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Critique

BY THE THROAT

publié le

L’Australien qui venait du froid.

 

L’Australien qui venait du froid.

En s’enfonçant plus avant dans les ténèbres de l’interminable nuit hivernale islandaise pour donner corps à la petite musique intérieure qu’il dit entendre, Ben Frost accouche d’un disque insomniaque et pressurisé. Sous les glaciers, la lave !

ben frostPeut être que l’homme se devait-il d’émigrer en terres gelées pour enfin donner un quelconque sens à ce foutu nom (Frost = gel, gelée) qui fait de lui une sorte d’exotisme dans ce pays-continent au trois quarts aride. Au moins il est certain que ce co-fondateur (avec Nico Muhly et Valgeir Sigurdsson) de la réputée maison Bedroom Community (en 2006, dernier arrivé : Sam Amidon), n’a pas remonté la moitié du globe pour simplement grappiller quelques miettes du soufflé pas encore retombé de l’effervescente vitalité des scènes islandaises. Toujours en mouvement, le spectre de son ambient à base de boucles de guitares filtrées (Fennesz, Tim Hecker ) aux somptueuses teintes anthracites peuplant Steel Wound (2003), pointe rapidement en direction des friches désolées d’une (feu) musique industrielle déshumanisée (Lustmord), avant de revenir (Theory of Machines, 2007) se fixer sur une ligne de flottaison sonore instable où l’organique et l’électronique se mêlent jusqu’au mirage. Et au-delà du cercle polaire, alors que les repères premiers jours/nuits s’effacent à dates rigoureusement prévues, cette manifestation exemplaire du principe d’illusion est perçue comme un symptôme de cauchemar…

Sorti fin 2009, By The Throat pourrait être le pendant maudit et névrosé d’un Janeck Schaefer ou le mode d’emploi pour une relecture angoissée du versant drone amniotique (amical) du catalogue Kranky records (Nudge, Loscil, J Reinhardt pour les exemples récents) par les sombres augures du vol de bourdon doom metal à la Sunn O))) ou encore KTL. De fait ce disque semble soumis à une gravité anormalement élevée, perturbé en permanence par les soubresauts d’un champ magnétique qui fait valdinguer des matériaux ferreux aux arrêtes tranchantes, et maintenu dans une pénombre baignée de paranoïa et de peurs irrationnelles. Introduit par une ondulation de glitches indifférents, « Killshot » est secoué du ressac régulier d’un larsen sismique alors que résonnent les quelques notes inquiètes du générique d’un drame qui se joue loin des yeux dont on devine toute l'horreur. « The Carpathians » fournit quelques indications sur l’origine du mal avec ses samples d’une meute de loups en maraude entre deux craquements de plancher vermoulu. Soit l'illustration d'un artwork superbement agencé.

Mais pas si vite, à l’explication trop linéaire d'une attaque de canidés dans les ténèbres hivernales suggérée par sa pochette, ou métaphoriquement trop attendue d’une irréductible animalité tapie à jamais dans un recoin de l’humanité et prête à « sortir » succède le cliquetis dérégulé d’une (?) machine (« Ó God protect Me ») en fin de cycle. Ensuite, « Hibakúsja », libre traduction islandaise du terme japonais Hibakusha désignant les victimes de la bombe atomique, nivelle strates électroniques anxiogènes, cordes majestueuses (les filles d’Amiina ont participé au disque) et inserts cinématographiques pour en tirer un pur moment de beauté terrassée à la Xela qui se poursuit, après un court intermède « curiste » (« Untitled Trascient » est construit sur un sample du groupe de Robert Smith), par le diptyque « Peter Venkman » (alias Bill Murray dans le film Ghostbusters !) « Pt.1 » et « Pt. 2 » d’une égale rigueur et d’une semblable réussite. Puis à « Leo Needs a Nex Pairs of Shoes », l’inquiétude fait place (malgré les loups, à nouveau) à un relatif apaisement, prélude à un ultime chapitre (la triplette « Through The glass of The Roof », « Through The Roof of Your Mouth » et « Through The Mouth of Your Mouth ») où, dans une lente épiphanie chaotique, une poignée de beats viennent s’écraser sur de timides reliefs post-classiques et une ultime marée de drones minéraux emporter reliquat folk et agrégats (post) black metal.

Depuis la grève désolée, Ben Frost esquisse un sourire, son remake audio attendu de Blair Witch Project a rapidement pris les chemins détournés des Mulholland Drive ou de Faux-semblants. On n'a pas fini d'en épuiser le sens et d’en avoir les chocottes.

Yannick Hustache.

 

 

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