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Critique

EDVARD MUNCH

publié le

SÉLECTION DU MOIS DE SEPTEMBRE 2007 DVD du mois : Peter Watkins : Edward Munch T.V.O.D. : Quelques plans sur Peter Watkins et la télévision Peter Watkins : Punishment Park Benny's Video Flandres DVD DU MOIS EDVARD MUNCH N'EST PAS UN SAINT

Le film sur la vie de ce peintre maudit par excellence, sorte de Rimbaud norvégien de la peinture expressionniste, n’est pas une journal. On imagine sans peine le tire-larmes extraordinaire que cela eut pu être. Mais, heureusement, ce n’est pas le genre de Peter Watkins. Il ne brandit pas un saint martyr de l’art, il s’interroge sur les conditions d’émergence d’une sensibilité profondément atypique par rapport au biotope social qui l’engendre. Son procédé cinématographique est un dispositif d’enquête. Pour autant, son but n’est pas de saper la génialité de l’artiste en démontrant qu’il n’a été que le résultat de toute une série de déterminants sociaux. Il tourne autour du personnage, il ramasse des indices. Il aligne des données historiques, biographiques, médicales, économiques. Des repères macros (ce qui se passe dans le monde) et des balises privées (le cadre familial). Il les fait interagir. Il met en mouvement ces données et, comme s’il se téléportait à l’époque et qu’il réveillait les protagonistes de leur sommeil éternel pour les observer, il les interviewe, il les filme. Il construit la représentation biographique par petites touches approximatives, par esquisses croisées, comme on jette les premiers traits et premiers pigments sur une toile. Au senti, en cherchant le fil pour atteindre le cœur de son sujet. Il construit la narration en reliant des registres hétérogènes, en établissant des coordinations complémentaires. Et, au fur et à mesure qu’il croise les informations, repassant toujours sur les mêmes traits saillants, il met au point, il clarifie. Le roman familial imbriqué dans le récit de la société norvégienne. La maladie pulmonaire, le sang craché, la mort de la mère, la mort de la sœur et la guérison miracle du futur peintre. Le poids terrible de la religion, toute une famille qui s’en remet à Dieu, vouant ses enfants au service des cieux, comme enfermant la graine d’artiste dans l’angoisse de n’avoir jamais d’existence propre. La pauvreté et le spectacle de la classe aisée. L’hypocrisie de la société à l’égard du sexe. La caméra tourne, elle traverse les différentes sphères d’influences qui pèsent sur les années de formation de Munch. Des sphères d’influences dont beaucoup s’accommodent pour constituer la masse de la normalité. Mais avec le jeune Munch, quelque chose ne se passe pas comme avec les autres, ça déraille, il y a un grain de sable et il rentre en discussion intérieure avec ces forces de façonnage et une tension s’installe. Une tension qui va le pousser à développer une sensibilité singulière, exacerbée, une sorte de douleur permanente, interrogeante. Souffrance qui le pousse à s’exprimer et à peindre, à trouver sa liberté. L’orage amoureux est au centre de ses tourments, l’éducation sentimentale est éprouvante. Il se réfugie dans la bohème, désordre social qui organise la résistance, agitée par l’interrogation sur le sexe, le rôle et la véritable essence de la femme, le sens de la jouissance, la remise en cause des relations entre les sexes et l’expérimentation de l’amour libre. Le cinéaste entrelace les tourments du peintre cherchant à épanouir sa singularité aux témoignages de femmes luttant pour imposer leur autonomie et échapper à l’autorité masculine.
La tactique narrative travaille sur la répétition, les images récurrentes, les flashs et les traumas qui tournent en manège (dé)structurant dans le mental et en organise les éléments avec lesquels construire l’expression de soi. Il y a quelques images chocs autour desquelles se construit une personnalité par leur ressassement et à partir desquelles Munch poursuit ce qui deviendra son esthétique personnelle. Peter Watkins montre aussi remarquablement comment une œuvre s’installe. Avec quel investissement, quelle obstination dans la recherche et l’expérimentation. Petit à petit elle devient, elle trouve sa logique. Incontournable, elle s’achemine vers la reconnaissance, elle crée autour d’elle, et en liaison avec les créateurs en affinité, les conditions de la compréhension des nouvelles formes qu’elle a portées sur la place publique y suscitant d’abord et longtemps de cinglants scandales. S’il parvient si bien à rendre, sans emphase, ce qui s’est passé d’unique, d’incommensurable et d’incalculable, entre Munch et sa toile, c’est aussi parce que Watkins se donne le temps de montrer, seule manière d’éviter les simplismes et de rendre justice à la complexité du cas à raconter. Le film, en effet, dure trois heures et demie. Ce n’est pas la mer à boire! Vous pouvez aussi le regarder en tranches, comme une série, et déguster à petites doses ce «travail de génie» (Ingmar Bergman) ! [retour]
Pierre Hemptinne

