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Focus

Et la machine fut...

Et la machine fut...

Utopies

publié le par Nathalie Ccoronvaux

L’avènement de l’ère industrielle allait changer radicalement l’environnement sonore des hommes, permettant d’accélérer le rythme de la vie. Le vrombissement d’un moteur acquit un charme indéniable aux oreilles des nouveaux esthètes.

En février 1909, Filipo Tomasso Marinetti fit paraître son manifeste du Futurisme concernant la littérature et la poésie. Deux ans plus tard, Francesco Balilla Pratella s’adressait aux compositeurs pour présenter les lignes de force de ce courant dans son Manifeste des musiciens futuristes.

Image: Couverture de l'édition de 1912 de Musica Futurista de Francesco Balilla Pratella - graphisme: Umberto Boccioni

Le 9 mars 1913, le peintre et compositeur Luigi Russolo (1887-1947) publie le manifeste L’Arte dei Rumori (L’Art des Bruits), qui pose les bases conceptuelles du bruitisme. Russolo y soutient l’idée que l’oreille humaine s’est familiarisée avec la vitesse, l’énergie et le bruit de l’environnement sonore urbain et industriel, et que cette nouvelle palette sonore nécessite une approche renouvelée des instruments et de la composition musicale. Les Futuristes italiens ont essayé de fonder une nouvelle construction du musical sur des éléments qui n’étaient pas encore qualifiés d’objets sonores mais qui, comme “bruits” de la vie courante, possédaient par nature une fonction dédiée à notre environnement. Russolo tente ensuite d’explorer la variété des sons-bruits et de les ranger dans six grandes familles de bruits : grondements, éclat, bruit d’eau tombante, bruits de plongeon, mugissements ; sifflements, ronflements, renâclements ; murmures, marmonnements, bruissements, grommellements, grognements, glouglous ; stridences, craquements, bourdonnements, cliquetis, piétinements ; bruits de percussions (obtenus en frappant diverses matières: métal, bois, peaux, pierres etc.) ; voix d’hommes et d’animaux (cris, gémissements, rires, sanglots etc.). Russolo affirme que ce sont les bruits les plus fondamentaux et que tous les autres peuvent s’obtenir à partir de combinaisons de ceux-ci.

Il conçoit un grand nombre d’instruments bruitistes, les intonarumori. Chaque instrument était fait d’une boîte de résonance en bois en forme de parallélépipède avec un pavillon en carton ou en métal. L’interprète tourne une manivelle pour produire un son dont la hauteur est contrôlée au moyen d’un levier placé au sommet de la boîte. Le levier peut être déplacé le long d’une échelle de tons, demi-tons et les gradations intermédiaires avec une tessiture dépassant l’octave. A l’intérieur de la boîte se trouve une roue en bois ou en métal (d’un diamètre variant selon le modèle) qui met en vibration une corde en boyau ou en métal. La tension de la corde est modifiée au moyen du levier permettant des glissandos ou des notes spécifiques. A une extrémité de la corde, une membrane transmet les vibrations à un pavillon. Il existe 27 variétés d’intonarumori dont le nom (Gorgogliator, ronzatore, ululatore, crepitatore) reflète le son produit: ululement, crépitement, explosion, gazouillis, bourdonnement, sifflement etc.

Risveglio di una citta de Russolo donne un aperçu de la diversité de ces sons. Il mit en place un orchestre d’intonarumori pour jouer son Gran Concerto Futuristico (1917) ainsi que Corale/serenata (1921), œuvre de son frère Antonio. Cette composition reçut un accueil très hostile et violent, ainsi que son auteur l’avait prévu. Le premier concert d’un orchestre de bruiteurs eut lieu le 21 avril 1914 à Milan.


Anne Genette