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Gèn(ial)e Colon(ial)oscopie jusqu'au 09/02 au Marni !

Colon(ial)oscopie par la compagnie Ah Mon Amour !
La pièce Colon(ial)oscopie de la Cie Ah Mon Amour! propose une véritable prouesse clownesque portée par comédiennes musiciennes de haut vol. Une satire qui fait rire « noir » et … jaune.

Geneviève Voisin incarne ici une Bruxelleir type, Paola de Potter Dardois – fille, petite-fille et arrière-petite-fille de colons –, qui veut rendre hommage à la Force Publique Congolaise, ces oubliés des commémorations de la Grande Guerre, en interprétant avec sa fille Fabiola quelques chansons exotiques et coloniales des années 30.

L’actrice, qui est aussi l’auteure de cette pièce co-écrite avec Francesco Mormino, nous plonge dans les affres de l’histoire des colonies belges, offrant une relecture de ce passé pas toujours drôle qu’elle revisite avec une certaine distance et un humour féroce.



La bonne surprise que ce duo de clowns qui sonne juste et arrive à ce qu’on vibre pleinement à leurs délires ! Car, il s’agit bien là d’une comédie satirique avant tout, même si on y remue franchement le couteau dans la plaie encore ouverte de notre passé colonialiste.

 Geneviève Voisin, qui n’y connaissait pas grand-chose sur le temps des colonies, a tenu à partager ce qu’elle a appris lors de ses recherches pour monter ce spectacle qui se veut un miroir contre l’oubli des agissements honteux de certains de nos ancêtres. Elle nous apprend (nous rappelle) nombre de débordements affligeants (mains coupées, exploitation, …), tant sur la période léopoldienne (avant 1908) qu’à partir du Congo Belge jusqu’à l’indépendance. Et, pour terminer, elle fait un parallèle assez rapide avec le néo-colonialisme qui fait bien sous-entendre que, cent ans plus tard, l’exploitation continue (cfr. trafic du coltan).

 Au-delà de l’aspect dénonciateur, les actrices musiciennes nous invitent aussi  à (re-)découvrir quelques-unes des chansons créées dans les années 30 qui montrent tout l’attrait des belges (et des français) pour l’exotisme et trahissent la mauvaise perception, forcément raciste, qu’un grand nombre de nos ancêtres avaient des africains. L’interprétation à la sauce « Bruxelère raciste éméchée » et les savoureuses altercations avec la fille soumise (qui finit par se révolter) font heureusement rentrer le rire dans le flux de nos indignations face à de tels propos.

Voici quelques-uns des titres du répertoire interprété par Paola et Fabiola dans leur ridicule récital, chansons qu’on retrouve sur l’excellente compilation « Chansons coloniales & exotiques ».



1. Le grand voyage du pauvre nègre [Raymond Asso/Marguerite Monnot]
interprété par Edith Piaf (aussi par Germaine Sablon)

  Soleil de feu sur la mer Rouge/Pas une vague, rien ne bouge/Dessus la mer un vieux cargo/Qui s’en va jusqu’à Bornéo/Et dans la soute pleure un nègre/Un pauvre nègre, un nègre maigre/Un nègre maigre dont les os/Semblent vouloir trouer la peau/Oh yo… Oh yo…/Monsieur Bon Dieu c'est pas gentil/Moi pas vouloir quitter pays/Moi vouloir voir le grand bateau/Qui crache du feu et marche sur l'eau/Et sur le pont moi j'ai dormi/Alors bateau il est parti/Et capitaine a dit comme ça:/« Nègre au charbon il travaillera »/Monsieur Bon Dieu c’est pas gentil/Moi pas vouloir quitter pays/Oh yo… Oh yo…/ […]



2. Moi tout faire pour te plaire [Bertal-Maubon-Chamfleury/Moïse Simons] (de l’opérette Toi c’est moi, 1934) interprété par Simone Simon

  Moi avoir petits mollets, pas laids/Et beaux petits macarons/Tout ronds/Moi, chanter la chansonnette/Souffler dans clarinette/Et claquer castagnettes/Moi tout faire pour te plaire/Toujours/La cuisine, la vaisselle/L’amour/Toujours/Dix ou vingt jours



3. Les mormons et les papous [Georgius/ Garrignane] (1934) interprété par Georgius

  Vivent les mormons, vivent les papous/Qui prennent la vie par le bon bout/Tous ces gars-là sont polygames/Bigames, trigames et hectogames/Ils ont des femmes plein leur salon/Plus que d’fauteuils ou d’guéridons/Ils comprennent la vie bien mieux qu’nous/Vivent les mormons, vivent les papous !


4. Nénufar (Marche  officielle  de l’Exposition Coloniale)
interprété par Alibert

  Quittant son pays/Un p’tit négro/Vint jusqu’à Paris/Voir l’exposition coloniale/C’était Nénufar/Un joyeux lascar/Pour être élégant/C’est aux pieds qu’il mettait ses gants/Nénufar/T’as du r’tard/Mais t’es un p’tit rigolard/T’es nu comme un ver/Tu as le nez en l’air/Et les ch’veux en paille de fer/ Nénufar/T’as du r’tard/T’as fait la conquête des Parisiennes/T’es leur fétiche/Et tu leur portes veine !

 

5. Sous les palétuviers [Henri Duvernois/Moïse Simons] (du film Toi c’est moi, 1936)

interprété par Pauline Carton et André Berley

  Ah ! Viens sous les pa…/Je viens de ce pas et je vais pas à pas/Ah ! Suis-moi veux-tu !/Je n’suis pas vêtue sous les grands palétus/Viens sans sourciller/Allons gazouiller sous les palétuviers/Ah oui ! Sous les pa pa pa pa, les pa pa les tu tu/Sous les palétuviers/Ah ! Je te veux sous les pas, je te veux sous les lé…/Les palétuviers roses/Aimons-nous sous les patus, prends-moi sous/Les laitues, aimons-nous sous l’évier


À l’écoute de ces chansons qui sont en général très bien écrites tant au niveau des paroles que de la musique, on peut se poser la question suivante : « Ces auteurs et ces interprètes, ont-ils porté ces chansons au monde dans un esprit fantaisiste lié à une méconnaissance des tristes réalités du terrain ou y-a-t-il eu une réelle arrogance vis-à-vis de ces personnes qui ne vivent pas comme nous ? ». C’est là toute la force du spectacle : nous faire goûter au capital comique de ces perles tout en nous poussant à nous positionner quant à leurs propos nauséabonds. Ceci dit, c’est toute cette pièce qui aborde notre rapport ambigu à la colonisation. En se moquant des gens qui se moquent des africains, ne nous fait-on pas indirectement rire quelque part aussi des manières des africains  (leur parler, leur accent, leur danse) qui sont ici à peine caricaturées ? Rions, rions, même des choses qui nous dérangent… Mais, surtout, que cela ne nous empêche pas de nous indigner !


Guillaume Duthoit



Colon(ial)oscopie de la Cie Ah Mon Amour !
au bar du Théâtre Marni
25 rue de Vergnies
1050 Bruxelles

jusqu'au 9 février 2017