Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Playlist

Sons d'hiver (14 janvier 2022)

Déhà - Ave Maria II.jpg
Nous poursuivons notre exploration de sorties musicales récentes, proposées principalement sur la plateforme Bandcamp, disponibles en numérique et sur différents supports. Un éventail ouvert à tous les goûts: Metal ténébreux, classique orientaliste, ambient, rencontre entre la Chine et la Finlande, musique électronique ou compilation pop francophone, lancez-vous !

Sommaire

Stéphane Clor - Wesserling

Le nom du label bruxellois (Huis ou « maison » en néerlandais), son logo, ses pochettes nous mettent la puce à l’oreille quant au projet de celui qui l’a pensé (Christophe Albertijn, ingénieur du son et ex-sonorisateur des concerts, enregistrements et résidences des mythiques Ateliers Claus de Saint-Gilles) : enregistrer une série de musiciens (Thomas Olbrechts, saxophoniste de Dry Speed, Erik Heestermans, batteur des Stervende Honden, le guitariste portugais Manuel Mota, etc. ) et musiciennes (la harpiste Vera Cavalin ou la violoniste Elisabeth Klinck) in situ dans des bâtiments à l’architecture et aux qualités sonores remarquables. Pour cette septième sortie (numérique uniquement) de Huis, Christophe Albertijn a accompagné le violoncelliste, dompteur de cordes et artiste sonore français Stéphane Clor dans un château d’eau près de Mulhouse. Au sein de cet imposant cylindre de béton de 52 mètres de haut, uniquement occupé par un escalier métallique en colimaçon, les deux hommes ont enregistré en une matinée, d’une traite – et, comme convenu entre eux, sans s’échanger le moindre mot – une impressionnante session de musique instrumentale, mystérieuse et enveloppante, entre nappes de son, cordes frappées et mises en vibration. À ranger (ou pas) aux côtés des enregistrements de John Butcher dans un ancien réservoir à essence en Ecosse et ceux de Thomas Bonvalet / L’Ocelle mare dans les tunnels ferroviaires de la petite ceinture à Paris. [PD]

ALLOPOPP, coucou

Si vous frétillez à l’idée d’explorer l’underground musical francophone, je ne saurais trop vous conseiller la bien nommée La Souterraine.

STRN.jpg

Crédits : souterraine.biz

Laurent Bajon et Benjamin Caschera, les fondateurs de la structure, dénichent ce qui se fait de mieux dans les marges de la scène pop francophone (de France, Belgique, Suisse, …). Ils compilent leurs découvertes et les proposent en ligne à prix libre. L’enthousiasme n’a pas faibli depuis la publication du premier volume en 2014. Aux compils se sont ajoutés des albums, mixtapes, reprises (hommage à Léo Ferré ou Mathieu Boogaerts). Et aujourd’hui, se sont des centaines d’artistes et de chansons qui sont à découvrir.

Dernière compilation en date, ALLOPOPP, coucou vous invite à découvrir Neniu, Alligator, Diane, L’Indomptable et bien d’autres illustres artistes méconnus. Parmi lesquels les belges de LEM, il faut quand même le souligner car notre plat pays ne manque pas non plus de souterrains à explorer. (GB)

Déhà – Ave Maria II

Le Metal peut-il se fendre, et révéler le fruit de nos entailles ? Le Metal peut-il se fondre pour liquéfier nos douleurs et les remodeler en une sculpture mariale ? Au cœur des ténèbres actuelles, Déhà émerge avec une supplication, un cri.

J’avoue que le Metal m’a déjà donné de la rage, de la haine, de la force, de l’énergie mais jamais autant de douleur et de désarroi.

Le montois Déhà (Olmo Lipani) avait déjà salué Marie dans un premier Ave Maria délivré en 2010 sous le nom d’Yhdral. S’il y donne suite fin 2021, c’est pour nous plonger à nouveau dans les profondeurs de l’angoisse, avec davantage d’émotions et d’intensité.

On est déjà au centre de la terre quand débute ce long morceau de presque 43 minutes. Déhà nous cuit au bain-marie dans la lave musicale épaisse des guitares saturées, des sonorités lourdes et des chuchotements menaçants. S’élève alors la voix de l’ange : la soprano Madicken de Vries improvise une mélodie en arrière-plan sur un fondement en Sol mineur, sa voix cristalline lui permettant d’atteindre le La 5 en total contraste avec la pesanteur ambiante.

