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Critique

PRESSURE

publié le

Si l’influence de la musique jamaïcaine sur la scène électronique n’est plus à démontrer, elle prend le plus souvent la forme d’une fascination pour les techniques du dub, pour les sorcelleries de studio dont sont capables des producteurs et des […]

Genre mal aimé, souvent décrié, principalement par le public blanc européen qui y voit un dévoiement commercial, et surtout bien trop sauvage, du reggae, le dancehall a une réputation de musique violente et vulgaire, et beaucoup le comparent au gangsta rap, une musique de voyous et de truands. Pour Martin, c’est toutefois la continuation du reggae et du dub, qui eux aussi ont débuté comme musique de rude boys (les mauvais garçons de Kingston dans les années 1960) avant de devenir « fréquentable ». De plus, le statut relativement underground du genre (jusqu’au succès mainstream tardif de gens comme Sean Paul ou Shaggy) en a fait longtemps un genre relativement expérimental, très dynamique, et en perpétuelle mutation.
Ce n’est pas la première tentative de crossover que réalise Kevin Martin. Il fit ses premières armes au sein de God, groupe de jazzcore mêlant l’énergie et la distorsion du rock avec la dissonance et l’impétuosité du free jazz. Il a ensuite lancé une série de projets, en collaboration avec Justin K. Broadrick (lui-même issu de Napalm Death, puis de Godflesh) : Ice, Techno-Animal et Curse of the Golden Vampire, assimilant hip-hop, techno, post punk, dub ou illbient. Son travail au sein de toutes ces formations hybrides le firent choisir par Virgin pour être le curateur de deux des anthologies de la série ambient ; l’une intitulée « Ambient 4: Isolationism », s’attachait à la scène dark ambient et expérimentale, et l’autre, « Macro-Dub Infection », établissait des ponts entre la scène électronique et la scène dub anglaise. C’est là qu’il rencontrera les futurs collaborateurs de son nouveau projet, The Bug. Choisissant d’éviter le snobisme habituel qui fait préférer le dub aux autres genres de reggae, et détester par-dessus tout le dancehall, il cherchera au contraire à incorporer les rythmes et le style vocal de ce dernier dans des arrangements conciliant ses « origines » punk et industrielles avec la musique de danse. Après un premier album en 1997, baptisé Tapping the Conversation (en hommage au film de Coppola), il attendra six ans avant de publier Pressure, pour lequel il rassemblera un grand nombre de vocalistes, principalement issus du reggae et du dancehall anglais et jamaïcain : le pionnier du raggamuffin Daddy Freddy, le DJ Wayne Lonesome, Singing Bird, l’ex-vocaliste de Rhythm & Sound Paul St.Hilaire (anciennement Tikiman), des associés de longue date comme Toastie Tailor, the Rootsman ou He-Man, ainsi que le poète Roger Robinson, avec qui il formera plus tard King Midas Sound. L’album oscille entre des variations hautement efficaces sur le phrasé et les rythmiques frénétiques du dancehall, et des morceaux ambient plus posés, plus mélancoliques. Pour Kevin Martin, c’est un nouveau départ et un changement radical par rapport à ses groupes précédents. Si l’énergie et le volume sont toujours mis en avant, parfois de manière agressive, ce n’est plus avec l’attitude confrontationnelle, un peu nihiliste, d’avant, mais purement à la recherche d’une intensité maximale.

Benoit Deuxant