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Critique

À MORT L'ARBITRE

publié le

Rien à foot du foot ? Même pas vrai ! Un vrai faux film anti-foot, à peine regardable dans les circonstances actuelles, mais dont on peut encore tirer quelques enseignements.

Avant toutes choses, il est utile de préciser que l’auteur de ces lignes a autant d’intérêt pour le football que pour le dressage des marmottes de haute montagne. Rien qui ne s’apparente à un quelconque reliquat de position philosophique ou sociologique – enfant, j’ai même assisté à quelques matchs de D1 et ai même tenté d’arriver au bout de quelques albums à compléter de figurines Pannini– mais la définitive (?) érosion d’une passion mineure qui a très tôt déserté le champ de mes pensées. Je n’en ressens ni manque ni gêne, juste un doux sentiment de décalage existentiel, en rapport à une courte pandémie planétaire aussi soudaine que bénigne, tous les quatre ans à la même période, et avec ou sans Diables Rouges en phase finale de Mondial !

De même, de Jean-Pierre Mocky, je gardais le souvenir d’un cinéaste trublion plus marrant à la télé (du moins à l’époque où j’avais encore le câble…) que dans les derniers films que j’avais vus de lui à la télé (Le Glandeur, vers 2000?), à une période où ils étaient encore montrés dans la petite lucarne. Dans le désordre, Une nuit à l’Assemblée nationale (1988), Y a-t-il un Français dans la salle? (82) ou Le miraculé (87), je devrais les reconnaître sans mal au bout de quelques images et peut être encore (sou)rire de leur singulière truculence pas si française que ça puisque le bonhomme - Jean-Paul Adam Mokiejewsk de son vrai nom - est d’origine étrangère (russe et juive pour lui) comme tout bon symbole hexagonal qui se respecte, et de cette absence de gants dans les portraits et comportements punchés sans méchanceté, mais avec une constante renouvelée dans l’irrévérence farceuse !

a mort

Sorti en 1983, à une époque où l’élimination d’une équipe nationale ne s’imposait pas à l’ordre du jour du travail parlementaire d’une nation, À mort l'arbitre s’inspire indirectement de deux faits divers tragiques, l’un en France, l’autre à Glasgow où des arbitres ont été très violemment pris à partie par des supporter furieux de leurs décisions arbitrales. Dans le film, c’est un Eddy Mitchell (Maurice) un peu cabotin qui encourt avec sa petite amie (Carole Laure) l’ire des « jaunes et noirs » suite à penalty transformé, accordé à leurs adversaires du jour, les « rouges et blancs ». S’ensuit une véritable chasse à l’homme depuis le stade jusqu’à un invraisemblable et tragique chantier final, après une battue dans le dédale d’un centre commercial la nuit, et la mise sous séquestre d’un immeuble tout entier par une bande de supporters capable de tout pour avoir la peau de ce « salaud d’arbitre ». Emmené par un vrai saligaud, dont la veulerie et la lâcheté iront croissantes tout au long du film, et jusqu à accuser l’arbitre du meurtre de Béru, un copain de meute, qu'il a accidentellement commis, Rico (Michel Serrault, pour une fois sans excès) incarne un cinquantenaire frustré, aussi lâche en solitaire, que crapule au-devant d’une foule. Le genre de lie humaine que favorise le principe actif du mimétisme dans les phénomènes de masse. Et pendant ce temps-là, que fait la police ? « Elle fait ce qu’elle peut » comme dirait l’autre. Sauf qu’ici, elle ne prend pas la mesure du danger et arrive (du moins sa composante principale, l’inspecteur Granowski, incarné avec nonchalance par le cinéaste lui-même), à la manière des carabiniers d’Offenbach, juste trop tard pour éviter le drame !

Si l’on en revient à de simples considérations de ballon rond, il est clair que Mocky place le téléobjectif de son cinéma davantage vers les gradins et leurs problématiques occupants que sur la pelouse. La partie en elle-même ne dure au mieux que quelques minutes et est filmée un peu par-dessus l’épaule avec une progression sur le terrain qui me rappelle même un obscur manga où les joueurs semblaient évoluer sur des distances de plusieurs centaines de mètres. A l’époque, les supporters n’étaient pas encore regroupés selon leur couleur (par un curieux hasard, Carole est assise à côté de Rico durant le match) et offrent quelques beaux contrastes colorés à un stade peu ou pas encore colonisé par la publicité. Quant aux forces de l’ordre, leurs effectifs (une quinzaine ?) et leur tenue les font davantage ressembler à une sortie du dimanche en patrouille qu’aux alignements militaires des CRS (pour rester en France) des rencontres de D1 d’aujourd’hui. Plus que l’évolution des techniques et les modifications esthétiques, c’est dans l’évolution d’échelle que l’on palpe le mieux le pouls du temps qui passe. Adieu l’amateurisme un peu bancal des petits clubs d’alors, bonjour la mécanique huilée au nanomètre près des entreprises foot du XXIème siècle et de leurs coûteuses infrastructures. Et bien vu l’artiste qui avait déjà anticipé la notion de spectacle universel (l’hilarante scène d’ouverture où une famille voisine du stade se met à table devant le match en… ouvrant la fenêtre !) et la dérive violente qui se profile déjà. Le 29 mai 1985, cette même violence entacha une finale Liverpool/Juventus de coupe d’Europe pour des décennies…

Sur un ton plus léger et parce que la musique ne reste jamais très loin de mes préoccupations premières, on notera que Mocky propose, avec l’oublié anneau doré de l’antique cor postal, un ancêtre tout à fait acceptable à la désormais célèbre Vuvuzela ! A vérifier en septembre ?

Pour le reste, la VHS à l’agonie qui me servit de support à cette chronique me permit, entre deux stries blanches vainement combattues à l’aide d’une fonction « tracking » du plus petit effet, de deviner le soin avec lequel Mocky choisît ses extérieurs. Un centre commercial qui me rappelait – je ne sais pourquoi – le lieu d’action principal du Zombie de Romero (1978), un immeuble saccagé qui fait une mini tour infernale tout à fait acceptable, et un chantier grandeur nature comme décor idéal à toutes les fictions socio-politiques et catastrophistes à venir.

Comme dit plus haut, j’ai tenté de me réconcilier avec Mocky et le football. C’est en partie gagné pour le premier, foiré pour le second. Je crois que c’est définitivement incurable.

YH.

#bresil14 #regardscroises

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