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Critique

JHELLI BEAM

publié le

Chauffe Mar'Cel ! Sur son déjà neuvième album, le Speedy Gonzales du débit vocal rappé franchit une étape décisive dans sa maîtrise des lois de l'équilibre. Toujours de belles et (parfois trop) démonstratives cabrioles, mais un goût toujours plus […]

Pour mesurer la complexité du défi posé par cet hyperkinétique chauffeur de bus (Regan Farquhar de son vrai nom), il faut entendre le Californien glisser une peau de banane sous quelques mesures samplées de la Marche turque de Mozart et conclure son forfait par un sprint aussi drolatique qu'éthylique (l'un peu con « Me-Time »). Un flow tsunami à filer des complexes à 97% des MC's (pour master of ceremony) médaillés des dernières olympiades du micro, une voix d'acteur polymorphe et surexcité, aussi à l'aise dans les dialogues à plusieurs (et faits seul) que dans les soliloques éperdus, mais surtout une personnalité où la boulimie se révèle être un trait de caractère normatif et la curiosité, une fois de plus, un joli défaut !

bdLe pas de course semble être l'allure à laquelle s'est astreint l'Américain depuis ses débuts au mitan des années (19)90 où il chauffe et aiguise son sens de la rime hip-hop au sein de « Project Blowed », une variante locale des tribunes libres (ou « Open Mic », littéralement, « micros ouverts »), si courantes à Los Angeles et ailleurs et véritables pépinières de talents en devenir. Sauf que celles-ci, placées sous le patronage (entre autres) d'un membre des mythiques Freestyle Fellowship au background jazz patent, vont lui offrir directement les opportunités de passer à l'acte discographique. À 13 ans, il est déjà crédité de quelques « featurings » sur l'un ou l'autre projets collectifs et depuis la sortie de son premier album en 2001 (Memoirs of the Elephant Man), il ne se passe guère plus d'une année avant que notre homme ne donne de ses nouvelles musicales. Et de réaliser que le succès ne se décrète pas et que malgré un titre tiré de son quatrième disque (Temporary Forever en 2003), au générique du jeu vidéo Tony Hawk's Underground, sa notoriété n'excède guère un cercle d'initiés (et fera même l'objet d'un titre en 2007). Il entre néanmoins dans le giron de l'excellent label Big Dada (Diplo, Roots Manuva…) et tourne aux côtés des garnements de TTC, tout en multipliant les sorties, sous son nom ou en joyeuse compagnie (The Weather avec Daedelus & Radionactive en 2003).

Il faut avouer que face à un tel déferlement logorrhéique et malgré une patine gratinée des plus electro, ludique et inventive, le hip-hop de Busdriver s’est parfois trouvé à court d’haleine, en mal de structures et de beats capables de l’épauler dans ses plus folles escapades verbales et ce qui, aux yeux même de ses fans les plus indécrottables, constitue sa plus coupable faiblesse. D’autant que ses textes, malgré l’allure TGV de leur défilement, sont empreints d’une étonnante noirceur immergée dans un grand bain d’absurdité et en appellent à une lecture à tête vraiment reposée.

Aujourd’hui hébergé chez Anti (Tom Waits), Busdriver se fend d’un Jhelli Beam où le hip-hop redevient cette toile intelligente et poreuse qui fait son lit des multiples couches musicales qui s’y déposent. Le MC virtuose accueille Nick Thorburn (d’Islands, groupe pop) et fait tourner une jolie toupie hip-hop reflets psychédéliques (« Happy Insider »), se paye un intermède rythmique cabossé en compagnie de deux Deerhoof (« World Agape ») et tente une approche en douce des ravines jumelles dubstep/grime (« Manchuria », « Fishy Face »).

Pas encore le chef-d’œuvre annoncé (final raté), mais un bel essai concluant.

Yannick Hustache

 

Sélec 8