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Portrait

François Hadji-Lazaro

François Hadji-Lazaro

publié le

Qui a vu le film de Caro et Jeunet « La cité des enfants perdus » se souvient de la tronche mal lunée du chef des cyclopes. Qui a eu les oreilles percées par le rock décalé et déchaîné des Garçons Bouchers revoit encore jongler entre une flopée […]

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Qui a vu le film de Caro et Jeunet « La cité des enfants perdus » se souvient de la tronche mal lunée du chef des cyclopes. Qui a eu les oreilles percées par le rock décalé et déchaîné des Garçons Bouchers revoit encore jongler entre une flopée d’instruments leur auteur-compositeur à la carrure imposante. Qui a été pris aux tripes par les mots de gorge* du chanteur du groupe Pigalle guette avec impatience une nouvelle livrée de chansons. On ne dira jamais assez l’importance de cet homme passionné qui, tel un nouvel Atlas, a réussi à porter tant de projets d’envergure aussi différents. Boulimique et prolifique, François Hadji-Lazaro (FHL) est une boule-musique, un monde à lui tout seul. Et quand on sait en plus qu’il fut le fondateur du mythique label indépendant Boucherie Productions qui, en 2001, après quinze années d’acharnement, dut fermer ses portes, écrasé sous le poids des majors, on ne peut que lui dire: « Chapeau et merci ! ».

Revenons sur le parcours du bonhomme. Au début des années 80, le jeune François, qui a dévoré tout Bob Dylan, Malicorne et Fréhel, débarque à Paris avec sa hotte remplie d’instruments, passionné par les musiques traditionnelles américaine et européenne. Aujourd’hui, l’homme-orchestre en maîtrise plus de 25 (guitares, violon, accordéons diatonique et chromatique, concertina, vielle à roue, dulcimer, cornemuse, banjo, violon, ukulélé, oud, steel, mandoline, etc.). Au début, il joue dans le métro et dans un groupe folk nommé Pénélope. En 1982, il donne naissance au groupe Pigalle qui propose un mélange réussi de rock et de chanson française sombre et nostalgique du Paris des années 30 et 50. À la même époque, il accumule les petits rôles au cinéma. Et pour gagner sa vie, il s’improvise sonorisateur et fait videur dans une boîte de nuit qui accueille tous les groupes de rock hard-punk du moment. C’est alors que François en prend plein la gueule et s’en réjouit. Au fil des rencontres, il crée, en 1985, Les Garçons Bouchers (avec d’abord Eric Blitz et puis Piero Sapu au chant) dont le punk incisif et l’humour grinçant tranche avec le répertoire de Pigalle. Le succès tombera sur la tête des Bouchers avec La bière, une ode à la boisson mais aussi au cercueil qui devient un véritable hymne pour les keupons de l’époque. Les fans réclament des disques et François, farouchement indépendant, décide, la même année, de créer son propre label de production de disques, tournant le dos aux multinationales. Ce sera Boucherie Productions qui prend rapidement de l’ampleur et montre une ouverture d’esprit exceptionnelle accueillant sous son aile des artistes aussi variés que La Mano Negra, Paris Combo, Les Elles, Sttellla, Gabriel Yacoub, Wally, Les Tétines Noires, Freedom For King Kong. Dans la foulée, il rejoint Manu Chao pour un projet folk rock déjanté: Los Carayos. Devant mener de front trop d’activités, François décide alors de mettre fin à Pigalle, enregistrant un soi-disant dernier album. Ce sera « Regards affligés… » qui sortira le groupe de l’ombre grâce à la chanson Dans la salle du bar-tabac de la rue des martyrs. FHL jonglera dès lors entre les trois groupes jusqu’à la fin des Carayos au début des années 90. Quant aux Garçons Bouchers, ils se séparent en 1995. Et Pigalle donne son dernier concert à l’Olympia en mars 1998. De cette période, il faut aussi retenir « François détexte Topor » (1996), un album inspiré et puissant où FHL met en musique des textes glauques et barrés de Roland Topor.

