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Playlist

Sons d’automne (5 novembre 2021)

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Seconde sélection de musiques récentes essentiellement proposées sur la plateforme Bandcamp et disponibles en numérique et sur différents supports : jeune bassiste bruxello-liégeoise conquérant le monde de l'improvisation, hip hop flamand, tango Made in Belgium, musique percussive pour film culte, chansons japonaises des années 1920-1930, spiritualité hindoue à Los Angeles, etc.

Sommaire

Et en plus, le premier vendredi du mois (par exemple ce vendredi 5 novembre), c'est « Bandcamp Friday » sur la plateforme de vente de musique en ligne, qui ce jour-là ne prend pas sa marge habituelle et verse 100% des sommes dépensées aux artistes et labels.


Farida Amadou & Pavel Tchikov : Mal de terre

Jeune liégeoise établie peu de temps avant le premier confinement à Bruxelles, Farida Amadou réinvente les possibilités sonores de la basse électrique. Autodidacte, elle est aujourd’hui surtout active dans le champ de l’improvisation et ponctuellement du rock (bassiste avec Cocaïne Piss) mais dans le passé elle a aussi joué du jazz, du blues ou du hip-hop. Personnellement, je l’ai entendue pour la première fois en trio avec les saxophoniste Audrey Lauro et Hanne De Backer au Summer Bummer Festival à Anvers en août 2017. Et je n’étais pas le seul à la découvrir cet été-là, à ce moment précis de son développement musical : Steve Noble (grand nom des musiques improvisées, ex-batteur de Rip Rig + Panic et certainement plus de trente ans plus âgé que Farida Amadou – lui propose de lui rendre visite à Londres pour jouer avec lui. « Pourquoi Steve Noble contacte Farida aujourd’hui ? Ou pourquoi le saxophoniste suédois Martin Küchen contacte Hanne pour jouer avec elle au lendemain d’un concert à Malines ? Il n’y a pas de hasard. Mais c’est nouveau. La génération précédente de musiciens belges restait dans son coin. » (Christel Kumpen, organisatrice de concerts, interview par PointCulture en mai 2018). À Londres, Farida joue plusieurs soirs au mythique Cafe Oto – avec Steve Noble, avec Thurtson Moore de Sonic Youth, etc. À Bruxelles, chaque fois que je la vois en concert (en duo avec Audrey Lauro ou avec Julien Desprez ; au sein de Cocaïne Piss ou en solo), je suis très impressionné.

Jusqu’il y a peu, la musique de Farida Amadou se développait surtout en live, n’était que peu disponible en enregistrements, figée ou archivée sur un support. Mais cette réalité est en train de changer : la sortie d’un CD solo 00:29:10:02 en octobre 2020 ; la mise à disposition de trois des sets avec Steve Noble et des invités sur Takuroku le label numérique du Cafe Oto ; un beau LP en trio sur la structure berlinoise Pattern Dissection et la cassette Mal de terre sur le label Trouble in Mind de Chicago. Faisant référence à la sorte de nausée éprouvée lors du retour à terre après un long voyage en mer, ce duo avec le guitariste bruxellois Pavel Tchikov évoque aussi d’après ce dernier la mémoire nostalgique d’un pays abandonné, le « mal du pays » de deux musiciens belges ayant quitté leur lieu de naissance à l’enfance. Sur ce superbe album (également disponible en numérique, bien sûr), Amadou et Tchikov me donnent l’impression d’une grande complicité, trouvant pour chaque plage la distance juste, oscillant entre la quasi imbrication de leurs sons, des mouvements tectoniques où les nappes sonores de l’un glissent non sans frottements sur celles de l’autre et, plus à distance, des jeux de réponses, plus en points de suspension… Entre pulsations, orages magnétiques et accents percussifs, leur musique est particulièrement évocatrice d’atmosphères et de climats, oscillant entre des registres très terriens et d’autres beaucoup plus aériens. Une indéniable réussite. [PD]