Ce sont anges et démons qui se côtoient, ceux qui scintillent et ceux qui hurlent. Avant la onzième minute, un chœur entonne l’Ave Maria en latin, moment de grâce que réfute un chapelet de cris de souffrance. Et de vagues de désespérances en sursaut d’apaisement, cette supplique à Marie se fond dans l’appréhension de l’effondrement de notre monde. Comment n'a-t-elle pas empêché une telle chute, à l’heure de notre mort … ? (DMo)

Barbora Xu - Olin Ennen

Jussi Vierimaa.jpg

Crédits: Jussi Vierimaa - https://barboraxu.com/gallery

Née en Tchéquie, Barbora Xu est passionnée par la langue et la culture chinoises. Elle a appris à jouer la cithare guzheng à Taïwan et a étudié à Turku, en Finlande, où elle s’est intéressée au kantele, la cithare locale, et aux poèmes runiques. Sur son album Olin Ennen, elle combine ces traditions, jouant différentes cithares (le guzheng et le kantele, mais aussi le guqin chinois) et explorant leurs sonorités. Elle chante en chinois et finlandais, reprenant des poèmes anciens, notamment de la dynastie Song (960-1279) ou du runolaulu (chansons et ballades traditionnelles finnoises). Ses morceaux sont inspirés par la nature mais elle explore également le symbolisme commun des deux pays. Un album lumineux et mélancolique à la fois. (ASDS)

Richard Dawson & Circle – Henki

Une rencontre inattendue qui se révèle au final presque logique, presque inévitable.
Et pourtant rien ne laissait présager cette collaboration entre Richard Dawson, autoproclamé troubadour contemporain et le groupe finlandais, inclassable entre un heavy métal ambitieux, un prog-rock bricolé et un plusieurs micro-genres éphémères. C’est l’occasion pour les deux de déborder de leur zone de confort (déjà toute relative) et d’explorer une synthèse étrange entre les textes du premier et la musique des seconds. Mené depuis 1991 par le compositeur, chanteur et bassiste Jussi Lehtisalo, le groupe a déjà derrière lui une quarantaine d’albums, de styles souvent très différents, en pleine évolution : hard-rock en legging spandex un jour, krautrock en hommage à Faust un autre, et une série de groupes parallèles, déclinant eux-aussi des genres divers, du stoner rock de Pharoah Overlord à l’électronique d’Ektroverde. Tout aussi aventureux, Richard Dawson déconstruit le blues sur sa guitare tout en intégrant des références musicales inhabituelles et surtout y ajoute des textes traitant de la misère sociale de l’Angleterre contemporaine, de la souffrance et de la mort, qu’il plaque sur sa musique avec un mépris de la métrique et du langage poétique de commande qui rappelle (de loin) les chansons de Jacques Demy et Michel Legrand. On y parle de chômage et de burn-out sur un air enjoué, et on y chante l’anxiété et le chagrin en falsetto. (BD)

SKy H1 – Azure

Si la musicienne bruxelloise SKY H1 a déjà produit deux EP depuis 2015, c’est ici son premier album complet, paru sur le label londonien AD93. Avec ces neuf titres, elle explore des climats rétro-futuristes, inspirés par « la musique électronique du début du millénaire », voire de la décennie précédente, reliftant techno, drum’n bass et dubstep tout en en explorant les sonorités particulières. Elle a pour ce faire basé une grande partie de sa palette sonore sur le synthétiseur Access Virus, une machine vintage dont les premiers modèles sont sortis en 1997, et qui a marqué la musique de son temps, de Depeche Mode à Hans Zimmer, et de Céline Dion à Nine Inch Nails. Tout en poursuivant les avancées modernistes de ses précédentes compositions, cet élément nostalgique plonge tout l’album dans une atmosphère mélancolique profondément immersive. Les tonalités ambient, lumineuses et glacées, du début évoluent progressivement vers des touches plus enlevées pour culminer dans la jungle de « Elysian Heights » et la techno-dub de « Freefall » pour se rasséréner avec le continuo organique final de « Bird Strike ». Azure est pour SKY H1 à la fois un exercice de style très référencé et un album profondément personnel, qu’elle a dédié à la mémoire de sa mère. (BD)