 

FILMS ET DOCUMENTAIRES SUR LA PEINTURE

Cette liste ne traite pas des rapports entre la peinture et le cinéma, mais concerne les adaptations à l’écran de biographies ou d’épisodes de la vie de peintres ainsi que quelques films où l’acte de peindre apparaît comme le sujet principal.
Selon le même principe, la sélection de documentaires reprend des biographies ainsi que quelques essais qui questionnent l’œuvre elle-même.

Cinéma : les peintres
- « Basquiat » de Julian Schnabel - VB0645 (VHS)
- « Cinq femmes autour d’Utamaro » de Kenji Mizoguchi - VC3762
- « Caravaggio » de Derek Jarman - VX2024 (VC0999 en VHS)
- « L’extase et l’agonie » de Carol Reed - VE9350 (VHS)
- "Frida" de Julie Taymor - VF6199
- « Ivre de femmes et de peinture » de Im Kwon-taek - VI8080
- « Klimt » de Raoul Ruiz - VK0052
- « Love is the devil » de John Maybury - VL6216
- « Modigliani » de Mick Davis - VM4640
- « Pollock » de Ed Harris - VP5526
- « Rembrandt » d’Alexander Korda - VR0018
- « Rembrandt Fecit 1669 » de Jos Stelling - VR0097 (le film le plus proche du Munch de Watkins)
- « Rembrandt » de Charles Matton - VR1461
- « Van Gogh » de Maurice Pialat - VV0852

Cinéma : autour de la peinture
- « Andrei Roublev » de Andrei Tarkovsky - VA4662
- « La belle noiseuse » de Jacques Rivette - VB1889
- « Charlotte » de Frans Weisz - VC3029
- « L’hypothèse du tableau volé » de Raoul Ruiz - VX2030
- « La jeune fille à la perle » de Peter Webber- VJ1407
- « Meurtre dans un jardin anglais » de Peter Greenaway - VM2151
- "Le songe de la lumière" de Victor Erice - VS5395 (VHS)

Documentaires en DVD
- « Francis Bacon » de Christian Guyonnet - TC0645
- «Tintoret d’après Jean-paul Sartre ou la déchirure jaune » de Didier Baussy-Oulianoff - TC7971
- « Balthus intime » de Xavier Lefèbvre - TC0650
- « Cézanne en rachachant » de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet - TW7701
- « Chagall » de François Lévy-Kuentz - TC1602
- « Met Dieric Bouts» d’André Delvaux - VR1497 (en bonus de Rendez-vous à Bray)
- «Van Gogh» d’Alain Resnais - VM7301 (en bonus de Muriel ou le temps d'un retour)
- « Paul Gauguin » d’Alain Resnais - VM7301 (en bonus de Muriel)
- « Guernica » d’Alain Resnais - TW6631
- « Klee, le silence de l’ange » de Michaël Gaumnitz - TC4361
- « Les silences de Spilliaert » de Wilbur Leguèbe - TC7281
- « Mark Rothko, un humaniste abstrait » d’Isy Morgensztern - TC7121
- « Alberto Giacometti » de Michel Van Zele - TC3511
- « Frida Khalo, entre l’extase et la douleur » d’Anna Vivas- TC4341
- « Joan Miró, l’homme qui a renversé la peinture » de Yves De Peretti - TC5221
- "Le mystère Picasso" de Henri-Georges Clouzot - TC5930
- « Picasso érotique » de Valérie Manuel - TC6367
- « Picasso : el hombre y su ombra » d’Ernesto Rodriguez - TC6362
- « Picasso : el gernika » d’Ernesto Rodriguez - TC6361
- « Picasso : The man and his work, part 1 » d’Edward Quinn - TC6365
- « Picasso : The man and his work, part 2 » d’Edward Quinn - TC6366
- « 13 jours dans la vie de Pablo Picasso » de Pierre-André Boutang, Pierre Daix, Pierre Philippe - TC9200
- « Vienne 1900: Klimt, Schiele, Moser et Kokoschka » de Valérie Manuel - TC4371
- « Felice Varini - 7 droites pour 5 triangles » d’Antoine De Roux - TC8601
- « Serge Poliakoff » d’Elisabeth Lennard - TC6373
- « Frits Van den Berghe » de Frans Buyens - TC8471
- « De Braekeleere, Joseph Lacasse, Marina Rodna » de Frans Buyens - TC2361
- « Le martyre de Saint Sébastien » d’Eric Pauwels - TW5801
- « Downtown 81- Jean-Michel Basquiat » d’Edo Bertoglio - TW0831
- « F for Fake, vérités et mensonges » d’Orson Welles - TC3261
- La série « Palettes » d’Alain Jaubert - TC6151 à TC6164

