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Critique

GARAGE

publié le

C’est un film calme, doux amer, dans les marges, qui déroule sa petite histoire morose sans jamais donner l’impression de flirter avec la tragédie, d’être une question de vie ou de mort. Sous des dehors très basiques, petit train-train d’un pompiste […]

 

 

 

C’est un film calme, doux amer, dans les marges, qui déroule sa petite histoire morose sans jamais donner l’impression de flirter avec la tragédie, d’être une question de vie ou de mort. Sous des dehors très basiques, petit train-train d’un pompiste idiot, la narration tisse cette complexité qui, l’air de rien, forme parfois d’étranges nœuds coulants dans le réel. Une question de cul-de-sac économique dans une petite bourgade irlandaise, le décor d’un garage d’un autre âge, obsolète et un garagiste, Josie, le « simple » du village. Il s’évertue à relancer l’activité de ses pompes en important de manière chimérique et décalée les recettes clichés du marketing. Métaphore de l’homme complètement dépassé par les nouvelles lois du marchés. Largué. Même pas, sur une autre planète, désuète. On croirait voir des images d’un autre temps, elles sont actuelles. Dans la vie de tous les jours, il y a ainsi des subsistances pathétiques de l’ancienne économie, des lopins oubliés bientôt engloutis. En véritable « simple d’esprit », il ne sait, du reste, penser qu’à rien, il n’y a rien dans sa tête. Et donc, à priori, ce qu’on nous montre est le quotidien terne, minable, d’un pauvre (pas un rond, juste de quoi manger et picoler dans un logis sommaire) et simplet (aucune occupation intellectuelle). On ne sait pas vraiment s’il est placé là en sursis, futur sacrifié ou s’il fait l’objet d’une sorte de protection (sinécure de garage juste pour occuper le débile du coin, souci sommaire de réinsertion).

garage

Le réalisateur le dépeint progressivement comme compensant sa déficience par une sensibilité pas banale, développant des pensées et une compréhension de la vie par d’autres voies que celles de l’intellect. La relation à un cheval et plus largement à la nature, forêt, rivière, contemplation du ciel, du lac. Il insiste aussi sur, finalement, l’utilité sociale d’un «retardé» au sein d’une communauté. Confident, petit boulot, dispensateur de gentillesse, souffre douleur… Mais c’est le genre d’utilité liée à une conception traditionnelle de la solidarité villageoise, conception bientôt dépassée aussi avec la nouvelle vie, les nouvelles constructions. Quand on lui confie un jeune apprenti, il va développer de l’affection pour cet adolescent réservé et, de fil en aiguille, développer une empathie pour la jeunesse déboussolée qui se rassemble la nuit pour flirter avec le sexe et le coma éthylique. Mais affectivement, et au niveau du fonctionnement de son cerveau, la lenteur et le retard le font appartenir à un temps dépassé. Ce qui accentue sa solitude, lui fera transgresser les codes de la communauté et le conduira à disparaître violemment. Le film reste dans une certaine fraîcheur, grise certes, avec un destin tragique, mais en même temps comme auréolé de la sagesse décalée que laissent les simples sur leur passage. Une sorte de sainteté.

 

Pierre Hemptinne

 

Un premier film considéré comme important, Adam & Paul, pas distribué en salle, est aussi disponible en DVD à la Médiathèque.

 

 

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