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Critique

WII FIT + BALANCE BOARD - Wii

publié le

« Sur le vaisseau galactique de notre enfance »

wii

« Sur le vaisseau galactique de notre enfance »

Un corps sain dans un esprit sain ! Nintendo ne se contente plus de tester et de rééduquer les graves déficiences de nos capacités cognitives avec le programme du docteur Kawashima. Il se soucie aussi de notre santé physique ! À cette fin, la maison mère de l'inénarrable Mario Bros et du singe kidnappeur qui firent les beaux jours des bornes arcade, nous lance un nouveau défi avec sa Wii Fit. C'est un programme de yoga, fitness et de remise en forme accompagnée d'une balance capable de supporter les surcharges pondérales jusqu’à 150kg ! Il devrait être capable de supporter sans faillir (la rumeur est affirmative) les maladresses de nos premiers exercices et la tonique insouciance d’un enfant qui le confondrait avec un tremplin. Toutefois, cette débordante facilité avec laquelle un enfant peut faire d'un ustensile banal et relativement fragile la représentation d'un vaisseau galactique risque d'être fatale à l'objet. Ce n'est pas non plus un freezbee ! Soyez prudents, les enfants confondent facilement les limites de leur imagination avec les limites mécaniques de la balance. Enfin… jusqu’à ce qu'une colère salvatrice lui rappelle sa dépendance face à l’autorité parentale et les incohérences de la vie.

« De nos hanches aux mollets ! »

Alors, les premiers essais sont destinés à définir si notre centre de gravité se situe au niveau de nos hanches ou s'il est descendu au niveau de nos mollets avec une estimation supplémentaire de nos capacités physiques. Ne vous réjouissez pas trop vite, la Wii ne fera aucune concession ! D'ailleurs elle n’éprouve aucune espèce de sentimentalité face à nos angoisses. Ça ne sait même pas que nous sommes des humains sensibles ! Quoiqu'il arrive, elle nous fera comprendre que nous sommes perfectibles ou que notre perfection faite chair ne sera plus qu’un souvenir dans la demi-heure qui suit si nous ne réagissons pas avec toute la vigueur nécessaire pour maintenir en état un corps que le temps ne saurait outrager plus longtemps. Loin de notre indolence naturelle, l'acquéreur de cette substantifique machine du bien-être ne saurait reculer plus longtemps et n'aura de cesse de triturer les capteurs de la balance pour en faire le témoin admiratif de notre ténacité et pourquoi pas celui d'une jeunesse persistante. Malgré les toxines accumulées par une vie boursouflée sous le gavage médiatique de nos consommations vidéoludiques. J'insiste, la « Wii Fit » n'est qu'un jeu et rien de plus ! L'objectif annoncé par Nintendo de nous fournir un guide virtuel capable d'accompagner nos exercices physiques doit être pris avec circonspection. Certes, Nintendo renforce sa nouvelle stratégie qui est de faire entrer le joueur dans la simulation active, immersive jusqu'à la sensation tactile. Mais de là à penser qu'une balance aveugle peut remplacer le jugement et les indications d'un vrai professeur de yoga ou de fitness, il y a un pas que je ne franchirai pas, sinon pour jeter ma carcasse dans le gouffre abyssal du merchandising. Je ne condamnerai pas l'idée porteuse de la « Wii Fit », mais je pense que cette technologique promet plus qu'elle ne peut tenir et qu'elle n'est pas encore arrivée à maturité.

« Quarante-huit exercices »

Enfin, entrons dans le vif du sujet. Les exercices proprement dits sont toujours accompagnés d’une démonstration tenue de cadrer nos futures tentatives. Ensuite, un avatar capable de traduire la pression exercée par nos mouvements sur la balance les convertira en points gratifiants. De ce point de vue, tout a été fait dans les règles de l’art. Les mouvements proposés sont gradués et permettent une entrée en matière progressive. Ils s'effectuent pieds nus et la balance divisée en deux palettes gère les alternances de pressions lors de nos gesticulations imposées. L’accumulation des points permet de débloquer le niveau suivant. Il y a, si je ne m'abuse, quarante-huit exercices différents et le système permet de s’en affranchir sans trop de difficulté. Donc, le travail semble assez bien pensé pour être motivant et attractif. Les techniques proposées ne sont pas dangereuses, ni stériles, si on veut bien oublier que la console est incapable de traduire l'exécution de nos mouvements autrement que par les pressions exercées sur les palettes. Ce qui peut tout de même poser problème. Qu'en est-il du travail sur le souffle? Il est pourtant essentiel dans ce genre d'exercice.

« L'homme se vitrifie et le monde se virtualise »

L'idée est généreuse et pourquoi pas pertinente. Nous passons beaucoup de temps devant nos écrans. La « Wii Fit » nous permet donc de limiter les dégâts de notre catastrophique tendance à la sédentarisation, sinon à la vitrification. Malgré les apparences, Nintendo semble miser sur une plus grande maturité des consoles. Peut-être parce que son premier public a pris de l'âge, qu'il a vécu, suivi la naissance d'une technologie balbutiante mais dont la montée en puissance mathématique est proprement vertigineuse. Le jeune homme des années quatre-vingts est aujourd’hui un adulte qui, le plus simplement du monde, l'introduit dans la conformité de ses habitudes. Une petite console est infiniment plus puissante dans le traitement de l'information que ne l'était l'ordinateur nec plus ultra de l'époque : l'Apple I ou II et même que les bornes d'arcade qui le faisaient fantasmer sous le règne finissant des calculatrices à l'aube des premiers Personal Computeur.

