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Critique

PROTECTION

publié le

Massive Attack mettra donc trois ans pour sortir une suite que tout le monde ou presque attendait de pied ferme. Shara Nelson a de son côté quitté le navire pour se lancer dans une carrière solo sans lendemain et Tricky en est encore à peaufiner son […]

Coproduit par Nellee Hooper, Protection, le second opus de Massive Attack se distingue donc de Blue Lines par l’utilisation restreinte de samples et par un travail sur les sons plus méticuleux pour un résultat paradoxalement plus instable que par le passé. Les choses semblent à la fois plus maîtrisées mais la peur du vide semble les tenailler à tel point que par moments le disque se perd dans un dédale de mélancolie et de résignation. Les compositions sont tendues à l’extrême, elles refusent la simplicité tout en se laissant amadouer par les bonnes intentions de leurs différents interprètes, ce sont eux qui donnent un semblant de vie à ces chansons désincarnées. La voix de Tracey Thorn atténue l’intensité mortifère de la plage titulaire du disque et donne de la gravité au très épuré « Better Things ». La nouvelle venue, Nicolette, apporte par son timbre à la Billie Holiday de la substance et du corps à « Three » et « Sly », deux ritournelles somptueuses et vénéneuses à souhait. Si en termes de sophistication les arrangements orchestraux de Will Malone sur « Unfinished Sympathy » avaient marqué les esprits, les envolées violoneuses et pianistiques faisant écho aux
travaux de Bernard Herrmann, Angelo Badalamenti et David Shire de l’arrangeur écossais Craig Armstrong rendent « Sly » et les instrumentaux « Weather Storm » et « Heat Miser » aussi mystérieux que démesurés. Horace Andy n’est pas en reste et se distingue par deux reprises contrastées, celle sublime de son « Spying Glass » – revue et corrigé – de 1982 et une autre plus anecdotique, voire inutile du « Light My Fire » des Doors. L’original de « Spying Glass » sorti à l’origine sur l’album Dance Hall Style se suffisait à lui-même mais sa réinterprétation a le mérite de lui donner une seconde vie et d’en faire un classique définitif. La reprise des Doors enregistrée lors d’un concert fait presque l’effet d’une blague de potache visant sans doute à se remémorer les ambiances de leurs soirées endiablées au Dug Out. Dans leur souci de déjà revoir leur copie et de proposer un peu moins de normalité à leur public, le groupe décide de confier les bandes à peine achevées de Protection à Neil Fraser (alias Mad Professor), un des chefs de file du dub anglais depuis le début des années 1980 et habitué aux bidouillages de toutes sortes. Avec la publication de No Protection il bouscule rythmiques et tessitures vocales en apportant un peu de folie et de densité à ces chansons qui en manquaient parfois. Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’empreinte laissée par Protection prendra finalement le dessus et ne laissera planer aucun doute quant aux futures intentions du groupe. Celles d’arpenter plus en avant des territoires arides et désolés qui prendront corps sur leur troisième oeuvre, le neurasthénique et oppressant Mezzanine.
Avant la parution de cet album et parallèlement à leurs différentes activités en tant que DJ, les membres de Massive Attack fondent en 1997 le label Melankolic avec lequel ils vont publier successivement The Space Between Us, un album orchestral de leur collaborateur Craig Armstrong, un disque qui reprend certains thèmes de l’album Protection et en compagnie d’artistes prestigieux comme le chanteur du groupe The Blue Nile, Paul Buchanan (en état de grâce sur une de ses anciennes compositions, le grandiloquent « Let’s Go Out Tonight ») et la chanteuse des Cocteau Twins, Liz Fraser (touchante sur « This Love »). Melankolic signe également le très sophistiqué premier album du groupe Alpha ainsi que le rappeur anglais Lewis Parker et le groupe pop rock Day One. Pour l’anecdote, la première sortie du label est un vibrant hommage et une introduction idéale au talent de Horace Andy via une compilation de quatorze titres couvrant toute sa carrière. C’est durant cette période que le groupe s’attele à l'écriture d’un album qui va une fois de plus bouleverser les tendances et faire bouger les lignes.

David Mennessier

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