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Critique

BAHAMIAN SONGS

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On a peine à croire aujourd’hui que la grande mode du tourisme de masse débuté par les américains dans les années cinquante a pu avoir des aspects positifs. Le touriste moyen a toujours été, passées les premières retombées économiques, les premiers […]

 

On a peine à croire aujourd’hui que la grande mode du tourisme de masse débuté par les américains dans les années cinquante a pu avoir des aspects positifs. Le touriste moyen a toujours été, passées les premières retombées économiques, les premiers gains à court terme, une infection pour la culture locale et pour l’écologie. Le gaspillage énergétique occasionné par le déplacement de banlieusards stressés depuis leur quatre murs jusqu’au bord d’une plage climatisée et aménagée pour eux, ou plutôt de la piscine creusée à quelques mètres de celle-ci, peut sembler totalement inexcusable, mais ce caprice a eu, il y a longtemps de cela une conséquence heureuse. Elle a en effet donné du travail à des musiciens comme Blind Blake, qui fut des années trente aux années soixante le frontman de l’orchestre du Royal Victoria Hotel de Nassau, aux Bahamas. bbC’est dans cet hôtel historique, qui fut de la fin des années 1860 à sa fermeture, en 1971, une des principales attractions de la ville, qu’il fera une carrière le portant au rang de « principale exportation musicale des Bahamas ». Composant dans un genre indiscutablement touristique, s’adressant dans leur langue – c’est-à-dire dans un anglais débarrassé de ses dernières traces d’accent créole - à un public composé d’américains de passage, le musicien a ainsi réussi à faire connaître et à populariser les principaux styles musicaux de la région, la calypso, le mento, le goombay et à les mélanger au jazz, au gospel et aux ballades folk des Etats-Unis, en un cocktail unique et très personnel. Né Blake Alphonso Higgs, Blind Blake – à ne pas confondre avec le bluesman du même nom, qui lui inspira peut-être son nom de scène – était multi-instrumentiste, aussi habile au piano qu’au banjo ou au ukulélé, mais ce sont ses talents de chanteur et d’humoriste qui firent principalement sa renommée. Entertainer confirmé, rompu à la scène de par son contrat à vie avec l’hôtel et ses engagements réguliers à l’aéroport international de Nassau, il se verra reconnu hors des Bahamas grâce à une série d’enregistrements qu’il entamera pour Philco Radio dès 1935. Ces disques se disperseront comme les semences dont naîtront les multiples variantes des musiques caraïbes. Ils seront une source d’inspiration pour de nombreux musiciens qui en feront un usage allant de la reprise la plus respectueuse à l’imitation la plus flagrante, en passant par des détournements audacieux. C’est ainsi que 'John B. Sail', une des plus vieilles chansons du répertoire  des Bahamas, deviendra 'Sloop John B' sur l’album Pet Sounds des Beach Boys. On comptera parmi les autres admirateurs de Blind Blake des figures aussi diverses que Johnny Cash, Harry Belafonte, Louis Armstrong ou Pete Seeger. Mais le présent disque est l’occasion de se plonger enfin dans les versions originales de ces morceaux et de redonner toute son importance à une figure musicale qui propagea et représenta à lui seul - de manière quasiment officielle - la culture de l’Ile à travers le monde.

Benoit Deuxant

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