La chanson du vent

En cette fin d’année 2021, le label belge Cyprès édite le premier enregistrement de la mezzo-soprano bruxelloise Clotilde Van Dieren, accompagnée par la pianiste japonaise Katsura Mizumoto, dans un programme autour d’Adolphe Biarent (1871-1916). Compositeur, violoncelliste et chef d’orchestre né à Frasnes-lez-Gosselies dans le Hainaut, il joua un rôle très actif dans la ville de Charleroi en dirigeant le Conservatoire de la ville et en le dotant d’un orchestre symphonique qu’il conduira lui-même. Auteur de nombreuses partitions orchestrales, composées pour l’orchestre de la ville, il coucha aussi sur le papier quelques pièces de musique de chambre ainsi que les Huit mélodies gravées sur ce disque. Dans ce cycle inspiré par les textes de poètes symbolistes et folkloristes (Maurice Maeterlinck, Pierre Quillard, Jean Lahor, Paul Fort, Hélène Vacaresco, Paul Verlaine), chaque pièce offre son atmosphère personnelle. Autour de Biarent, d’autres œuvres inspirées par le même courant orientaliste, en pleine vogue au XIXème siècle : La Captive de Berlioz, rare et pourtant si envoûtante, Chanson mauresque de Salvador Daniel, reprise par Biarent dans ses Contes d’Orient, Medjé de Charles Gounod, et d’autres pépites de Saint-Saëns, Chausson, Fourdrain et Bizet. Outre l’originalité du répertoire, c’est la minutie et la finesse de l’interprétation qui retiendra le mélomane. La chaleur de la voix de Clotilde Van Dieren, la justesse de ton, la diction claire et la souplesse de ses arabesques sont ses premiers atouts pour aborder ces pièces aux accents arabisants. C’est au cours de ces longs mois de confinements qu’elle a croisé la route de Katsura Mizumoto, en résidence à la Chapelle Reine Elisabeth et que leur collaboration a débuté. Le jeu de la pianiste vient renforcer la voix avec nuance et raffinement. On se prend à regretter qu’une œuvre pour piano seul ne se soit pas glissée dans le programme ! Deux musiciennes à suivre, assurément ! (NR)

Pak Yan Lau & Mette Rasmussen - Traditional Noise

Le label de Milan Holidays sort en vinyle enchâssé dans une très belle pochette dessinée par la saxophoniste Virginia Genta les enregistrements de la rencontre (dans la toute petite salle de l’Ancienne Belgique en guise de prise de contact puis au Sound-in-Motion studios à Anvers pour la prise de son proprement dite) entre la pianiste, échantillonneuse et manipulatrice d’électronique bruxelloise Pak Yan Lau et la saxophoniste danoise Mette Rasmussen (qu’on a pu voir jouer ponctuellement aux cotés des Liégeois de Cocaine Piss). Pour cette session, leur musique de l’instant ne se laisse jamais enfermer dans une seule case. Parfois sauvage, très haut dans les aigus, à la limite du larsen… et en même temps délicate et subtile, avec un vrai sens du détail, elle combine à la fois des effets de sons qui se posent dans une durée et d’autres de l’ordre de la ponctuation, sans que ces deux registres ne soient réservés à l’une ou l’autre musicienne ou à l’un ou l’autre instrument. Libre. [PD]

Radio Hito – Voce Lillà

Après un premier album sorti en cassette en 2020 chez Midi Fish, le label de TG Gondard, Radio Hito publie ici chez Kraak une nouvelle cassette, basée sur son concert au festival online Musa Ullakola. On y retrouve Y.-My Nguyen dans des versions dépouillées d’anciennes et de nouvelles chansons. Les trois chansons déjà parues, Une Pausa, Sempre Due et La notte sont basées sur des textes Octavio Paz, traduits en italien par Ernesto Franco. Les autres sont adaptés de la poétesse argentine Alejandra Pizarnik, elle aussi traduite en italien. La langue italienne est un des fils conducteurs de l’univers de Radio Hito, qui la chante sur des nappes minimalistes de claviers acoustiques et électroniques. Une chanson en français s’est toutefois glissée dans la playlist, on y trouve ainsi une reprise de Pour ne pas dormir, un morceau tirée de l’album Chansons pour … d’Anne Sylvestre. Un jalon de plus dans un univers complexe et chatoyant, associant la voix des autres, la sienne et un paysage sonore sobre et enivrant à la fois. (BD)

