Disque difficile à situer avec certitude, ce troisième volume de la série Nighttime World dépasse largement les horizons habituels de la techno de Detroit. S'il est connu comme l' " autre " musicien de la ville, en même temps que Jeff Mills, a avoir fait le grand saut vers l'Europe et à s'être installé à Berlin pour y changer la face de la techno avec son album Minimal Nation en 1994, Robert Hood a entre temps fait du chemin et couvre un terrain qui déborde de l'univers musical qui l'a fait connaître. Moins intéressé par le beat que ses autres productions, cet album est avant tout un disque de compositions électroniques, épurées sans être austères, sobres sans sécheresse. Hood dit avoir été inspiré par le film du documentariste Roger Graef, Requiem For Detroit, qui l'a aiguillée vers cette évocation luxuriante et mélancolique de sa ville, dépassant les clichés habituels (mais vrais) de la cité post-industrielle dévastée et déserte pour une vision plus complexe. Bien qu'il ait depuis quitté la ville pour se retirer dans une bourgade perdue au fond de l'Alabama, il conserve pour Detroit une tendresse qui transparait étrangement au long de ces quelques 79 minutes. Au fil de douze plages minimalistes à la rythmique feutrée, effacée, quand elle n'est pas tout bonnement complètement absente, il dessine des vagues de claviers, un mouvement de balancier synthétique recouvrant des structures délicatement abstraites. Nighttime World Volume 3 poursuit le souhait de dépouillement, , le voeu de pauvreté de Robert Hood, mais il se place cette fois autant dans le monde de la techno que dans l'univers plus poli, plus apaisé d'une électronique raffinée et élégante, comme Brian Eno ou Ryuichi Sakamoto pourrait en produire. Le propos reste toutefois concret et consistant, et des titres comme " The Exodos ", " Hate Transmissions ", " Slow Motion Katrina " et " A Time to rebuild " ne laisse aucun doute sur le sérieux de l'entreprise, et la gravité de la situation. (Benoit Deuxant)