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Critique

UN COEUR SIMPLE

publié le

Deux voix sautent aux oreilles : Celle de Flaubert dont le texte libère des images sans nombre, des images qui font voir plus qu’elles ne montrent, bien au-delà de ce que la narration ne laisse entendre. Celle de Luchini qui apporte un son particulier […]

Deux voix sautent aux oreilles : Celle de Flaubert dont le texte libère des images sans nombre, des images qui font voir plus qu’elles ne montrent, bien au-delà de ce que la narration ne laisse entendre. Celle de Luchini qui apporte un son particulier au texte.
Ne commence-t-il pas, en prélude à la lecture du texte à proprement parler, par une citation du grand écrivain français : « Ce que j’aimerais faire, ce qui me semble beau, c’est de faire un livre sur rien, un livre qui se tiendrait par son style » ?
Tout est là déjà : c’est que Luchini a compris Flaubert. Sa voix se dépareille de toutes scories, de tout jeu, de toute dramaturgie, pour n’en retenir que le suc : le chant du poète qui absorbe dans son tourbillon les mots pour les mots, les mots par les mots. Luchini lit Flaubert.
Déjà l’écrivain par ce texte accomplissait son travail: avec la plume, enfanter des images, des ressentis. Il peuplait par sa présence le vide qu’il voulait, le rendait palpable.
Pour Luchini, c’est une autre tâche, mais les mêmes mots, la même histoire : dire.
Alors l’orateur, comme pris d’un vertige, s’étant enfermé dans le texte, l’emplit, à bloc. Derrière chaque silence, chaque mot, on sent sa présence/absence exacerbée, tendue. Chaque syllabe pèse. Il s’agit à tout moment de s’extraire, accompagnant les bouquets de sensible jusqu’au plus loin, jusqu’à atteindre, ne fut-ce qu’un instant, l’expérience.
Luchini tout du long pourtant colle au texte et jamais ne s’évade dans un discours, une figure de style. Sa voix, à bras le corps avec les mots, les seconde. Décrivant une trajectoire en zigzag, elle puise dans l’écriture une force qu’elle clame et magnifie puis, humble et juste, s’en remet à elle, toujours elle, dans un mouvement clair d’intériorisation.
Éloquents silences. Envolées de mots, d’un souffle, jusqu’à l’asphyxie.
L’un comme l’autre entourent la réalité d’une certaine aura, jouant avec le visible et le parlant.
MC