Ben Bertrand : Dokkaebi

Pour son troisième album, le musicien et compositeur bruxellois Ben Bertrand élargit sa palette sonore avec l’aide de quelques collaborateurs. Certains invités sont des musiciens comme Christina Vantzou, Geoffrey Burton, Indré Jurgeleviciuté, Margaret Hermant & Neil Leiter (Echo Collective) et Otto Lindholm. D’autres sont des sources d’inspirations plus lointaines comme John Cage, invoqué sur « The Nixes of John Cage’s River » et Hildegard Von Bingen, chantée sur « O Ignee Spiritus ». Puisant tout autant dans cette large tradition classique que dans ses répercussions sur la musique électronique contemporaine, Ben Bertrand poursuit l’exploration des possibilités de son instrument, la clarinette basse, couplé avec une ligne complexe d’effets. Ses entrelacs, ainsi recontextualisés, évoquent autant l’univers de la série Made to Measure (crammed disc) que la scène ambient contemporaine. Profondément onirique et contemplative, c’est une musique qui réclame du temps et de l’espace, et semble pouvoir se développer à l’infini sans jamais se répéter. [BD]


Stikstof : Familie boven alles

Sur son quatrième album, Familie boven alles (La Famille avant tout), le groupe bruxellois néerlandophone Stikstof (azote) distille un rap sombre percutant et efficace. Les brusseleirs généreux (le disque dure 51 minutes et 11 secondes) célèbrent ici les vices et les vertus de leur ville sur quatorze tracks alternant boom-bap old school, (« Brak & Guy », « Familie Boven Alles »), instrumentaux électroniques et abstraits (« All Caps », « Zeg ze ») et beats aériens, enfumés et planants (« Driedubbeldik »). Le flow nerveux de Zwangere Guy (qui depuis leur dernier album Overlast est devenue une véritable star) et le grain de voix grave et rugueux de Jazz sont immédiatement reconnaissables. En dix années d’existence, Stikstof est parvenu à s’imposer dans le paysage du rap en Belgique mais a surtout réussi ce qui ce qui paraissait plus qu’improbable: Faire éclore une véritable scène hip-hop néerlandophone qui rassemble (à l’image des diables rouges) public francophone et flamand. [IK]


Voice of Baceprot : The Other Side of Metalism

Marsya, Widi et Sitti sont trois jeunes filles musulmanes indonésiennes portant le hijab, originaires de Singajaya à l’ouest de Java, la partie la plus conservative de l’île. Elles se sont rencontrées à l’école et ont créé un groupe… de trash metal, inspirées par Rage Against The Machine et Slipknot. Jusqu’à présent, elles ont sorti deux singles et un EP, The Other Side of Metalism mais leur musique et leur attitude a attiré l’attention internationale. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit apparaître un groupe de filles voilées qui jouent une musique rock agressive et qui défient les stéréotypes de genre et de religion. Il y a une certaine ressemblance avec l’histoire racontée dans l’excellente série anglaise We are Ladyparts.

Leurs chansons sont énergiques, combinant paroles en indonésien et anglais, et parlant de problèmes sociétaux, de tolérance religieuse et de changement climatique. Elles n’ont pas toujours été bien reçues par les conservateurs, mais leur audace étonne un public plus large. « School Revolution » date déjà de 2018 et est disponible sur Bandcamp. Pour leur EP, il faudra s’abonner à d’autres plateformes mais il existe quelques clips. Elles espèrent bientôt enregistrer un album complet et proposent entre-temps pas mal de reprises de leurs groupes fétiches.

