Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Critique

MÊ THAO, IL FUT UN TEMPS

publié le

Sélection du mois d'avril 2006 > Gros Plan : "Penser" ses plaies

Dans le Vietnam colonial début de siècle, deux histoires d'amour pleines de souffrances, s'accomplissent au sein d'un domaine où la modernité est bannie par un maître rendu inconsolable par la perte de sa fiancée.
L'histoire bien romantique, très triste, riche d'amours contrariées, est filmée avec sensibilité, humanité, compassion, et baignée d'une lumineuse cruauté. La réalisation est classique, aux couleurs locales. Belle scène de lancer de lampions au seuil de la nuit.
Un joueur exceptionnel de luth tue accidentellement un client ivre qui manquait de respect à une chanteuse, l'amante interdite de sa vie. Traqué par la police, avec l'aide du propriétaire, il se réfugie à la campagne au domaine de Mê Thao où il se consume de passion. D'entrée de film, magnifique duo luth et chant dans lequel l'émotion amoureuse échangée entre le musicien et la chanteuse est perceptible et émouvante.
Une voiture offerte en cadeau de mariage provoque le décès brutal de la belle promise du maître de Mê Thao. Devenu fou de douleur, il décide d'éradiquer toute technologie occidentale de sa propriété. Malheureusement la France veut y construire une voie de chemin de fer. Ce symbole occidental du progrès, bouleversant les rites et coutumes, est une insulte intolérable aux yeux du maître. Un duo musical poignant et mortifère introduit une conclusion dramatique à ce récit digne des plus belles histoires d'amour.
Le scénario est inspiré d'un roman de Nguyen Tuan, écrit dans les années quarante, réédité à la fin des années quatre-vingts, intitulé Choa Da' (La pagode Dan). Situations et comportements des personnages permettent une réflexion sur le présent de l'auteur. La muette du film est un personnage ajouté par rapport au roman. Elle est exclue par son handicap physique de toute relation sentimentale et par son rang social bas de la possibilité de s'élever dans la société. Cependant, elle voit tout, entend tout, essaie de manipuler les sentiments de son maître, mais est impuissante, elle ne peut rien dire, ni accéder à la compréhension des autres. La lutte du propriétaire contre la modernité est perdue d'avance. Il ne ressuscitera pas sa fiancée, conduira son domaine à la ruine en entraînant tous ses ouvriers dans la pauvreté, voire la mendicité. Il pratique l'amour « déréliction » et égoïste; son idéal vénéré (sa fiancée disparue qu'on ne verra jamais à l'image) est irréel. Le joueur de luth exprime quant à lui un amour sacrifice pour que l'autre survive.

PC

Classé dans