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Critique

MUSIQUE - LA MATIÈRE (LA)

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Le dernier album du Français, bruxellois à mi-temps, s’intitule très simplement La Musique. Mais qu’on se rassure, il n’y a aucune raison de penser que Dominique A en ait pour autant fait le tour !

 

Le dernier album du Français, bruxellois à mi-temps, s’intitule très simplement La Musique. Mais qu’on se rassure, il n’y a aucune raison de penser que Dominique A en ait pour autant fait le tour !

Il est confortable d’envisager cet album, doublé dans certaines éditions d’un second constitué des chutes du premier et intitulé La Matière, sous l’angle du disque-somme. De considérer que dans son mouvement ou son déploiement, La Musique solde à la fois les compte de son auteur qui vient de franchir le cap fatidique des 40 printemps - et son inévitable corollaire d’introspection/bilan/perspectives accolé - et repasse par la case départ du retour aux sources (« à l’origine », en langage Anéen). Aux antipodes du très orchestré et paradoxal Tout sera comme avant (2004) à la sophistication toute bashungienne, La Musique renoue avec la simplicité presque frontale des albums faits maison (La Fossette, Le disque sourd), avec ordinateur(s), boîte à rythmes et héros solitaire dans les rôles principaux. Sauf qu’ici, c’est un 32 pistes numériques dernier (?) cri et ses océans de possibilités qui s’est substitué à l’antique beat box du millénaire dernier et que la « matière brute » est ensuite passée dans les mains expertes d’alchimistes de studio (Dominique (encore !) Brusson pour le coup) qui lui ont confectionné une subtile patine en concordance inouïe d’une voix prise sur la faille, à mi-chemin d’un pathos contrarié et d’une éloquence gracile. On y verra plutôt la constance de règles oulipiennes (du nom de l’Oulipo, ce groupement d’écrivains dont Queneau et Perec, qui se posait volontairement des règles pour mieux les détourner) dans une écriture à nouveau tentée par le face-à-face homme/machines et ses possibles surgissements à capturer dans l’immédiateté de l’instant présent… et donc seul ! Les 12 chansons qui composent le menu de La Musique semblent d’ailleurs prendre leur point d’appui sur un couvert instrumental resserré et un roulement rythmique simplifié que sur des textes soumis eux aussi à une (relative) cure d’amaigrissement. Les constances et repères métaphoriques demeurent - l’idée du déplacement, autant intérieur qu’extérieur, d’une géographie réelle ou imaginaire qui se reconfigure sans cesse, d’un imprescriptible désir qui joue les faux-fuyants - mais les sentiments d’optimisme et de bonheur partagé, toujours présents, même à doses homéopathiques dans des titres à l’apparente gravité (l’élégiaque « Immortels »), remontent avec davantage de facilité et d’éclat. Le pas décidé et le refrain claquant aux oreilles « Nanortalik » va peut-être même concurrencer sur les ondes (libres ?) les quelques chansons écrites pour le prochain Calogero par un chanteur qu’aucun défi n’effraie. De même « Hasta que el cuerpo aguante » est droit comme du Calexico s’essayant au slam. Tandis qu’en d’autres occasions - « Je suis parti avec toi », « Les garçons perdus », « Hôtel Congress »… - c’est bel et bien un pan entier du passé d’un adolescent, durablement impressionné à l’aube des années 80 par la new wave anglaise ou européenne (Polyphonic Size, déjà repris sur un ancien album) et l’electro pop balbutiante, qui ressurgit comme une ombre furtive mais éclairante dans un songe éveillé. Second volet de 12 titres non retenus au tri final, La Matière apparaît comme un faux jumeau un peu débraillé (et un mixage plus brut), contenant son lot de perles (tripant « Rendez-vous avec la matière »), sans doute écartées parce que ne souscrivant pas aux critères de sobriété de La Musique. Doublé gagnant !

Yannick Hustache

selec5

 

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