Un conseil : allez les voir en concert, au Botanique, le 2 décembre ! [ASDS]


Sonico : The Edge of Tango

C’est en 2015 à Bruxelles que se forme Sonico, avec des musiciens originaires de Belgique, Chili, Mexique, Argentine, France, États-Unis et Espagne. Pour ce troisième album, l’ensemble s’est tourné vers le répertoire de deux octuors mythiques qui ont marqué la naissance du « nuevo tango »: celui d’Astor Piazzolla (l’Octeto Buenos Aires) et celui d’Eduardo Rovira (l’Octeto La Plata). Malgré ce rôle conjoint de précurseur, ce dernier semblait totalement – et injustement ! - tombé dans l’oubli… avant la sortie de cet enregistrement. Grâce à l’ensemble Sonico, on peut désormais se faire une idée plus complète des premiers pas du tango moderne. L’album rassemble des pièces écrites par Piazzolla et Rovira, mais aussi par d’autres musiciens qui ont joué un rôle actif dans la constitution et l’évolution du genre comme Rosendo Mendizábal (ses origines africaines), Julio De Caro (figure centrale de la Guardia nueva), José Pascual et Horacio Malvicino, (musiciens de l’octuor de Piazzolla), etc. Sonico a également sélectionné certaines partitions qui s’écartent un peu de l’univers du tango proprement dit, comme Serial Dodecafónico d’Eduardo Rovira. À la fois en marge et au cœur du genre, cet album démontre avec brio que le tango a pu, tout au long de son histoire se renouveler avec bonheur. [NR]


Fernand Schirren : Dimanche

Lorsqu’il compose Dimanche, Fernand Schirren (1920-2001) signe une œuvre avant-gardiste destinée à accompagner l’essai documentaire éponyme (et non moins avant-gardiste) d’Edmond Bernhard. À l’origine, il s’agit d’une commande du département cinéma du Ministère de l’Éducation nationale et de la culture pour traiter « le problème des loisirs ». En détournant l’objet de la commande et en radicalisant le point de vue, sans aucun commentaire, montrant des rues désertes ou des lieux vides, un stand de tir (le tireur tue-t-il le temps ?) ou la relève de la garde (un « événement » devant un palais royal comme abandonné !), le cinéaste évoque la vacuité et l’ennui d’une ville, Bruxelles. Ces impressions d’un dimanche comme tout autre et ce vide sont accentués par la musique de Fernand Schirren, auquel Edmond Bernhard avait demandé de ne pas « commenter » l’action mais de créer une atmosphère.

L’œuvre musicale consiste en une masse sonore faite de frottements de corps métalliques, un vrombissement inquiétant presque omniprésent, tandis qu’éclatent çà et là des percussions (cymbales de toutes tailles ou métallophone), aux tintements parfois criards, entrant en résonance les unes avec les autres. Une musique épurée, à l’image de la photographie du film, d’où se dégage la sensation d’un monde étrange, comme suspendu, à la fois terrible (les frappes des percussions apparaissent comme des coups de semonce) et somnolent.

L’édition limitée de Futura Resistenza comprend, en plus de Dimanche, trois autres compositions de Fernand Schirren pour les films Masques (1959) de Jean-Marie Buchet et Marc Lobet, et Cartoon Circus (1972) de Benoît Lamy et Picha. [MR]


compilation Longing for the Shadow : Ryūkōka Recordings, 1921​-​1939

Le label londonien Death is not the end propose depuis quelques années des albums de musique très diverse, ancienne, souvent oubliée. Les premiers disques étaient consacrés aux traditions du blues, du gospel et du folk nord-américain mais depuis le spectre s’est élargi au monde entier, de la Grèce au Cambodge, du Chili au Pakistan. Les formats d’éditions sont divers et varient selon l’album, du LP à la cassette, en passant par le cd.

