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Critique

LAMENTATIO JEREMIAE PROPHETAE [+ MORALES, ARCADELT, LASSUS]

publié le

Alexander Agricola : "Lamentatio Jeremiae Prophetae"

 

 

 

Il médite, et sa tristesse n’est pas de celle qui demande consolation. Seul depuis des siècles, icône du recueillement, le prophète Jérémie s’incarne dans la musique et dans la peinture plus souvent que ses paroles ne sont lues. Il pleure Jérusalem, sa destruction toujours recommencée. À l’écouter, on sent naître au fond de soi une autre Jérusalem, intime et plus petite, Jérusalem personnelle – nos deuils et nos pertes.

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Rembrandt

Il arrive que chez un artiste l’invention religieuse déborde la liturgie; il arrive également qu’une œuvre excède la foi et suscite des sentiments autres que ceux qui l’inspirent: cela est vrai pour les Lamentations de Jérémie. Destinées à n’être lues qu’une seule fois dans l’année, à Pâques, elles s’épanouissent hors des églises, jusque dans l’imaginaire profane. Pour une fois, le texte s’efface devant ses représentations. Dans les diverses lectures qu’offre la Bible, spirituelle, historique, littéraire, l’émotion l’emporte ici au-delà de toute considération rationnelle. Dans l’Ancien Testament, le cycle de Jérémie fait suite à la destruction de Jérusalem par les Babyloniens, en -587. Les Lamentations clôturent le livre par un long poème dont le discours imagé opère déjà la transmutation de l’histoire en métaphore.

 

Michel-Ange2
Cette idée de rassembler sur un seul disque diverses variantes musicales des Lamentations, au-delà des différences significatives entre compositeurs, met en évidence l’unité profonde qui les relie comme si, alors même que le texte semblait avoir été oublié, il rejaillissait par en dessous, dictant à la musique ses tonalités propres. Bien sûr, Orlando Di Lasso se distingue de ses prédécesseurs, Agricola, Arcadelt et Morales, et c’est aussi son nom que l’on associe le plus souvent à cette œuvre. Pourtant, modulés par les voix sobres et retenues de l’Egidius Kwartet, les morceaux s’enchaînent sans réellement se détacher les uns des autres. Plutôt, le chant se déploie en atmosphère, dans une régularité de sonorités qui induit à la méditation. L’austérité peut se révéler féconde, que l’on se concentre sur la musique ou, au contraire, que l’on laisse son esprit dériver; c’est une mise entre parenthèses, une brève déportation

 

 

 

 

 

 

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Incarnation du recueillement, telle est également la représentation iconographique du prophète. Rembrandt, Michel-Ange, Chagall ou Donatello (voir les reproductions ci-jointes) personnifient, avant Rodin, la pensée: tête penchée en avant, vêtements lourds aux plis compliqués, objectivation de l’activité réflexive. Dans cette configuration, la tristesse peut être perçue comme débarrassée de tout sentiment négatif; sa présence est pesanteur, densité physique et force d’absorption. Ce retour sur soi peut paraître sombre, inaccueillant, mais il témoigne de l’insigne beauté de la nuit intérieure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Donatello

Catherine De Poortere

 

 

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