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Critique

JAPON

publié le

C’est une fuite, un retour vers la nature. Selon un dépouillement
C’est une fuite, un retour vers la nature. Selon un dépouillement radical, un dépouillement de non-retour. La nature n’est pas espérée comme un lieu de
renaissance, mais fixée à la manière d’une cible, comme un point final. Le personnage cherche à la percuter. Réintégrer la nature signifie se joindre à la mort. S’éteindre, revenir à zéro. Rien. Le personnage trace son parcours vers un canyon supposé idéal pour en terminer. Il rencontre des chasseurs, un boucher. Le chemin est parsemé de symboles, plus il se rapproche du but. Ce sont de faux symboles. Simplement, ici, les contacts avec la mort sont naturels, font partie du quotidien : tuer pour se nourrir s’accomplit sans pudeur, sans écran.
Arrivé là où il a décidé que le décor convenait pour s’anéantir, le personnage a quelques errances, quelques hésitations. Il prend des repères. Forcément il doit s’installer préalablement, préparer la fin. Vérifier si le décor convient. On sent bien que tout le rituel qui soutient son désir d’en finir est investi dans la sélection du décor. Comme s’il cherchait une nature qui soit le miroir de l’immensité douloureuse de son intériorité. Immensité qui le submerge.
Et le voici dans un vaste trou perdu. Le paysage est un élément important du film. La manière de le filmer est fantastique. Tout le paysage est inspecté, fouillé du regard, du regard morbide de la victime, passé au crible morbide de son regard. Est-ce bien une porte des enfers ? Est-ce bien par ici que l’on passe au-delà ? Le paysage comme lieu de passage, un rideau à traverser dont on explore les plis.
C’est un Mexique déshérité, un Mexique de bouseux. C’est déjà une terre d’enfer et de purgatoire. N’y végètent que des hommes et des femmes abandonnés de la civilisation, du confort, de l’aisance, du luxe. Confrontés à leur misère. Le personnage enregistre tous les aspects de la vie, il filme tout dans sa tête, comme une longue et lente hésitation entre la vie et la mort, la présence et la disparition. Il cherche où s’enfoncer dans l’oubli.
Il observe les relations humaines : des liens fantomatiques, des habitudes rudes, des relations misérables, mécaniques, des indigènes qui semblent condamnés à tuer le temps. Mais le personnage central perturbe ce manège désincarné, il véhicule des ébauches de sentiments vrais, profonds. Il garde des liens avec la beauté des choses intemporelles. Il effleure des manques. Il est l’intrus. D’un autre milieu, d’un autre destin.
Le paysage est lui aussi présenté de manière presque irréelle. Écrasé de lumière, surexposé, blafard, chauffé à blanc. Avec parfois des clignements somptueux où il semble basculer de nouveau vers la vie. Écartelé entre ses aspects de paradis perdus, inaccessible et d’enfer très présent. En même temps une étrange paix transpire, une superbe sérénité, âpre. Parfums mélangés de charogne et de fleurs suaves.
C’est la vie qui l’emportera. Avec le désir. Cru. Un désir lui aussi partagé entre vie et mort. Une sexualité à la fois morbide et très belle, dépouillée de tout préjugé, excitée par une beauté qui n'est pas prisonnière de la chair. Tout comme le paysage, une sérénité supérieure, délivrée des enveloppes terrestres...
Un film lent, envoûtant. Une première œuvre forte, très personnelle.
(Pierre Hemptinne, Charleroi/Mons)

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