Longing for the Shadow : Ryūkōka Recordings, 1921​-​1939 nous emmène au Japon, à la découverte d’une musique oubliée, le ryūkōka, enregistré à l’époque en 78 tours. Fortement influencée par les productions occidentales, ces chansons s’inspirent du blues, du jazz et des musiques classiques. En même temps, elles ont des sonorités très japonaises, influencées par le choix de la gamme pentatonique et du mode mineur ou par l’utilisation d’instruments traditionnels. Il y a parfois des ressemblances avec le rébétiko grec dans les accompagnements – même s’il s’agit sans doute d’une coïncidence – , comme dans « Tokyo Daughter » d’Ichiro Fujiyama. Celui-ci est d’ailleurs une des premières vedettes du Japon, avec ses chansons composées par Masao Koga. D’autres artistes sont des geishas comme Kouta Katsutaro et Ichimaru. Ces chansons ont une saveur assez particulière, des sonorités reconnaissables et en même temps tout à fait étranges. Il y a du mélodrame et une certaine grandiloquence mais aussi une grande délicatesse et élégance dans les musiques. Il est juste dommage que le label ne mentionne pas les sources des 78 tours ni les titres en version originale. [ASDS]


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Juan d'Oultremont : Avant l’incident

J’ai toujours trouvé que Juan d’Oultremont était « à côté ». À côté des normes, au-delà des certitudes, décalé, détaché mais attachant, ni dieu vocal, ni maître de son imagination, d’une voix proche et bienveillante, et loin de tout, comme un distrait des choses « importantes » .

Son quatrième album, sorti ce 22 octobre, rassemble le gratin du label Freaksville, Benjamin Schoos, Rudy Léonet, Charlotte Dekoker, Sophie Galet, Jacques Duvall, etc. Il commence fort : sur un rythme brut, âpre, couvert de distorsions, d’un accord de guitare à la Shadows, enjolivé d’une légère ritournelle au synthé, « Otages » oppose la marche du monde et de ses catastrophes à la réalité de notre quotidien. On pense à Lanzman et Dutronc (« Et moi, et moi, et moi ») mais c’est plutôt du côté de Serge Gainsbourg ou de Jacques Higelin qu’il faudrait regarder : Juan joue avec les mots (« Lâcheurs de poules, lanceurs d’alertes »), multiplie les allitérations (« le cerveau gelé exige un épandage ») et juxtapose les images sonores (« Coude-à-coude, bord à bord, cap à l’Est »). Loin de tout cynisme, « Otages » ressemble plus à un inventaire lucide mais gentil. L’info est toujours terrible mais la vie continue… Plus apaisé, « Je pense donc je fuis » recense tout ce qu’il fuit, avec des couplets un rien sérieux que dément le refrain. « C’est la révolution » croque l’amant qui se dérobe – Autodérision ou lâcheté assumée ?

Avant l’incident entrelace des titres électro-pop (« Je te suis », « Poplist », « Avant l’incident »), des morceaux plus posés (« Invisible », « Ma fiancée », « Melbourne et oublie-moi » dont la fin est assez surprenante) et un morceau d’un cadence désuète et délicieuse (« Parle à ma part animale »). D’une voix plus douce qu’aigre, Juan d’Oultremont catapulte sa poésie et ses idées-mots. Et c’est là le vrai ciment de l’album. On le reçoit au cœur, ou juste « à côté » ! [DM]

Toi dont le sexe se lit en braille, un doigt d’ivoire (un droit d’y voir) sur la défense — « Parle à ma part animale »


Bruno Uyttersprot : projets Factheory et Le Brune

Au départ, Factheory ressemble à une espèce de groupe formé de vieux briscards de « l’alternatif » plus ou moins underground, qui décide de prendre à bras le corps cette nostalgie presque obsédante pour les eighties musicales sur le versant new wave couleur synthétique & anthracite, à un âge où bien trop de musiciens optent pour la préretraite culturelle anticipée en mode cover band.

Esthétique à la Peter Saville avec des noir et blanc expressifs et son lettrage « industriel », un nom qui renvoie instantanément au mythique label de Manchester Factory, connu à la fois pour ses signatures musicales (Joy Division, New Order, Happy Mondays, Durutti Column, A Certain Ratio, etc. ) et ses visuels/designs identifiables entre tous, Factheory, avec un line-up stabilisé et ses déjà cinq années d’existence ; pratique simplement une musique aussi fidèle que possible de celle qui s’offrit comme une révélation pour ses protagonistes.

