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Focus

Red Star Line, un musée de l'émigration

Musée Red Star Line à Anvers

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publié le par Anne-Sophie De Sutter

Lors de la grande vague d'émigration vers les États-Unis entre 1850 et 1930, près de deux millions d'Européens sont passés par Anvers pour monter à bord des paquebots de la Red Star Line. Un musée occupe aujourd'hui les entrepôts proches du quai d'embarquement et raconte cette émouvante histoire.

Sommaire

L'histoire de la compagnie Red Star Line

Compagnie maritime, la Red Star Line a été fondée en 1871 à Anvers par Clement Griscom, un homme d'affaires américain. Elle affrétait des paquebots qui appartenaient à l'International Navigation Company de Philadelphie et à la Société anonyme de navigation belgo-américaine, basée à Anvers. Griscom souhaitait en effet créer une route maritime entre les États-Unis, New York et Philadephie et un port européen. Il a choisi Anvers pour sa position stratégique dans le continent et son accès aisé depuis l'Europe de l'Est par les voies ferroviaires. Le port n'était pas encore aménagé pour recevoir de grands navires mais le roi Léopold II a soutenu le financement des travaux de dragage de l'Escaut pour permettre d'élargir et d'approfondir le coude du fleuve.

A l'origine, Griscom souhaitait transporter le pétrole récemment découvert en Pennsylvanie vers l'Europe et au retour des passagers mais la loi interdisait la combinaison des deux activités sur un même navire. Il décide alors de ne transporter que des passagers. Le Vaderland, le Nederland et le Switzerland sont les premiers paquebots qui opèrent un service hebdomadaire vers les États-Unis. Tous porteront un nom se terminant en –land, une marque de fabrique de la société.

En 1902, l'International Navigation Company est rachetée par John Pierpont Morgan, de même que d'autres entreprises, et elle est incorporée dans l'International Mercantile Marine Company. La flotte a compté jusqu'à 133 navires et à certains moments, suite à son succès, la compagnie devait même affréter des bateaux d'autres armateurs.

Durant la Première Guerre mondiale, les activités sont interrompues, le port d'Anvers étant contrôlé par les Allemands, mais elles reprennent après la guerre. Entre 1920 et 1924, les lois d'immigration américaines deviennent très restrictives et très peu d'émigrants sont encore acceptés aux États-Unis. La Red Star Line voit son nombre de passagers chuter, et sa reconversion partielle en société de croisière ne suffit pas à la sauver. La compagnie fait faillite en 1934 et les bateaux sont rachetés par la Holland-America Line.

L'émigration vers les États-Unis

A partir de 1843, et jusqu'en 1930, de nombreuses personnes aboutissent dans les divers ports des côtes atlantiques et de la mer du Nord, venant de l'Europe entière. Leurs motivations pour émigrer étaient nombreuses: la pauvreté, la recherche de l'aventure ou de la fortune, le besoin de liberté… Pour beaucoup d'Européens, le 19e siècle était en effet une période de misère, que ce soit en Belgique, en Allemagne et jusqu'en Russie. Dans nos contrées, l'agriculture était en crise: de mauvaises récoltes, notamment dues au mildiou qui a décimé les cultures de pommes de terre, ainsi qu'un morcellement de plus en plus important des parcelles dû à l'augmentation de la population, avait mené de nombreux paysans à la famine et au vagabondage. Parallèlement, l'industrie était peut-être florissante mais de nombreux conflits sociaux voyaient le jour, causés par les conditions de travail pénibles et les salaires extrêmement bas. Les premiers mouvements syndicalistes sont durement réprimés et de nombreux ouvriers impliqués ne voient d'autre solution que d'émigrer en Amérique pour fuir les poursuites judiciaires. Pour de nombreux Juifs d'Europe centrale et de Russie, il faut y ajouter les persécutions et pogroms qui ne laissaient presque pas d'issue.

A partir des années 1870, la Red Star Line avait ouvert des agences partout en Europe pour que les candidats émigrants puissent acheter leurs tickets. Ils arrivaient à Anvers après un long et parfois périlleux voyage en train. Il était tout particulièrement difficile de quitter la Russie – il fallait obtenir un visa – et de nombreuses personnes sont sorties clandestinement du pays avec l'aide de passeurs.

Une fois arrivés à Anvers, ils étaient dirigés vers les entrepôts de la Red Star Line où ils devaient passer un contrôle médical et une désinfection avant de pouvoir embarquer sur un navire. Ce départ était parfois rapide après leur arrivée mais certains devaient séjourner plus longtemps dans la ville, faute d'argent ou à cause de problèmes médicaux. Des pensions miséreuses les accueillaient et diverses organisations les prenaient en charge; une partie était dirigée par la communauté juive anversoise.

