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Critique

L'Américanisé

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migration, Alice Guy, Cinéma muet, Migrer

publié le par Michaël Avenia

Reconnue comme la première réalisatrice de l’histoire du cinéma (avec La Fée aux choux, en 1896), Alice Guy aura réalisé durant sa carrière plusieurs centaines de films. En France tout d’abord, avant de quitter son pays natal pour s’expatrier outre-Atlantique.

Réalisatrice déjà chevronnée, elle migrera aux États-Unis avec son mari (Herbert Blaché) afin de promouvoir le chronophone, invention de la société Gaumont qui l’emploie alors. En 1910, elle fondera à New York la Solax Film, l’une des plus importantes sociétés de production du pays. À cette époque, elle tourne bon nombre de films qui s’intéressent aux problèmes raciaux, notamment A Fool and His Money (1912), premier film de l’histoire à être joué par des acteurs afro-américains. C’est durant cet élan social que L’Américanisé (Making of an American Citizen) voit le jour en 1912. Ce court métrage d’un quart d’heure (en fait la durée d’une bobine de film, ce qu’on appelle alors les one reel movies) traite de façon plutôt caricaturale de l’immigration est-européenne vers les États-Unis. À travers quatre scènes, Alice Guy nous montre comment un homme rustre et profondément machiste va, au contact du bon peuple américain, se civiliser et surtout s’intégrer dans son pays d’adoption en assimilant les vraies bonnes valeurs de l’American way of life. On est bien loin ici de la vision critique et désabusée qu’un Chaplin, quelques années plus tard avec The immigrant (1917), portera sur ce même pays.

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Si l’on peut reprocher à la cinéaste sa vision simpliste voire manichéenne des cultures américaine et est-européenne, son film n’en reste pas moins progressiste à plus d’un titre. Défenseuse des droits des femmes (elle dénoncera régulièrement avec ses films le sexisme de son temps), elle voit surtout les États-Unis comme une terre nouvelle où les us et coutumes d’un autre temps seraient abolis. Ici le mari peu courtois est tourné en ridicule au profit de sa femme dont les autochtones prennent la défense. Après un passage par la case tribunal et travaux forcés, l’époux indélicat se verra transformé en homme neuf et aimant, en phase avec son nouvel environnement.

Difficile aussi de ne pas voir dans ce court métrage une part autobiographique. Quelques années après leur arrivée aux États-Unis, les époux Blaché-Guy se sont effectivement séparés. Sans doute en raison des tensions grandissantes entre Alice et son mari. Celles-ci atteignant leur paroxysme après la faillite de la Solax, due en grande partie à la gestion financière hasardeuse de son époux. Par le biais de ce couple qui émigre, la réalisatrice semble aussi régler ses comptes avec l’entreprise du cinéma qui, durant les premières années de sa carrière tout du moins, était exclusivement masculine, et face à laquelle Alice Guy a dû batailler ferme pour se faire reconnaître à sa juste valeur.

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