’Inde et l’Afrique du Sud, mais aussi les études pour trouver une alternative au modèle occidental, trop coûteux et source de gaspillage.

Plus qu’une simple question de confort, le problème de l’accès aux toilettes représente un risque pour les populations dont la santé est menacée par la dysenterie, la typhoïde, l’hépatite A. Pour comprendre cette situation, il suffit de se replonger dans l’histoire des villes européennes jusqu’au 19e siècle. Si à l’Antiquité (dans l’Empire romain comme les autres civilisations de l’époque) on avait déjà bâti un réseau d’égout dans ses principales cités, il a fallu attendre que la question de l’hygiène publique ne devienne alarmante pour que soit entamée la restauration du système, tombé en ruines.

Le modèle occidental moderne de toilettes individuelles installées dans chaque maison, connectées à un dispositif de canalisations centralisé, et pourvues d’une chasse d’eau, est donc récent et encore absent sur de nombreux continents. Si la solution est rapidement trouvée en zone rurale, le cas des villes en développement rapide est plus hasardeux. Dans beaucoup d’entre elles, il est presque déjà trop tard pour lancer les travaux d’assainissement et construire l’infrastructure nécessaire, et un drame sanitaire est à craindre. C’est le cas de l’Inde notamment, où la situation se double d’une question culturelle. C’est ainsi près d’un milliard de personnes qui continuent à recourir à la défécation en plein air. La charge incombait autrefois aux intouchables de faire disparaitre le problème loin de la vue des autres castes.

Le film se base sur ces constats pour analyser les différentes approches alternatives, comme les travaux financés par la fondation Bill Gates, qui tentent de trouver une réponse nouvelle à ce problème urgent. Le modèle occidental n’est ainsi pas adapté à tous les cas de figure, et d’autres types de toilettes sont à l’étude, répondant aux circonstances locales. Une part importante des recherches est également consacrée à éviter le gaspillage que représente l’usage de milliers de litres d’eau potable envoyés à l’égout, et la pollution que suppose l’acheminement des déjections hors des villes, vers des stations d’épurations couteuses en énergie. Les études cherchent de plus des moyens d’assurer la récupération des éléments utiles (eau/compost), autrefois réutilisés directement par l’agriculture, et de les transformer en source d'énergie renouvelable comme le biogaz ou l'électricité. (BD)


Régis Sauder : Retour à Forbach (2017)

Revenir sur les lieux de son enfance relève toujours d’un processus magique et douloureux. Les espaces nous semblent étriqués et notre propre rapport au monde s’est transformé. C’est à ce processus intime que le réalisateur de ce film a voulu se confronter. Petit-fils de mineur, il revient trente ans plus tard à Forbach, commune de la Moselle située sur le bassin houiller de Lorraine et devenue ville en crise confrontée à la montée du Front National. Mais là où Edouard Louis, autre transfuge de classe, s’inscrit dans une démarche plus égocentrée (voir Edouard Louis, ou la transformation), Régis Sauder, lui, préfère arpenter les lieux désertés de son enfance et donner la parole à ceux qui sont restés : ses amis, sa famille, des inconnus. Dans cet environnement sinistré, le réalisateur se heurte tantôt à une vision désabusée du monde, où la peur est le vecteur de toutes les comportements radicaux, tantôt à une vision généreuse de « l’autre ». Dans une démarche qui se veut sincère, et une narration imbriquant à la fois l’intime et le politique, il nous offre un film qui explore les notions de mémoire et de transmission et qui se veut, malgré tout, porteur d’espoir. (MB)


Sam Peeters : Homeland / Heimat (2015)

Un drone survole lentement la suburbia flamande. À l’arrière de la troisième maison filmée, devant le garage en fond de parcelle, on remarque un lion des Flandres en mosaïque de pavés de béton. Ce court métrage d’un étudiant de l’école de cinéma bruxelloise RITS ausculte le populisme flamand de 2015 (sur fond d’angoisse des attentats islamistes, de « crise migratoire », de peur de l’autre, etc.) dans des décors où cet autre qui fait peur (le terroriste, le demandeur d’asile, le voleur, l’étranger, etc.) n’est même pas présent (si ce n’est indirectement, à distance, par actualités télévisuelles interposées). Quelque part entre les premiers films de Michael Haneke (Le Septième Continent, 1989) et le projet Ugly Belgian Houses de Hannes Coudenys, Sam Peeters questionne par la juxtaposition d’images d’architecture résidentielle et de bribes de prises de parole d’habitantes et d’habitants (le mosaïste du début du film, un installateur de caméras de surveillance, un collectionneur de memorabilia du IIIe Reich, etc.) le rapport entre idées d’extrême-droite et individualisme exacerbé, repli sur soi, sur sa petite parcelle, dans sa maison quatre façades. C’est sans doute en partie lié à la courte durée du film (un quart d’heure) mais on regrettera que le cinéaste reste aussi en surface avec les personnes qu’il inclut dans son film qu’avec les maisons qu’il filme (à distance, de l’extérieur). (PD)


Naruna Kaplan de Macedo : Depuis Mediapart (2019)

Suite au départ à la retraite de son président et cofondateur Edwy Plenel – remplacé par Carine Fouteau – Mediapart devient, en mars 2024, le premier quotidien généraliste à se doter d’une direction entièrement féminine. Une page se tourne pour le journal d’investigation qui, depuis sa création en 2008, œuvre sans relâche à traduire le langage politique sous ses formes les plus obscures. En guise d’hommage, le documentaire nous replonge sept ans en arrière, entre mai 2016 et mai 2017. Dans l’actualité de cette année-là, Trump est élu président tandis que la mobilisation contre l’extrême droite se conclut, au second tour des présidentielles françaises, par la victoire d’un ex-banquier. Le penelopegate et les football leaks font la une de Mediapart de concert avec les accusations de harcèlement contre Denis Baupin, vice-président de l’Assemblée.

Les allers-retours entre l’actualité et son traitement constituent l’arrière-plan dynamique du film sur lequel se précise le rôle que Mediapart entend tenir, celui d’un organe militant engagé dans la lutte contre la corruption. Un dispositif d’immersion permet de vivre ce travail au jour le jour. Les plans rapprochés magnifient les prises de parole, les débats d’idées et les échanges plus informels au sein d’une équipe dont les actions s’articulent autour de quelques moments clés : réunions, enquêtes de terrain, rédaction d’articles, enregistrement de podcasts et de live. Du fait de la volonté de transparence du media, la captation depuis les coulisses n’apporte pas grand-chose de neuf, la fonction critique du film étant comme absorbée par un sujet qui a d’emblée toute la sympathie de la réalisatrice.

Le contrechamp est déjà ce qu’incarne Mediapart aux yeux de Naruna Kaplan de Macedo. Un remède contre une presse acquise aux industriels et aux Gafam. Motivée par un engagement citoyen, plébiscitée par le public (sur le site, le nombre de contributeur·ices ne cesse d’augmenter), cette ligne de conduite dure n’en accueille pas moins des émotions complexes. Derrière les larmes d’Edwy Plenel à l’annonce de la victoire de Macron demeurent toutes les questions que le documentaire se garde de poser. (CDP)


Une sélection de PointCulture (Manu Bollen, Catherine De Poortere, Anne-Sophie De Sutter, Philippe Delvosalle, Simon Delwart, Benoit Deuxant, Yannick Hustache et Marc Roesems).

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