Vu dans Classica (octobre 2009)

A l'époque où les rues de nos grandes villes n'étaient pas encore envahies par les bruits des moteurs (et leurs odeurs) qu'entendait-on ? Outre le chant des oiseaux, le sabot des chevaux, on entendait des voix humaines proclamant les mérites de divers produits ou annonçant les événements grands et petits. C'était entre autre le rôle du crieur mais aussi des marchands ambulants. Mais attention, il y avait des façons de faire codifiées qu'il ne faisait pas bon transgresser. Vanter les mérites des huitres fraîches ne se faisait pas sur le même ton que le panégyrique de la laitue pommée. Ces voix ont traversé le temps depuis le Moyen Age jusqu'à nos jours, depuis Clément Janequin jusqu'à Regis Campo. L'Ensemble Clément Janequin nous offre un plein panier de ces cris de ville, avec toutes la verve qu'on leur connait, les saveurs et les odeurs en sus. Diction parfaite qui permet de goûter aux paroles parfois fleuries (!) de ces chansons polyphoniques, truculence et bonne humeur, bref, je vous invite à plonger dans le flot des démarcheurs de tout crin et à vous réjouir. AG

La Chanson nouvelle de tous les cris de Paris avait perdu son support sonore, qu'à cela ne tienne, Dominique Visse a emprunté à Claude Lejeune la mélodie d'une de ses chansons. Et voilà ! Le Cri du Bagnérais d'Alfred Roland est une perle de patriotisme datant de la première moitié du 19e siècle, une époque déchirée par les conflits. C'est grandiloquent et opératique, le bon goût de l'époque. Volontairement humoristique, Les Cris de Marseille de Régis Campo s'inscrit dans la plus pure tradition du Cri de ville. Rien ne manque: les cigales, les supporteur du club de football local et j'en passe. A l'opposé de cela, Bruno Ducol conçoit le cri comme moyen d'exprimer l'oppression. Sa participation est théatralisée, dramatique et évocatrice d'autres rues. Dans ses Cris de Paris, Vincent Bouchot rend un double hommage à la fois aux Cries of London de Luciano Berio et à un extrait de La Prisonnière de Marcel Proust dans lequel Albertine et Marcel entendent les cris des marchands dans la rue. Claude Ledoux joue sur les sonorités des mots tout en mettant en scène le contenu d'un blog, une tranche de vie, âpre. Les Cris de Paris de Kastner forment une "grande symphonie humoristique" avzec un prélude en forme de romance. Kastner est l'auteur d'une véritable étude du cri de ville avec un inventaire détaillé et noté, une somme datant du milieu du 19è siècle. Edouard Deransart, chef d'orchestre au cabaret Les Ambassadeurs écrivit les Cris de la rue, Saynète-Panorama dans laquelle ne manquent ni les intonations caractéristiques du café-concert, ni les détails vocaux destinés à "remplir". Une petite perle ! AG