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Critique

CLUB 7 LIVE TAPES (THE)

publié le

Webster LEWIS : « Webster Lewis in Norway. The Club7 Live Tapes » (Counterpoint, 1971 - Réédition CD: Plastic Strip, 2007) Un organiste allumé Une perle rééditée : be-bop, soul, gospel, space-rock… wouah ! L’allumage est total !

 

wlC’est un moment d’exception de 1971 que l’édition de ce CD ramène à la surface. C’est du passé, mais ce qui se malaxe dans cette étuve de formes sonores est très instructif et, finalement, fort actuel. Webster Lewis est organiste, il a débuté dans le jazz avec Toni Williams, Bill Evans et surtout George Russel, musicien et compositeur. George Russel est un théoricien fécond et incontournable du jazz moderne, ne cessant de compléter et raffiner sa thèse « The Lydian Concept ». Voici ce qu’en dit le « Dictionnaire du jazz » : « … il est l’un des très rares inventeurs de langage dans l’histoire de la musique afro-américaine, avec Ellington, à susciter chez ses pairs une admiration et un respect dont l’unanimité transgresse styles et époques et le caractère global, « conceptuel » donc, de son travail d’organisateur de sons permet de le considérer lui aussi, comme un passeur décisif. » Nul doute qu’à son contact, Webster Lewis ait été gagné par ces idées novatrices, audacieuses, leur créativité en matière d’organisations sonores. Mais il était aussi actif sur la scène soul et, au regard de son parcours postérieur - tubes disco, musiciens et arrangeurs de studio pour Herbie Hancock et Barry White - on sait qu’il couvait plusieurs monstrueux feelings.

C’est ainsi que cet enregistrement plonge au cœur d’une expérience sans barrières où se marient idées savantes, be-bop et avant-gardisme, racines des cultures musicales africaines-américaines et toutes les formes de mixités populaires telles qu’elles pétillaient dans l’air du temps. Un moment échangeur très chaud. Ça ne fait pas du tout « daté», « passé », tout vibre dans une fièvre et une liberté intemporelles. Le nom complet du quintet de Lewis est éloquent et nullement mensonger : « Webster Lewis and the post-pop, space-rock, be-bop, gospel tabernacle chorus and orchestra BABY !! » Dans la première longue plage, un prêche puissant avec lentes montées, chutes et frénésies libératoires, il joue une scansion hypnotique, dans les basses, jeu de notes qui se croisent, balancent comme un jeu de jambes patibulaire et décochant aux meilleurs moments, de petites passes aiguës, ivres, faites de petites bulles qui cognent et repartent en phrases volubiles, pressées. Les registres qu’il utilise sont très variés et inventifs : il suit les saxos, tapis roulant qui donne une impression que tout défile plus vite qu’on ne le croit, ondulations de motifs abstraits. Il peut lancer l’affaire, rapide, affairé, roulant des épaules, avant de libérer une vague de swing de velours transi. Bavard, emporté dans un lyrisme bégayant. Il se fond dans un duo flamboyant des deux saxos, juste un drone interstellaire. Il emballe la rythmique d’une peau louvoyante, animale, reptilienne, régurgitant quelques paraboles lapidaires, fiévreuses, annonciatrices d’une parade explosive, chatoyante, chaotique et extatique. C’est lui que l’on entend, au cœur du déluge tribal, pulser, hululer lugubrement, lancer des fumigènes. Entre les spirales de feu des souffleurs déchaînés, il ouvre des gouffres aux parois hurlantes, fait remonter du vide des traînées mélodieuses dépiautées, petites concrétions de cristal en charpie fluide, ponctuations brillantes de ce spiritual jazz très inspiré. Il n’a pas son pareil pour conduire tout son petit monde à l’autel charnel de la danse, tout en déhanchements canailles et en parfaite complicité avec Judd Watkins (chant), Bobby Greene (saxo alto), Stan Strickland (saxo ténor) et Jimmy Hopps (batterie, percussion). C’est la fête, envoûtante.

Pierre Hemptinne

 

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