Les émigrants qui avaient passé tous les contrôles dans les hangars de la compagnie embarquaient alors sur un des nombreux bateaux de la flotte et partaient pour un voyage qui pouvait durer entre une et deux semaines. La plupart d'entre eux se retrouvaient amassés en troisième classe, dans la cale. Ils avaient le droit de monter sur le pont pour s'aérer un moment mais passaient la plus grande partie du temps dans une atmosphère étouffante et dans des conditions d'hygiène très précaires. Les repas étaient fournis mais en petite quantité et la nourriture n'était pas de très bonne qualité. Beaucoup de voyageurs étaient malades pendant toute la traversée et terminaient le voyage épuisés et amaigris.

L'arrivée à New York était remplie d'espoir mais également source d'angoisse: seraient-ils acceptés sur le territoire ? Passeraient-ils les contrôles médicaux très stricts d'Ellis Island ? Pour les émigrants, une nouvelle vie commençait.

En cinquante ans, les paquebots de la Red Star Line ont emmené plus de deux millions de personnes en Amérique, environ un dixième des nouveaux émigrants sur cette période.

Le musée

Après la faillite de la compagnie en 1934, le bâtiment de la rue de Montevideo a été employé à diverses fonctions puis désaffecté, sombrant dans l'oubli. En 1992, Robert Vervoort, un ancien docker et collectionneur fasciné par la Red Star Line, demande à la ville d'Anvers de placer une pierre commémorative sur les quais mais le classement n'est pas à l'ordre du jour. Il faudra attendre 2000, année où l'administration communale s'intéresse à la plus ancienne zone portuaire d'Anvers, le quartier nommé Het Eilandje, et émet un avis favorable pour la protection de plusieurs bâtiments, dont l'entrepôt de la Red Star Line. Durant les années 2000 naît un projet de musée de l'émigration et des contacts sont pris avec la Fondation Ellis Island et le Musée de l'Immigration d'Ellis Island à New York. Après une rénovation en profondeur du hangar, le musée ouvre ses portes en 2013. Conçu comme lieu de souvenir, il rassemble des objets appartenant à la collection de Robert Vervoort, des archives de la ville et de nombreuses informations à caractère pédagogique. Il raconte également les histoires glanées auprès de familles d'anciens passagers.

La visite commence par une grande photo de migrants attendant d'embarquer, chargés de lourds baluchons. Aucun indice n'est donné sur la suite du parcours. Un couloir bordé de photos floues accueille ensuite le visiteur, le plongeant dans une cacophonie de témoignages oraux. Et puis, un amoncellement de valises.

Une première salle est consacrée à l'histoire de la compagnie, une seconde met en miroir l'histoire des migrations vers les États-Unis avec le lointain passé et les récits de réfugiés ou migrants d'aujourd'hui. Des photos anciennes racontent l'histoire de chaque pièce de l'entrepôt.

Le musée est conçu comme un voyage des différentes étapes traversées par les émigrants, contant de manière ludique et interactive leur histoire, en commençant par expliquer leurs motivations et origines et leur voyage à Anvers depuis les confins de l'Europe.

Une fois arrivés au hangar de la Red Star Line, les migrants devaient subir des examens médicaux et une désinfection. Cette étape est illustrée par diverses photos mais le plus touchant est sans doute de s'y trouver en même temps qu'un groupe de nouveaux immigrants qui racontent à leur guide quels examens ils ont subi aujourd'hui, avant de pouvoir entrer en Belgique. Une femme pakistanaise évoquait une photo des poumons, une autre parlait d'une prise de sang.

Et puis c'est l'embarquement: une passerelle permet de passer d'une salle à l'autre. Les bateaux y sont montrés sous forme de maquettes; divers objets de la première classe sont exposés dans des vitrines; des photos illustrent la vie en troisième classe. La scénographie de cette partie du musée propose un passage entre des pièces sombres évoquant l'intérieur du navire et les pièces suivantes figurant l'arrivée qui sont inondées de lumière.

Dans l'avant-dernière salle sont exposés des objets que certaines familles émigrées ont offerts au musée. Le regard est de suite attiré par un piano, celui d'Irving Berlin - né Israel Isidore Beilin, qui a quitté l'Europe avec sa famille en 1893 à bord d'un des navires de la Red Star Line.

A la sortie, une porte vitrée mène à la tour qui a été construite au-dessus du musée. Celle-ci offre une vue à 360 degrés sur l'Escaut et la ville et renforce cette mémoire des émouvants départs de l'époque.

Textes et photos: Anne-Sophie De Sutter



Musée Red Star Line
3 Montevideostraat
2000 Anvers

(Le musée sera fermé du 18 juin au 21 septembre 2018 pour rénovations.)

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