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Critique

K&D SESSIONS (THE)

publié le

En 1998, deux Autrichiens élèvent l’art du remix au niveau des plus exquises viennoiseries sonores. Bristol et Vienne semblent alors reliées par un tunnel souterrain, invisible et douillet, où il fait bon se perdre.

Au sein du firmament électronique, Peter Kruder et Richard Dorfmeister occupent une position singulière. Une étoile double dont le faible éclat lumineux contraste avec l’étrange marais gravitationnel qui semble emporter tout objet attiré dans son champ dans une ronde langoureuse infinie. Outre la particularité de n’avoir jamais publié de disques de leur cru (c’est-à-dire composé de leurs propres compositions), cette association de DJ particulièrement appréciée et sollicitée à l’aube des années 1990 a toujours jalousement veillé à son indépendance, refusant les ponts d’or que leur tendaient les « majors » pour se replier sur leur propre structure discographique (G-Stone) où ils font montre d’un véritable talent de dénicheurs de pépites musicales oubliées. Depuis, ils ont préféré (outre leur travail de DJ) se consacrer à leurs projets parallèles respectifs (Peace Orchestra pour le premier, Tosca pour le second) et se retrouver, uniquement en de rares occasions, derrière les platines, à l’occasion de la publication d’un disque.
Sorti en 1997, The K & D Sessions compile une vingtaine de remix au sein d’un double album à la croisée du hip-hop, de la soul, de la house, du nu-jazz, de l’électro et de la pop. Et bien que grandis dans la Vienne des années 1980, nos deux hommes semblent demeurer insensibles aux sonorités froides et martiales de l’électro et du dancefloor made in Europe et cultiver leur différence par une inclination certaine pour les sonorités chaudes et arrondies de la Jamaïque, d’Afrique (via l’afro-jazz), mais aussi en provenance du sous-continent latino-américain. Si en cette décennie musicale 1990, les vents musicaux soufflent depuis Bristol où le terme trip-hop a été forgé pour décrire l’infiltration massive et inédite d’un succédané bâtard, mélancolique et chaloupé du rap américain au sein d’une nouvelle niche sociologique (et majoritairement blanche), la réponse en provenance de la capitale autrichienne se fera en termes d’équivalence (l’esprit d’ouverture) mais sans jamais emprunter la voie d’un mimétisme racoleur et pécuniaire.
Le trait le plus remarquable de cet album est l’impression d’unité d’ensemble qui s’en dégage malgré l’hétérogénéité fondamentale des matériaux auxquels Kruder et Dorfmeister ont appliqué leurs procédés et méthodes de relecture. Une façon d’agir qui doit autant au dub dans sa façon de décortiquer et remodeler les titres couche par couche et d’en déplacer ou remplacer (après modifications) certaines au profit d’autres, avec à chaque fois pour finalité de leur faire gagner en sobriété et en moelleux, qu’à un feeling très jazzy d’infuser un groove discret mais insistant dans les soubassements moteurs de titres d’où s’échappent constamment des effluves de nappes synthétiques qui portent instinctivement leur signature.
Dès lors, écouter en boucle The K & D Sessions, ses vingt et une vignettes réparties sur deux disques, appartient davantage au domaine des songes ouatés dont on rechigne à s’échapper qu’à un habituel exercice comptable qui consiste à zapper les revisitations anodines ou pénibles pour ne conserver que les points de vue musicaux pertinents disséminés. Dans ce florilège de régals auditifs, on lévitera sur les boucles de guitares acoustiques enroulées de nappes synthétiques impalpables de « Boogie Woogie », on se chopera une sévère descente en piqué sur la version drum’n bass Twin Peaks de « Speechless », on stabilisera l’appareil en traversant un nuage cotonneux et résonnances cuivrées (« Where Shall I Turn ») puis on cherchera par tous les moyens disponibles (« 1st Of The Month » comme un hip-hop new age, « Trans Fatty Acid » et sa sirène du ciel Louise Rhodes de Lamb) à retarder le retour sur le plancher des vaches.

Hustache Yannick.

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