Naviguant entre anglais et français, riches de textures synthétiques et de basses entêtées, le quatuor est déjà responsable de trois EP : Week-end au Black Studio (2018), Stockholm (2019) et le tout chaud 3S and 1D en octobre 2021.

À son écoute, il y a comme un parfum du Marc Seberg et sa poésie electro-romantique des années 1980 qui s’échappe de cet EP, heureusement sans naphtaline ni agent d’ambiance ajouté… Et avec le titre Désormais, le quatuor tente la greffe dub sur pop mancunienne millésimée 1979 et s’en tire plutôt bien.

3S and 1D va bénéficier d’une sortie vinyle début de l’année prochaine (le 5 janvier 2022, si le marché le veut bien) et le groupe sera sur les routes à partir du 15 janvier 2022 à Seneffe, pour ensuite gagner Liège, Bruxelles, Genval, Tournai…

Par ailleurs, le chanteur et guitariste de Factehory Bruno Uyttersprot, s’offre une escapade chantée sous le nom de Le Brune, en concert le 23 décembre 2021 au Rock Classic de Bruxelles. Si vous cherchiez un ultime concert pour terminer cette (morne) année culturelle 2021… [YH]


Hun Hun : Hun Hun

Hun Hun est le projet musical d’une fratrie bruxelloise – celle des frères Jimmy et Noé Moens, qui ne propose rien de moins que d’écrire des mini odyssées instrumentales électroniques mâtinées d’inspiration orientale sur le versant anatolien ! De par la répétitivité de ses motifs sonores en sarabandes tourbillonnantes incrustés de samples tirés d’improbables séries B filmiques turques, Hun Hun en appelle au souvenir de cette scène rock née en Turquie à la charnière des années 1960-1970 et qui, avec des figures de proue telles qu’Erkin Koray ou Mongollar, infusaient l’énergie « occidentale » du pop-rock dans le vaste corpus local des « musiques traditionnelles ». Sauf qu’ici, peu ou pas de mélodies chantées mais des mélopées synthétiques catchy et entêtantes, qui invitent à se laisser aller à des circonvolutions hallucinées de Derviches tourneurs païens sur la piste de danse (ou au salon), ou au décollage immédiat pour des expéditions stellaires fofolles depuis la base de (?) « Cap Anatolia ». Avec ou sans moustache !

Un premier album de 13 titres devrait voir le jour début 2022 (date à confirmer) sur le label américain, Lurid Music, basé à Washington. [YH]


Cédric Fermont : Détails

On ne compte plus les alias de Cédric Fermont et les variations sur son prénom (C-drik, Kirdec, Q-drik, J-drik, etc.). Pour ce nouvel album il revient à son nom d’origine et propose un disque qui renverse ses méthodes de travail habituelles. Bien qu’il utilise à travers ses différents projets des sons de diverses natures, la majorité de ses textures sont généralement électroniques, avec l’adjonction de quelques touches acoustiques, instrumentales ou provenant de field-recordings. Il rassemble ici pour la première fois des pièces dont le cœur est un son acoustique, produit soit par un objet (verre à vin, roue de vélo, pièce de métal) soit par un instrument (gong, cithare, erhu, etc.). A l’exception d’un seul morceau réalisé avec le synthétiseur modulaire Serge du studio EMS de Stockholm, toutes les pièces mettent ainsi en avant un ou plusieurs timbres particuliers par morceau, se développant en lentes variations, en explorations exhaustives. Le territoire musical est ici plus proche de l’électro-acoustique ou de la musique concrète qu’à l’accoutumée et les pièces évitent habilement l’écueil du simple catalogue de sons par une composition rigoureuse. [BD]