Enfin, il existe aussi un grand nombre de documentaires édités en VHS qui valent le détour - TC0721, TC0751, TC1051, TC1531, TC1621, TC2251, TC0574, TC5511… [retour]
Phlippe Meunier

 

T.V.O.D.

Quelques plans sur Peter Watkins et la télévision

« TV On Demand » ? Non : « Television OverDose ». Il est peut-être un peu osé de prendre pour titre de cette évocation des rapports entre quelques films de Peter Watkins et la télévision, le titre de ce morceau proto-électroclash de The Normal (Mute, 1979) aux paroles - il faut bien le dire - plus proches de l'univers de David Cronenberg que du sien. « I don't need it / a TV Screen / I just stick the aerial / into my skin / and let the signal / run through my veins ». Et pourtant, "Television Overdose" pourrait bien être un cauchemar de Peter Watkins, le nom d'un jeu vidéo plein d'embûches cathodiques et proche de son propre parcours du combattant-cinéaste. Un itinéraire formateur où une présence forte, manipulatrice et omnisciente - comme l'ordinateur des Jeux de la paix de sa fable de politique-fiction The Gladiators [Gladiatorerna, Suède 1969 - VG0081] - prendrait un malin plaisir à lui tendre la main pour mieux le lâcher au plus mauvais moment. Comme la BBC en 1966 interdisant elle-même son film d'anticipation documentaire sur l'apocalypse nucléaire, La Bombe [The War Game, Grande-Bretagne 1966 - VX1893] qu'elle avait pourtant elle-même commandité, sous prétexte d'échec artistique… et, surtout, sous pressions du parlement et du gouvernement. Ou Arte passant entre 23 heures et 4 heures du matin, La Commune (Paris 1871) [France, 2000 - VC6711] qu'elle, aussi, avait pourtant coproduite. Mais, ce ne sont pas vraiment ces anecdotes que nous voudrions développer ici. Parce que, comme dans toute épopée chevaleresque qui se respecte, le frêle, mais courageux, cinéaste itinérant ne sera pas resté les bras croisés. Au contraire, il aura rendu les coups au dragon monopolistique des mass médias, pris du recul, analysé son adversaire, peaufiné son analyse puis contre-attaqué, compensant le déséquilibre des forces en présence par la subtilité et la singularité de sa stratégie de critique et d'infiltration. Faire du cinéma - un cinéma différent, bien sûr - pour critiquer le cinéma dominant et régulièrement mettre la télévision en scène dans ses films pour à la fois mieux la décrypter et mieux mettre au point cet autre cinéma qui déstabilise et brouille sa propre image pour mieux souligner les procédés prévisibles et rigides de la grammaire audiovisuelle dominante.

