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Dumy, Kobzar et Bandura


Bandurist and modern Cossack Danylo Nosko, par Yury Nosko (via wikipédia)
La musique instrumentale et le chant non-choral ukrainiens sont généralement présentés comme principalement issus d’une tradition unique : la musique des Kobzars. Musiciens itinérants, sorte de bardes ou de troubadours, ces chanteurs, souvent aveugles, étaient organisés en guildes à l’accès sévèrement réglementé, et possédaient un répertoire particulier constitué d’un mélange de psaumes et de chants parareligieux (les kanty) et de dumy (pluriel de duma ou douma), une série de chants épiques d’origine cosaque.

La tradition des Kobzars, apparentée à celle des Lautaris de Roumanie, s’installe en Ukraine un peu avant le 19e siècle et prend des accents de plus en plus typiquement régionaux. Les différentes fraternités et guildes s’associent ainsi aux paroisses de l’Église orthodoxe ou à la noblesse locale. Elles se spécialisent dans le chant de la douma. D’origine bien plus ancienne, cette forme de poésie épique psalmodiée ou chantée a accompagné les cosaques dans leurs déplacements à travers les Balkans et l’Europe de l’Est. Le terme de cosaque est aujourd’hui complexe puisqu’il peut désigner à la fois un groupe ethnique (soit slave, soit turc), le mode de vie nomade farouchement indépendant mené par ces groupes, ou les unités armées que différents pays (la Pologne, la Russie tsariste puis soviétique, ou encore l’Ukraine) ont formées avec ces guerriers. Leurs chants sont souvent des chants de guerre et de bravoure mais également des chansons sur des thèmes moraux et religieux, généralement interprétés avec une grande mélancolie.


Les Kobzars s’accompagnaient de plusieurs instruments typiques : la kobza qui leur donne leur nom, une forme de luth proche de l’oud turc, la vielle à roue et la bandoura, un instrument parent de la kobza et du tambûr d’Asie centrale. Ce dernier instrument s’est progressivement éloigné de son modèle à six cordes fixées sur un manche pour devenir une forme de cithare pouvant comporter une cinquantaine de cordes disposées sur une large caisse de résonance.


Avec le déclin de l’aristocratie à la fin du 19e siècle, les guides des Kobzars ont changé de statut et de musiciens de cour sont devenus des musiciens errants, jouant sur les foires et les marchés. Leur chute s’accélère encore durant la période communiste à partir de 1919 où ils sont pourchassés comme vestiges archaïques de l’ancien régime. Une forme quasiment parodique, typique du fakelore des pays de l’Est à cette époque, est alors inventée et des orchestres de virtuoses de la bandoura sont créés pour interpréter une version officielle épurée de la musique folklorique. 


Cette musique folklorisée est encore présente dans des formations académiques ou commerciales à travers l’Ukraine. Il a fallu attendre la chute du mur et l’effondrement du régime soviétique pour que réapparaisse le répertoire authentique des Kobzars, grâce au travail de musiciens, de collecteurs et de musicologues sauvant de l’oubli instruments, partitions et textes disparus durant la période précédente. (Benoit Deuxant)


 


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