BERT JANSCH EST DE RETOUR

Extrait musical : Magadalina's dance

The Black Swan, le nouvel album de Bert Jansch, vient de voir le jour. Il était discret ces derniers temps mais tournait en Angleterre notamment avec un autre guitariste de légende : Davey Graham. Puis un sérieux problème cardiaque lui a imposé opération et convalescence. Quelle excellente surprise, dès lors, d’entendre encore cette voix inchangée, ce touché de guitares incomparable et cette éternelle passion pour un répertoire teinté de blues, gorgé de ballades et de chansons personnelles souvent subtiles. Jansch a repris ses six cordes, son banjo, il a laissé repartir la machine qui n’était pas grippée et sa voix a retrouvé automatiquement ses marques sur des chansons acoustiques qui lui ressemblent autant que l’ensemble de sa carrière.
C’est dans les années 60 que ce natif de Glasgow a commencé à attirer le regard des autres. À Londres, autour de lui, évoluèrent Paul Simon, Martin Carthy, Anne Briggs, Davey Graham et Donovan. Tous béats d’admiration devant la technique instrumentale de Jansch, mais lui apportant chacun quelque chose également, qui sa connaissance des ballades, qui sa façon de concevoir ses propres accompagnements à la guitare.

« C’était mon préféré » dit Donovan. C’est que ce guitariste chanteur, cheveu noir, regard timide et faciès mélancolique, allait, mine de rien, devenir un héros des milieux folk, rock et blues. Neil Young, très impressionné, dira de lui qu’il est à la guitare acoustique ce que Hendrix est à la guitare électrique. Mais au-delà du jeu, les compositions de notre homme firent très vite impression, notamment sa célèbre chanson Needle of Death, une des plus importantes contributions au réservoir de textes et autres chansons sur la drogue. Il influence nettement des grands noms comme Neil Young déjà cité ou Led Zeppelin qui reprendra son Blackwaterside sous le titre de Black Mountain side.
Bert Jansch va laisser des traces dans les œuvres de Paul Simon, Sandy Denny, Nick Drake, Donovan, Pete Townshend... et aujourd’hui Beth Orton et Devendra Banhart qui collaborent au dernier album.
Entre 1968 et 1973, il fonde le groupe Pentangle avec son comparse John Renbourn avec lequel il a commis un disque instrumental à deux guitares, autre référence légendaire. Deux voix étonnantes, deux jeux de guitares très ouverts, d’autres instruments adroitement glissés ici ou là et les deux hommes partent dans une démarche rare où le jazz n’est jamais loin des frontières du folk et des traditions. Et ce grâce à la rythmique assurée par l’irremplaçable Dany Thompson à la contrebasse (un homme qui a joué avec le monde entier) et le percussionniste Terry Cox. Enfin, il ne faut pas oublier la petite note à la fois fragile et originale de ce groupe en la personne de Jacqui McShee, une voix qui contrebalance parfaitement celles de Jansch et de Renbourn. L’aventure est courte mais a laissé quelques albums qui n’ont guère vieilli.
Puis Bert et sa guitare reprendront la route, à travers diverses expériences : le groupe Conundrum et différents duos ou trios. Il participera à une courte reformation de Pentangle dans les années 80 puis continuera discrètement son petit bonhomme de chemin, luttant contre quelques démons à l’aide de son blues très personnel.
L’album The Black Swan apparaît aujourd’hui comme une synthèse parfaite de cette carrière, bien plus qu’un résumé, un nouveau chapitre qui, à lui seul, devrait suffire pour découvrir et aimer un musicien. Mais il serait dommage d’en rester là et de ne pas retourner en arrière. Ce serait se priver des trésors de la Médiathèque qui n’a jamais fait que son boulot en amassant tranquillement et en conservant jalousement l’œuvre d’un excellent chanteur, guitariste, auteur, compositeur, interprète dont la place est au carrefour entre traditions, folk, blues, jazz et rock. Un homme qui a compris ce que la musique populaire du XXe siècle signifie et ce qu’elle véhicule d’essentiel.

Discographie conseillée :

- Bert Jansch. The Black Swan (Rough Trade SANCD430) - XJ242I
- Bert Jansch. It don’t bother me (Castle Communication CMRCD205) - XJ241A
- Bert Jansch. Rosemary lane (Castle Communication CMRCD335) - XJ241E
- Bert Jansch. Jack Orion (Castle Communication CMRCD304) - XJ241S
- Bert Jansch. Edge of a Dream (Sanctuary Records SANCD136) - XJ242H
- Bert Jansch. Bert Jansch / It Don’t Bother Me (Essentiel Records ESMCD407) - XJ241Z
- Bert Jansch & John Renbourn. Bert and John (Castle Communication CMRCD203) - XJ241C
- Bert Jansch. Conundrum / Thirteen Down (Kicking Mule KM3909) - XJ241L
- Pentangle. Basket of Light (Castle Communication CMRCD207) - XP261C
- Pentangle. Cruel Sister (Castle Communication CMRCD206) - XP261D
- Pentangle. Reflection (Castle Music 6711983020) - XP261E

Étienne Bours