Thématiquement, à de rares exceptions près (e.a. Edvard Munch,), Peter Watkins aura traité avec une constance rare, cinquante ou soixante ans durant, des mêmes sujets: la guerre, les guerres, les conflits sociaux (guerre de Sécession, première et deuxième - voire troisième - guerre mondiale, guerre d'Algérie, insurrection de Budapest, Commune de Paris…) et la place qui est laissée à l'individu ou au collectif - ou qu’ils peuvent tenter de se réapproprier - dans cette histoire qui a priori les dépasse.
Très vite l'approche de ces pans d'Histoire se sera doublée d'une recherche - et d'une mise à l'épreuve - de méthodes différentes de faire des films qui impliquent d'autres rapports humains - avec les acteurs, les techniciens, avec le public - et proposent une autre façon de raconter que ce que Watkins a théorisé sous le nom explicite de «Monoforme». Pour lui, la Monoforme est une forme audiovisuelle née à Hollywood - même déjà, sans piste audio avec les films muets de D.W. Griffith - perfectionnée depuis, passée à la télévision, puis à Internet et aujourd'hui généralisée et monopolistique à 95%, que ce soit dans le cinéma hollywoodien ou le cinéma dit «d'auteurs», dans les actualités ou les journaux télévisés, les feuilletons policiers, les soap operas, les clips vidéo, les reality shows ou, même, dans la plupart des documentaires… Seule et unique grammaire - standardisée et donc interchangeable - utilisée pour structurer et monter tout récit audiovisuel, la Monoforme se caractérise par une réalisation hachée et rapide, «la fragmentation spatiale, les rythmes répétitifs, la caméra sans cesse en mouvement, un bombardement sonore et l'absence de silence et d'espace réflexifs». Ne laissant pas de place à la liberté critique du spectateur, elle est essentiellement un vecteur d'idéologies consuméristes et a, par conséquent, une responsabilité claire dans l'état environnemental désastreux de la Terre. Faisant sien l'adage de George Orwell selon lequel «If we cannot command the way we speak, we cannot command the way we think», Peter Watkins n'est jamais tombé dans le piège d'autres cinéastes dit «engagés» (Michael Moore e.a.) qui critiquent la société dominante avec la grammaire audiovisuelle de cette société qu'ils combattent, prêchant par exemple l'opposition à la Guerre en Irak avec des films qui sont le négatif, le parfais décalque inversé, des images de propagande de l'administration Bush. Au contraire, persuadé que le langage est un élément essentiel de la manière dont nous décrivons le monde et, donc, dont nous le percevons, Peter Watkins aura toujours plutôt essayé de parier sur l'intelligence du public, de lui donner un espace de réflexion, de le pousser à se positionner dans une structure d'interprétation plus complexe que celles de la propagande, de la publicité, de l'industrie du divertissement et de l'oubli et de la contre-propagande activiste.