En 2001, une page est tournée. Amer devant les réalités du marché, mais fier d’avoir tenu quinze ans en toute liberté créatrice et heureux d’avoir pu faire connaître une multitude de talents, FHL est aujourd’hui conscient que fonder un nouveau label serait suicidaire. Il poursuit alors sa route en solo et signe chez Island/Universal pour quelques albums et la réédition de la discographie de Pigalle et des Garçons Bouchers. Certains le lui reprochent. C’est oublier que le lascar, quelques années plus tôt, avait refusé d’être racheté par la major, préférant par intégrité donner une belle mort à Boucherie Productions, en faisant en sorte que chaque groupe puisse partir sans y perdre des plumes. Si FHL a signé chez son pire ennemi, c’est qu’il ne voit malheureusement plus d’autres chemins solides pour faire exister l’artiste qui bout toujours en lui.

Aujourd’hui, Pigalle repart en tournée après dix ans d’absence et sort «Neuf & occasion», un double album composé d’une compilation mêlant dix-huit titres anciens du groupe à six nouveaux titres inédits et d’un DVD documentaire dressant un portrait fort attachant de l’homme-orchestre, augmenté des sept clips de Pigalle. D’emblée, il faut avouer que les nouveaux titres entièrement joués par FHL sont clairement dans la lignée des trois excellents albums solo que le chanteur a sortis depuis 2002 (« Et si que…? », « Contre-Courant » et « Aigre-doux »). Trois chansons sortent du lot. Dans Madame Louise, elle est exquise, chantée de concert avec son jeune fils Pierre et Emily Loizeau, FHL aimerait tant mettre le doigt dans la prise du réchauffement climatique. Sens comme le temps, il est lourd voudrait voir revenir Rachid, travailleur sans-papiers reconduit à la frontière. Et dans la berceuse Dors, petit bled, il chante avec amertume que « Le nouveau siècle fait bombance/Sans en avoir vraiment compris le sens ». En réécoutant les titres anciens, avec le recul, on se rend compte à quel point Pigalle fut un des précurseurs majeurs de la chanson néoréaliste tendance rock musette. Et force est de constater, que si le son et l’énergie changent selon les périodes, Pigalle est avant tout un groupe porteur de la personnalité créatrice et des convictions de FHL. Reformer Pigalle, c’est histoire pour lui de se sentir moins seul, de rejouer ses morceaux avec les potes, de profiter de la notoriété du groupe pour mieux exister. S’il y a ici supercherie, elle est tout à fait légitime. L’âme, la plume, la voix, les couleurs musicales de Pigalle, c’est FHL. Et FHL a continué, en quelque sorte, à faire du Pigalle.

Sur scène, le bougre n’hésitera pas à puiser dans le répertoire de chacune de ses aventures. Ce sera l’occasion de (re-)découvrir une multitude de perles d’une force poético-réaliste, sombre et mélancolique inégalée dans le paysage francophone. Histoire de se rappeler qu’on a affaire à une personnalité rare, tranchante et généreuse.

Guillaume Duthoit

* Mots de gorge est un recueil rassemblant les 78 textes écrits par FHL interprétés avec Pigalle ou sous son patronyme jusqu’à l’album « Et si que…? » (Éditions Christian Pirot, 2002).

À écouter d’urgence :

Discographie

Pigalle

Les Garçons Bouchers

Los Carayos

François Hadji-Lazaro

 

Filmographie choisie

  • DELLAMORTE DELLAMORE - VD1269
    VO IT st.FR. Durée :105'.
    DVD, en AN, FR, st. FR.
    STUDIO CANAL DVD, 1994, Italie, France, Allemagne.
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  • LA CITÉ DES ENFANTS PERDUS - VC4211
    VO FR. Durée : 90'.
    DVD, en FR, st. FM.
    STUDIO CANAL DVD, 1994, France.
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  • LE PACTE DES LOUPS (+ BONUS) - VP0154
    VO FR. Durée :145'.
    DVD, en FR, st. FM.
    STUDIO CANAL DVD, 2001, France.
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  • NHA FALA - VN2800
    VO PO st.FR. Durée :110'.
    DVD, en PO, st. FR, AN, ES, IT, PO.
    DORIANE FILMS, 2002, Portugal, France, Luxembourg.
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