Jolis choses - compilation hommage à Mami Chan

La musicienne Mami Chan est morte beaucoup trop jeune, à l’âge de 56 ans, le 12 février 2020 à Caen. Elle était née Mami Sato à Tokyo le 11 juillet 1963, avait quitté le Japon pour le Royaume-Uni en 1992 pour finalement très vite s’installer en France (à Paris puis en Normandie… « près des ânes » !) pour ne jamais quitter son pays d’accueil, y irradiant de sa personnalité généreuse une scène qu’elle qualifiait d’ « underground joyeux ». Au-delà de ses propres projets (solo, avec le Mami Chan Band, Juicy Panic et Carton Park), on l’a beaucoup vue et entendue aux côtés du duo de chansons pour enfants Dragibus et de Fred Poulet, ponctuellement avec Philippe Katerine. Le 11 juillet dernier, pour son anniversaire, le label rennais In-Poly-sons et les amis et amies de sa famille musicale sortaient Jolis choses (la faute d’accord est assumée), un très beau LP de quinze titres et de trois cartes postales. Dans la lignée de ce qu’elle appréciait particulièrement en musique, entre chanson et douces expérimentations, s’y côtoient à la fois des inédits de Mami Chan elle-même et des morceaux de Dragibus, Gangpol & Mit, Haco, Christophe Petchanatz (Klimperei) ou de la bruxelloise Madame Patate, etc. Un très bel hommage, très sincère, pas racoleur pour un sou. [PD]

Speaking Rzewski - Pieces For Speaking Pianist by Stephane Ginsburgh

Le label Sub Rosa propose un album consacré au compositeur américano-liégeois Frederic Rzewski, disparu en juin 2021. Élève, entre autres de Milton Babbitt et de Luigi Dallapicolla, il a été l’ami et l’interprète de Christian Wolff, de David Behrman et de Karlheinz Stockhausen, notamment, ainsi que de John Cage et David Tudor. Il a fondé en 1966, à Rome, l’ensemble de musique électronique improvisée Musica Elettronica Viva avec Alvin Curran et Richard Teitelbaum. Il a également été professeur dans de nombreuses universités et académie à travers le monde. Son engagement politique, visible dans sa pièce la plus connue « The people united will never be defeated », lui attirant des problèmes, il a quitté définitivement les États-Unis en 1976 pour vivre entre Rome et Bruxelles. Il a énormément expérimenté avec des formes qui utilisent le langage comme élément structurel, comme dans les pièces rassemblées dans cette anthologie. Interprétées par le pianiste bruxellois Stephane Ginsburgh qui a été son élève et ami, ces compositions (qui lui sont dédiées, à l’exception de la première) ont pour point commun d’associer piano et voix, et de comporter des passages chantés, récités et joués, voire criés ou aboyés. « De profondis », la première pièce, est basée sur le texte d’Oscar Wilde, transformé ici en « oratorio mélodramatique », « America ; a poem » est basé sur le poème d’Allen Ginsberg tandis que les cinq dernières sont tirées comme leur nom (« Dear Diary ») l’indique, du journal du compositeur. (BD)

Mendelson - Le dernier album

Pascal Bouaziz a donc décidé de débrancher Mendelson, le groupe qu'il avait fondé au mitan des années 1990 en compagnie du musicien Olivier Féjoz. Le dernier album parle de ça, de la fin d'un groupe qui aura existé durant une vingtaine d'années et sorti sept albums qui auront indéniablement comblé un vide dans le petit monde de la chanson française. Cette façon très singulière avec laquelle Pascal Bouaziz a su réinventer une forme de phrasé du langage n'a que très peu d'équivalent. Il serait presque un peu vain de vouloir à tout prix lier Mendelson à une quelconque influence ou de les rattacher à une scène musicale existante ou ayant existé. Tout juste serais-je tenté de tendre un fil ténu entre les compositions de Mendelson et des chansons atypiques comme Il n'y a plus rien et Métamec de Léo Ferré. Le reste se passe dans le présent de ces nouvelles chansons aussi sublimes que rares avec en point d'orgue deux morceaux fleuves : La dernière chanson, sorte de lettre un rien testamentaire écrite à tous ceux et celles qui ont un jour croisé la route Mendelson et puis le titre "Algérie", estocade bouleversante à travers laquelle Pascal Bouaziz parvient à mêler un propos très politique tout en le liant avec le discours intime d'une profonde nostalgie inavouable, troublante et quelque peu provocante. Un dernier album à écouter en attendant l'effondrement à moins qu'un tel disque y participe d'une certaine façon comme pour mieux repartir vers l'inconnu. (DMe)

Une sélection de Geoffrey Briquet, Philippe Delvosalle, Anne-Sophie De Sutter, Benoit Deuxant, David Mennessier, Daniel Mousquet et Nathalie Ronvaux.

Illustration de bannière : Couverture de l'album de Déhà - Ave Maria II (Naturmacht.com)

En lien