Le numérique est aujourd’hui une question urgente. Ses applications renforcent toutes sortes d'exclusions, et la seule réponse consiste à financer des ateliers, du matériel et l’achat de logiciels.

Il est tantôt présenté comme ce qui change tout : « Désormais rien de ce que vous savez n’est valable... ». Et, en même temps, il est décrit comme un simple aménagement pour gagner en efficacité : « ce n’est jamais qu’une application qui fait gagner du temps... ». Dans les deux cas il n’y a rien à dire, soit c’est le monde entier qui est virtualisé, soit rien ne change.

C’est une des raisons pour s’intéresser à la présentation de Clarisse Herrenschmidt.

À la fois placer le numérique dans l’histoire longue de l’écriture. Regarder à l’aide de très nombreux documents comment peu à peu des signes s’autonomisent des choses. Et rechercher comment toutes sortes de rapports sont possibles avec ces signes.

Le problème n’est pas moral, l’irruption de ces signes de plus en plus autonomes modifie la vie des gens. Par exemple, à un moment donné, ce qui est écrit fait fonction de vérité, un contrat écrit a une valeur juridique bien supérieure à un contrat oral ; or seuls certains peuvent écrire… Ce qui est écrit implique une autre temporalité, bien plus longue que la vie d’un être humain. Le numérique, ce n’est pas la même chose, il a d’autres effets de vérité, d’autres temporalités, mais il s’inscrit dans cette histoire.

L’histoire longue pourrait donc nous aider à penser les changements opérés par la digitalisation du monde, sortir de la sidération. Comprendre comment cela s’agence dans les différentes situations dans lesquelles nous vivons. Comment nous sommes affectés, et donc où il y a des prises.

Guillermo Kozlowski

Sur Clarisse Herrenschmidt

Chercheur CNRS en retraite ;
Spécialiste de l’Iran ancien : religion des Achéménides (-550 à -330), parenté, concepts politiques, philologie ;
Chargée de cours à l’INALCO de 1976 à 2005 : Histoire de l’Iran (pré)islamique ;
Historienne des écritures, Mésopotamie, Israël, Iran et Grèce, depuis l’Antiquité jusqu’à l’Internet.

Bibliographie succincte :

• Jean Bottéro, Clarisse Herrenschmidt, Jean-Pierre Vernant, L’Orient ancien et nous. L’écriture, la raison, les dieux. Albin Michel 1996 (plusieurs rééditions en poche depuis cette date).
• Clarisse Herrenschmidt. Les Trois écritures. Langue, nombre, code. Gallimard 2007.
  

Organisation : PUNCH (Pour un numérique critique et humain : Culture & Démocratie, Gsara, ACMJ, La Concertation, La Maison du livre, Librex, PAC, PointCulture, cfs.EP, Cesep)

Crédit photo : Natalia