Feral Cities : Arcs & Layers

Feral Cities est un des nombreux alias du musicien John Sellekaers, également actif sous le nom de Night Sky Pulse, Xingu Hill, Meeple, Concrete Garden et de nombreux autres projets, seul ou accompagné. Si ce pseudonyme évoque des villes envahies par la faune et retournée à l’état de nature, ou encore les cités ingouvernables, anarchiques et violentes, décrites par l’auteur Richard Norton dans le livre du même titre, l’ambiance ici est tout autre. Loin de la noirceur traditionnellement associée (à tort ou à raison) aux environnements urbains, les pièces de cet album sont lumineuses, aériennes, oxygénées jusqu’à l’hyperventilation. A l’image de la pochette, on les imagine comme la bande-son d’une escapade nordique, un trek dans les montagnes et les fjords. On y flotte, un peu étourdi par l’altitude, après l’ascension houleuse de la première plage. On y contemple seul, à la Caspar David Friedrich, le soleil au-dessus des nuages et l’horizon glacé. [BD]


Vanishing Twin : Ookii Gekkou

Avec ce nouvel album le collectif Vanishing Twin poursuit explicitement son entreprise multi-référentielle. La communication autour de troisième disque cite abondamment ses sources d’inspiration : depuis Piero Umiliani jusqu’à l’Art Ensemble of Chicago en passant par ELO, et une bonne dizaine d’autres. Le son du groupe et sa démarche évoque Stéréolab (ce qui n’est sans doute pas un hasard, sachant que Laetitia Sadier a participé à l’enregistrement), Laika ou encore Broadcast. Le même principe est ici appliqué de superposer des éléments hétérogènes, parfois discrets, parfois volontairement reconnaissables pour obtenir un objet sonore qui dépasse la somme de ses composants. Consciemment rétro-futuriste, le groupe se tourne vers ces références hétéroclites pour réaliser une musique très actuelle, dont l’avant-gardisme est amorti par la parenté avec des ancêtres familiers. Le point le plus important est que le groupe (un noyau central formé de la vocaliste et multi-instrumentiste Cathy Lucas, du bassiste Susumu Mukai, de la batteuse Valentina Magaletti – du duo Tomaga – et de Phil MFU, une autre connexion avec Broadcast) et ses collaborateurs ont réussi à faire de toutes ces influences une réelle force créatrice et non un simple clin d’œil aux collectionneurs. Ookii Gekkou (grand clair de lune en japonais) est un album foisonnant et inventif comme les meilleurs disques d’exotica ou d’avant-garde qu’il évoque. [BD]


Alice Coltrane : Kirtan : Turiya Sings

Suite au décès de son mari John Coltrane en 1967, Alice Coltrane accélère sa conversion à l'hindouisme et prend le nom de Swamini Turiyasangitananda, expression sanskrite qui se traduit par « La félicité de la plus haute chanson de Dieu ». A la harpe, elle conduira quelques ensembles fameux mêlant jazz modal et musique indienne. Endeuillée une seconde fois au début des années 80 par la disparition tragique de son troisième fils, John Jr., elle se retire définitivement de la scène et ouvre son propre ashram Sai Anantam à Agoura Hills (près de Los Angeles). En 1981, elle enregistre ses neuf premiers chants de dévotion et les publie de manière confidentielle sur cassette audio afin de servir les étudiants de son ashram qui suivaient son enseignement. Elle y abandonne sa harpe pour l'orgue Wurlitzer produisant nappes méditatives en support de chants dévotionnels en l'honneur des dieux hindous. Les neuf chants sont réunis sur ce CD publié par le label Impulse! [BB]


Une sélection d'Anne-Sophie De Sutter, Nathalie Ronvaux, Bertrand Backeland, Philippe Delvosalle, Benoit Deuxant, Yannick Hustache, Igor Karagozian, Daniel Mousquet et Marc Roesems.

Photo de bannière : Farida Amadou en concert (avec Steve Noble) aux Ateliers Claus, 1er février 2019 - photo (c) Laurent Orseau

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