Déjà dans le court-métrage Diary Of An Unknown Soldier [Grande-Bretagne, 1959 - VP7392] ou dans Culloden [Grande-Bretagne, 1964 - VX1893] par exemple, les acteurs - jamais des vedettes, mais plutôt de jeunes professionnels inconnus, des acteurs amateurs de théâtre, voire des novices complets - regardent la caméra, droit dans les yeux du spectateur et s'adressent à lui, l'apostrophent. Au sens strict, Culloden rend compte d'une sanguinolente bataille du dix-huitième siècle où les troupes anglaises écrasèrent, sur le champ de bataille, puis dans des opérations ultérieures de chasse à l'homme et de quasi-épuration ethnique, les clans écossais des Highlands. Politico-métaphoriquement, dans un jeu de va-et-vient diachronique qu'affectionne particulièrement le cinéaste, le film sous-entend clairement un parallèle à faire entre cette «pacification» anglaise de l'Écosse d'il y a deux cents ans et la «pacification» américaine au Vietnam en train de se dérouler au milieu des années soixante, au moment du tournage du film. Afin de réussir ce court-circuit temporel, d'arracher l'événement historique à la ‘muséification’ qui le rend lointain (dans le temps) donc inoffensif, Peter Watkins n'hésite pas à jouer la carte de l'anachronisme en envoyant sur le champ de bataille, au milieu des kilts, des baïonnettes et des cornemuses, une équipe de télévision qui, tout en restant hors champ - si mon souvenir du film est exact - interroge les protagonistes joués par leurs propres lointains descendants et leur permet donc aussi de nous parler, presque en tête-à-tête, plutôt que de juste mimer ou rejouer les signes extérieurs d'une action pseudo-héroïque ou révoltante. Une bonne trentaine d'années plus tard, le procédé est repris - voire renforcé - pour La Commune (Paris 1871). Ce film de presque cinq heures commence même carrément par la mise-à-plat de ce procédé: un travelling avant à travers la porte arrière d'un bâtiment industriel transformé en studio - les locaux du collectif «La parole errante» de l'homme de théâtre Armand Gatti, à Montreuil, là où Georges Méliès tourna ses films cent ans plus tôt - contourne une équipe de tournage et vient cadrer un homme et une jeune femme en habits d'époque. «Je m'appelle Gérard Watkins et je joue le rôle d'un journaliste de la télévision dans ce film qui est à la fois un film sur la Commune et un film sur le rôle des mass médias dans la société d'hier et d'aujourd'hui. Je m'appelle Aurélia Petit et je vais jouer le rôle de Blanche Capellier, journaliste de la Télévision communale. Premièrement, ce qui a été assez difficile c'est que c'est quelqu'un de crédule, avec un optimisme forcené et, connaissant l'histoire, les événements et la fin de la Commune, ça n'a pas toujours été facile de garder le sourire. Et, deuxièmement, c'est quelqu'un qui aime tellement son métier face à la caméra qu'elle en oublie de dénoncer et de mettre en cause le pouvoir des médias. Ce qu'elle représente pourtant complètement». Ici aussi Peter Watkins essaye de «casser le quatrième mur» du spectacle cinématographique, c'est-à-dire l'écran qui justement fait… écran entre l'action et le spectateur et qui, s'il n'est pas remis en cause, maintient ce dernier dans une forme de soumission liée à la réception passive de l'histoire qu'on projette sur lui. Avant de toucher sa première caméra, adolescent puis jeune adulte, Peter Watkins a trouvé dans le théâtre une échappatoire d'abord à la discipline de fer du College of Christ puis au service militaire. On se permettra donc de voir dans ce recours récurrent à l'anachronisme télévisuel, une forme de l'effet d'étrangeté [«Verfremdungseffekt», presque toujours mal traduit en français par «distanciation»] cher au Bertolt Brecht de Homme pour homme et Sainte-Jeanne des abattoirs: en interrompant l'illusion ronronnante de la simple reconstitution historique en costumes par l'intrusion questionnante d'un anachronisme perturbateur, Peter Watkins grippe l'engrenage d'une identification trop mécanique du spectateur aux personnages et insère du jeu et du doute dans les rouages de sa machinerie. De longues plages de silence et un affranchissement des durées standard (52 minutes pour un reportage télévisuel, 90 à 100 minutes pour une fiction en salles), le déroulé d'une temporalité propre, plutôt lente mais polyrythmique, poursuivent les mêmes buts: laisser de l'espace au public, parier sur sa liberté. Rien que pour ça, Peter Watkins serait déjà un cinéaste rare et précieux.

Rien que pour ça, mais pas que pour ça, je m'en voudrais de terminer cet article sans relever ce qui aura été trop peu souligné jusqu'ici, presque toujours éclipsé par les aspects critiques et politiques du cinéma de Peter Watkins. Confiés à ses fidèles chefs opérateurs Odd-Geir Saether et Peter Suschitzky (par ailleurs futur opérateur de… David Cronenberg! La boucle est bouclée…) ses films ne sont pas juste des curiosités scénaristiques ou structurelles, ils sont aussi bien filmés, bien cadrés, bien éclairés, bien étalonnés, bien montés. Peter Watkins n'en est que plus précieux encore. [retour]
Philippe Delvosalle


À regarder :
- Peter WATKINS : « Culloden » – VX1893
-
Peter WATKINS : « Diary Of An Unknown Soldier » – VP7392
-
Peter WATKINS : « T he Gladiators » – VG0081
-
Peter WATKINS : "La Commune (Paris 1871)"– VC6711
-
Geoff BOWIE : « L'Horloge universelle: la Résistance de Peter Watkins » – TQ3901 [VHS]

À visiter :
> http://www.mnsi.net/~pwatkins [site personnel de Peter Watkins]
> http://www.lerebond.org [association des acteurs du film La Commune]

À lire:
Peter WATKINS : « Media Crisis » [en français – Éditions Homnisphères / Savoirs autonomes]

 

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