1958, Luther Allison a 18 ans, il joue avec d'autres musiciens de Chicago parmi lesquels Bobby Rush qui a accès à un studio où les deux musiciens s'en donnent à coeur joie en compagnie du guitariste Bobby King et du batteur Robert Plunkett. La bande tourne et le disque sort, immédiatement oublié ou dénigré. Puis la vie passe, Allison connaît la célébrité, mais disparaît trop tôt, en 1997, oublié de tous en dehors du monde des vrais amateurs de blues. Mais un jour, son fils découvre ce vieux vinyle dans les affaires de sa mère et se rend compte qu'il s'agit là d'un enregistrement de 1958 où son père chantait et jouait déjà de cette formidable guitare incisive. De fil en aiguille, le fiston retrouve le bassiste Bobby Rush qui raconte qu'effectivement ils avaient peu de moyens et ont enregistré en une prise ce qui leur passait par la tête, sans trop réfléchir. Les voici donc ces enregistrements forcément historiques et ils valent la peine à plus d'un titre. Parce que bien plus qu'un disque de blues, on a là une synthèse, un carrefour, une photographie assez parfaite de ce qu'étaient alors les musiques afro-américaines. Ce disque est rhythm'n'blues, rock'n'roll, boogie, blues, soul... On y entend tout, absolument tout ce qui a fait recette, cette manière, ce toucher, cette ambiance, cette fièvre, cette urgence, ce tremblement fébrile d'une musique qui ne pouvait que déborder d'une Amérique en train de se secouer, de réagir. Carte postale fantastique, cette musique de Luther Allison pourrait, sans doute, être celle de beaucoup d'autres grands du blues et du rhythm'n'blues à l'époque. C'est qu'ils étaient nombreux à se courber sur leur gratte et à s'époumoner pour chanter cette mixture que les grandes villes du Nord électrifiaient et transformaient sur base des modèles des plantations du Sud. Alors amateurs de ce son qui a donné au rock toute sa saveur et qui a influencé tant de musiciens de tous pays et de tous poils, écoutez cette petite chose trop courte, mais si forte. Et prenez votre pied. (ÉB)