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Disponibilité et classement

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LULU
Lou REED & METALLICA

  • Ref. XR323J
  • VERTIGO, 2011.

Tout au long de sa carrière, Lou Reed n'a eu de cesse de parsemer ses oeuvres de fragments issus de l'avant-garde. Même si, pour beaucoup, sur les deux premiers albums du Velvet Underground, c'est l'apport musical du multi-instrumentiste gallois John Cale qui reste le plus marquant. Un savoir et des pratiques hérités de ses travaux réalisés au début des années 1960 avec La Monte Young, Marian Zazeela et Tony Conrad au sein du Dream Syndicate (Theater of Eternal Music) et qui a souvent éclipsé le rôle prépondérant de Reed sur les choix esthétiques du groupe new-yorkais. Son écriture en tant que telle s'est pourtant assez rapidement démarquée des carcans de la pop, tout autant influencée par les 45 tours doo-wop et rock & roll du chanteur originaire comme lui du Bronx, Dion DiMucci. Il se tournera assez vite vers d'autres univers musicaux grâce à sa découverte des musiciens jazz Don Cherry et Ornette Coleman. Ses liens avec le monde du théâtre et de la littérature sont également intimement liés à ses diverses rencontres au sein de la Factory d'Andy Warhol où se côtoient dans une ambiance glauque et glamour : metteurs en scène, acteurs et dramaturges de tous horizons.

Dès les premiers enregistrements du Velvet, il remet en question les codes du genre et délaisse dès qu'il le peut le traditionnel couplet-refrain pour des textes plus foisonnants et peu adaptés au format pop. Les exemples ne manquent pas, de "The Black Angel's Death Song" à "The Murder Mystery" en passant par "The Gift" (chanté par Cale mais basé sur un texte de Reed écrit au collège) puis en solo avec "Coney Island Baby", "Street Hassle", "The Bells" ou plus récemment sur le très aventureux "Like a Possum". Une composition monumentale de 18 minutes tendue comme jamais où les changements d'accords sont rares et la mélodie absente. Ce titre paru en 2000 sur le très inégal Ecstasy peut être considérer comme une introduction idéale à ce Lulu tant décrié. Lou Reed s'est toujours mis en danger en se remettant constamment en question et en évitant à tout prix le confort de la redite facile. Lulu est comme jeté à la face des bien-pensants un peu comme lorsqu'il avait surpris tout le monde lors de la sortie en 1975 du sulfureux Metal Machine Music. Le défi formel de l'époque (déluge de larsens et de feedbacks) laisse aujourd'hui la place à un choc des cultures inattendu mais salvateur. Choisir de confier à Metallica la direction musicale de cet opéra dodécaphonique composé entre 1928 et 1935 par Alban Berg et dont le livret fût écrit par le dramaturge allemand Frank Wedekind équivaut au bras d'honneur adressé en 1975 à une partie de son public et à sa maison disque de l'époque, RCA.

L'histoire de Lulu se déroule à la fin du 19ème siècle, Wedekind y décrit l'ascension sociale et la déchéance d'une femme au sein de la société bourgeoise allemande. Après le meurtre de celui qu'elle dit avoir le plus aimé, elle sombrera dans la prostitution et finira par se suicider. Lulu ne fût achevé qu'en 1979 par Friedrich Cerha lors de sa présentation à Paris dans une mise en scène de Patrice Chéreau. À l'opéra Garnier sous la direction de Pierre Boulez et avec la participation de la soprano canadienne Teresa Stratas, Chéreau transpose pour des raisons d'efficacité dramatique le récit de Lulu dans la période troublée et décadente des années 1930. Ce qu'il perd en accessoires et costumes du 19ème, il le gagne en agressivité et en virulence. Le récit est comme rendu à son époque, l'acuité du regard de Wedekind en sortit brillamment renforcée. Derrière la scandaleuse, irrésistible et délétère ascension de cette femme fatale se dessine une histoire qui est, avant toute chose une ode étourdissante à la liberté.

Au moment de sa rencontre impromptue avec Metallica (en 2010 à la cérémonie du Rock & Roll Hall of Fame) Lou Reed venait de terminer d'écrire la musique d'une nouvelle version de Lulu adaptée par le metteur en scène texan Bob Wilson. Nombreux sont ceux - et moi le premier - à avoir douté du bien-fondé de ce mariage contre nature. Je repensais inévitablement aux écrits du rock-critique Lester Bangs, adorateur et pourfendeur de son idole qu'il aimait tant maltraiter dans ses papiers hors-normes. Qu'aurait-il pensé de ce projet ? Difficile de savoir où sa mauvaise foi l'aurait conduit. Mais voir en Reed un manipulateur machiavélique me parait une erreur de jugement, un point de vue sans fondement qui ne prend pas en compte les envies d'ailleurs et de remise en question continuelle du musicien. Il n'y a rien d'incongru à provoquer cette accointance avec un groupe en perdition mais auquel il ne manque qu'une étincelle pour reverdir. Ce conte sur la violence des rapports humains et sur la haine de soi est le terreau idéal pour une tentative de réécriture propre à 2011.

Pour combler l'absence de visuel, Reed grossit le trait et accentue les dérives autodestructrices de cette Lulu tour à tour en proie à la luxure et aux déchainements de toutes sortes. On est surpris de voir les quatre musiciens de Metallica jouer la carte de la sobriété et de retrouver une justesse qu'on leur croyait perdue depuis longtemps. Tout au long des presque nonante minutes de l'album, le groupe se met au service de ce texte cru déclamé par la voix chevrotante et émouvante d'un Lou Reed des grands jours. Le chanteur James Hetfield se fait aussi discret que possible et préfère se borner à surligner ce qui a besoin de l'être. Prétendre comme Reed qu'il s'agit de "La meilleure chose que quiconque ai jamais produite" est bien-sûr exagéré, une provocation qui vise surtout à attiser encore plus le rejet de cette oeuvre qui n'en avait pas besoin. En comparaison, ce disque n'atteint évidemment pas les sommets de Songs for Drella paru en 1991 et réalisé en hommage à Warhol en compagnie de son meilleur ennemi John Cale. Il y a d'ailleurs quelques ratés hors propos comme "The View" ou "Iced Honey", des morceaux indignes trop formatés qui éraillent quelque peu la structure générale de ce double album. La deuxième moitié du disque reste la plus intense et culmine avec "Junior Dad", une composition à couper le souffle emplie d'émotion et de gravité qui vaut à elle seule l'acquisition de ce Lulu imparfait et pas toujours des plus subtils mais qui reste digne d'intérêt et assurément très éloigné de la " purge " annoncée un peu partout. (David Mennessier)

Interprètes

Pistes

  • 1 Brandenburg gate
  • 2 The view
  • 3 Pumping blood
  • 4 Mistress dread
  • 5 Iced honey
  • 6 Cheat on me
  • 7 Frustration
  • 8 Little dog
  • 9 Dragon
  • 10 Junior dad