Les consoles initiales constituaient une nouvelle forme de distinction et d'identification pour les adolescents de l'époque. Aujourd'hui, l'adolescent devenu un homme transmet l'objet de ses découvertes aux nouvelles générations. L'ordinateur et ses programmes informatiques sont des objets culturels à part entière. Mais l'ordinateur a longtemps imposé une posture statique qui limite son besoin de mobilité et son désir d'appréhender l'espace physique aussi bien interne qu'externe. Nintendo change la donne et donne le ton en reprenant un vieux concept de l'arcade. Dès le début des années nonante, il existait des jeux qui lorgnaient sur l'immersion totale du joueur. Soit en le confinant dans une pièce sur vérin comme les simulateurs d'avions, soit en lui faisant porter un casque et des gants qui oblitéraient la sensation du monde extérieur. Mais ces jeux étaient rares, hors de prix et encombrants. La technologie est aujourd'hui suffisamment aboutie pour introduire le même concept dans nos foyers à un prix raisonnable. La console s'inscrit maintenant dans le caractère physique des hommes. Elle l'accompagne dans ses mouvements, sa matière et ce n'est qu'un premier pas. Seul bémol, à l'introduction de l'ordinateur dynamique, on trouve une nouvelle excuse pour ne pas pointer le nez hors de chez soi. Physiquement, la « Wii Fit » ne peut pas faire de mal, si tant est que nous exécutions comme il se doit les mouvements imposés ! Je l'ai déjà écrit, c'est ici que j'émets mes plus grandes réserves. Quant à nos tendances sociales autistiques, elles ne vont pas s'arranger ! Sinon à acheter plusieurs wii avec leur balance et ouvrir un local de quartier pour la remise en forme du corps citoyen… avec un vrai professeur en chair et en os pour nous guider. Mais je gage que nous connaîtrons dans un futur proche des jeux qui pourront se fondre dans l'espace réel. Science-fiction ? Pas vraiment, c'est déjà en marche.

« La tendance s'inverse pour nous insérer dans le champ clos du consumérisme passif »

Bon, clairement, nous pouvons constater que le monde vidéoludique flirte avec celui de la domotique. Ce n'est pas nouveau, mais il me semble que la tendance s'affirme un peu plus chaque année. Autrefois, les consoles, exclusivement dédiées aux jeux, limitaient leur champ d'exploration à la distraction de nos neurones ou à l'exaltation de nos réflexes. Aujourd'hui, la tentation de rejoindre certaines des fonctionnalités de l'ordinateur personnel (PC) et de les intégrer dans un système interactif aussi basique et intuitif que possible est dans toutes les pensées commerciales. Plus la corrélation entre la console et son utilisateur est forte, plus il lui est fidèle. Plus l'ordinateur est polyvalent et moins grande sera la tendance du consommateur à lorgner chez le voisin. Par le biais du prix ni trop élevé, ni trop bas, par l'incompatibilité des programmes entre les différentes consoles, par les extensions multiples, par les inscriptions permettant d'obtenir des avantages ou d'appartenir à une pseudo-communauté; par l'identification à la marque, etc. Tout cela opère d'une méthodologie visant à faire d'une console un produit exclusif pour le consommateur. Si en plus de cela on peut en faire le garant de votre santé intellectuelle ou physique, il n'est pas loin de devenir votre meilleur ami ! C'est une vision que je ne partage guère. Les PC possèdent une souplesse d'utilisation et d'agrémentation qui nous offre la possibilité de garder une autonomie décisionnelle et volontaire plus grande que les consoles. Même si l'outil est délicat à maîtriser, il garde une forte culture rebelle (underground) qui entend se servir de l'outil informatique plutôt que d'en être le serviteur. Avec les consoles, la tendance s'inverse volontairement, sous la pression d'une industrie du loisir et de la servitude domestique, pour nous insérer dans le champ clos du consumérisme passif. Je ne suis pas certain que l'industrie pourra mener à terme ses objectifs sans concessions ni rebuffades de la part du consommateur pratique.

« Un pragmatisme audacieux »

Il y a quelque chose de bon chez les penseurs de Nintendo. Un je ne sais quel enthousiasme qui aurait gardé une âme d'enfant. Mais ne nous leurrons pas, Nintendo ne fait pas dans les œuvres philanthropiques. Pas plus que les autres. Toute réserve mise à part, la « Wii Fit » participe d'un concept intéressant qui connaîtra de nouvelles exploitations. Les Japonais ne sont jamais à court d'idées saugrenues, ridicules ou géniales. C'est aussi une marque de leur l'esprit. Un pragmatisme à ce point audacieux qu'il se projette dans un monde où la virtualité s'évapore dans la réalité physique pour en faire un paradigme sociétal que les technologues japonais entendent éluder à la manière des samouraïs. C'est-à-dire en faisant abstraction des peurs et sans craindre la mort d'une certaine idée du passé. Les Japonais s'égarent quelque fois dans une folle vision de notre avenir. Est-ce pour nous offrir le meilleur des mondes? Vous êtes libres d'y croire, de vous en méfier ou de vous en détourner. Qu'en pensez-vous ?

Jean Nicolas

 

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