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Critique

« Les Pires », un film de Lise Akoka et Romane Geuret

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adolescence, cité, film en abyme, Boulogne-Sur-Mer

publié le par Yannick Hustache

Un casting dans une cité de Boulogne-Sur-Mer met ce petit coin de Côte d'Opale en émoi. Le réalisateur est belge (et Flamand) et la sélection ne semble ne rassembler que « les pires mômes » de ce quartier plutôt difficile.

Sommaire

Parlez, on tourne !

D’un côté, il y a Gabriel (Johan Heldenbergh), le cinéaste « étranger » invité avec sa dégaine élégante de cowboy moderne et son accent pas courant dans le coin. De l’autre, il y a Lily, Ryan, Jessy, et Maylis… pré-ou déjà adolescents qui se connaissent plus ou moins de vue, tous résidents de Picasso, ce quartier populaire situé non loin de la mer, dont les locaux aimeraient surtout voir l’image rehaussée.

Le casting touche à sa fin et le tournage va bientôt pouvoir commencer pour une équipe technique (réduite) en recherche de profils « authentiques » (et absolument non-professionnels) pour un film qui doit sonner aussi « juste » que possible.

D’entrée, le duo de cinéaste joue la carte du film dans le film et se balade sans discontinuer sur la frontière ténue entre les moments où ces jeunes gens sont face caméra ou en préparation de tournage, et les mêmes dans leur vie pas facile de tous les jours, c’est à dire dans le même environnement quotidien de ces jeunes.

Picassoland

On découvre ainsi que derrière le regard intense et soutenu de Ryan (Timéo Mahaut), on trouve un gamin plutôt taiseux, mais aux colères épiques, qui vit chez sa sœur après que sa garde eut été enlevée à sa mère qui a maintenant le désir de revenir dans sa vie. Ou que la très souriante Maylis (Mallory Wanecque) se tape une réputation de fille extrêmement légère dans la cité du fait de son utilisation un peu maladroite des réseaux sociaux. De fait, elle est se révèle plutôt fleur bleue – mais faut pas l'emmerder – et va surtout connaître sa première grande expérience amoureuse à sens unique, décevante. Enfin, Jessy (Loïc Pech), est une petite frappe plus hâbleuse que réellement offensive. Si le temps passé à définir le casting et à mettre en confiance les sélectionnés a été plus long que celui du tournage à proprement parler, le film, par touches discrètes et successives étend son champ d’investigation aux autres membres de la communauté (la soirée dansante) et à quelques-uns de ses particularismes locaux (la colombophilie) sans succomber au pathos régionaliste ou souscrire à une certaine froideur documentaire.

Ma 6-T va tourner

Le film trouve son origine dans un premier court-métrage Chasse Royale, déjà centré autour d’un casting sauvage tourné dans la région.

Si ce double procédé du film à caractère social en abyme joué par des non-comédiens est en soi devenu une quasi tradition cinématographique, Lise Akoka et Romane Geuret maîtrisent parfaitement leur sujet et semblent même, en fin de film, s’autoriser un pur moment d’échappée poétique et émotionnelle, qui illumine les yeux d’un Rayan, venant sans doute de vivre le plus beau soir de sa courte vie. D'ailleurs, les regards (les mots) et les visages semblent bien être la principale préoccupation des cinéastes. Des regards et des bouilles qui vous accompagnent longtemps après la vision du film.

Le duo de cinéaste se sert en quelque sorte de la figure du cinéaste/corps étranger/adulte qu’est Gabriel comme moteur humain d’un tournage à vif et « liant » naturel entre ces « étrangers » (l’équipe de tournage) et les (jeunes) comédiens locaux avec lesquels lui et ses assistants vont nouer de sincères relations. L’horizon du film demeure subordonné à celui de ses personnages/figures et ne remonte jamais au niveau du constat social. Picasso (la cité) restera un espace relativement méconnu, peu exploré et c’est très bien ainsi. On peut s’interroger à certains moments sur les conséquences éventuelles de ce jeu risqué et borderline qui consiste à retirer de sa propre existence difficile toute l’énergie vitale et la substance nécessaire et à les projeter vers un résultat certes provoqué ou recherché mais entièrement factice, mais qui ici, sous l’égide d’un « guide » et d’une équipe sincère (qu’on prendra le temps de connaître) prend la forme d’un encouragement permanent.

Une jolie expérience.

Texte : Yannick Hustache

Crédits photos : Athena Films & Cinebel

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Agenda des projections

Sortie en Belgique le 06 décembre 2022, distribution Athena Films

Le film est projeté dans quelques salles en Belgique francophone.

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