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Traditions afro-trinidadiennes : kalinda, limbo et culte de Shango


François Aimé Louis Dumoulin, Calinda, danse des Nègres en Amérique (1783) (domaine public)
Les origines multiples de la population de Trinité-et-Tobago expliquent la diversité des traditions qui se sont créolisées au cours du temps, avec le mélange des peuples africains (descendant des esclaves) et européens (Espagnols, Français et Britanniques).

Il existe de nombreuses musiques et chants qui trouvent leurs origines sur le continent africain, que ce soit des chants rituels liés aux cultes de Shango, les danses bélé aux origines créoles ou encore les chants à répons kalinda venant d’Afrique de l’Ouest. Les enregistrements de terrain de Melville et Frances Herskovits en 1939 et ceux d’Alan Lomax en 1962 sont des documents importants dans la préservation de ces styles qui ont vu un renouveau ces dernières décennies et qui sont pour la plupart toujours pratiqués aujourd’hui.


Dans les champs, les esclaves improvisaient des chansons pour accompagner leur travail, sous la direction d’un soliste. Les textes ont pris au cours du temps un caractère subversif et ont donné naissance à un style particulier, le picong (qui vient du mot français piquant). Le travail terminé, ils se retrouvaient lors de veillées pour se divertir. Ils interprétaient souvent des chants de duel nommés kalinda, un ancêtre du calypso qui possède des éléments kongo d’Afrique Centrale. Ce style possède des liens avec le jeu de bois-bataille (dont le nom en français vient de Martinique et de Guadeloupe tout proches), un combat aux bâtons. Ces chants sont de type « appel et réponse » dans la tradition africaine ; ils sont menés par un leader nommé shantwell et accompagnés de percussions. Selon l’endroit où ces chants étaient interprétés – parades et processions ou divertissement local – l’emphase était mise soit sur la musique, soit sur les paroles. Le kalinda a été interdit après la révolte de 1881 mais il a pris des formes nouvelles au cours du temps, évoluant en musique pour le carnaval et en calypso.


Il existe aussi le kaiso, qui a repris les rythmes du kalinda, mais dont les origines se retrouvent auprès des peuples Igbo du Nigéria. Il s’agit de chants traditionnels menés par un griot, et accompagnant une danse. Le kaiso a également très fortement influencé la création du calypso.


Comme le kalinda, le belair ou bélé est une danse créole ancienne accompagnée aux percussions. Il est similaire au bélé des Antilles françaises, d’où il a été importé par les immigrants locaux. C’est une musique de divertissement dans laquelle hommes et femmes portent des vêtements assez élaborés et évoluent en faisant des mouvement amples et élégants, copiant les danses de salon des Français. Les textes contiennent souvent des commentaires sur la société.


Les Afro-Trinidadiens interprétaient aussi les danses limbo, où les participants devaient passer en dessous d’un bâton placé de plus en plus bas en se pliant vers l’arrière (cette danse a été vulgarisée pour les touristes et a même été une mode aux Etats-Unis, notamment avec la chanson « Limbo Rock » de Chubby Checker). Le bongo est une autre danse, interprétée lors de veillées funéraires sur un rythme de bâtons entrechoqués.


Comme dans une grande partie de l’Amérique latine, les rituels africains n’étaient pas compris, et étaient même craints, par les propriétaires d’esclaves. Ceux-ci ont donc imposé leur religion chrétienne, catholique ou protestante selon les régions. Ceci a poussé les esclaves au syncrétisme. Divers rituels et cérémonies sont liés au culte de Shango, et comme dans la santeria ou le candomblé, les saints chrétiens correspondent à des divinités africaines. Il existe une multitude de chants et certains mènent à la possession du danseur. Ils sont accompagnés de tambours bata, de calebasses shagby, de hochets shaks shaks ou shekere et de gongs. Un autre culte proche est celui de Rada, introduit au 19e siècle par des travailleurs fon du Bénin. Ces rituels ont persisté malgré leur interdiction mais les Afro-Trinidadiens ont également contourné le problème en adaptant les chants et les messes des Baptistes. Les adeptes ont été nommés Shouters. Ils interprètent les hymnes religieux en utilisant la technique du hoquet et marquent le rythme avec les mains ou les pieds. Cette pratique a très vite fait peur aux Blancs parce qu’elle semblait trop « africaine » et a donc été interdite pendant une période. Il faut également citer la pratique de l’obeah, un ensemble de pratiques magiques et spirituelles, qui ressemble au vaudou d’Haïti. (ASDS)


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