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Nouveautés sur Sooner, plateforme belge de streaming

Ma voix t'accompagnera

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publié le par Simon Delwart

À l’occasion d’un partenariat avec la plateforme belge de streaming Sooner, PointCulture brosse un panorama non exhaustif des films, qu’il s’agisse de fictions ou de documentaires, fraîchement visionnables… pourvu qu'on s'y abonne.

Sommaire

Documentaire belge

Ma voix t'accompagnera (Bruno Tracq, 2020)

Immersion de plus de deux ans au sein des Cliniques Universitaires Saint-Luc, Ma voix t’accompagnera met en lumière la pratique relativement peu connue de l’hypnose chirurgicale.

Pour ce faire, ce long métrage documentaire se propose de suivre à la trace Fabienne Roelants et Christine Watremez, un duo de médecins anesthésistes dont les techniques de relaxation s’apparentent largement au phénomène internet de l’Autonomous Sensory Meridian Response, plus connu sous l’acronyme « ASMR ».

Douées d’un sens du storytelling à toute épreuve afin de recomposer des souvenirs personnels enfouis, ces spécialistes dont la réputation n’est plus à faire déploient bienveillance et empathie dans lesquelles les patients se réfugient avec avidité, tant l’attention qui leur est consentie semble sincère et individualisée. À rebours des pratiques de rentabilité devenues monnaie courante dans l’enceinte de l’hôpital contemporain, l’hypnose s’octroie le temps nécessaire en vue de soigner cette relation soignant-patient plus que jamais écornée.

Prérogative du malade dans nombre de cas spécifiques, se faire opérer sous hypnose – avec, en complément, une anesthésie locale – semble avoir fait ses preuves. En orientant leur pensée sur la volupté de sensations autrefois vécues, et ce par la simple vertu de leur organe vocal, les femmes médecins entraînent délicatement leurs protégés hors de la douleur.

Un dispositif oratoire sublimé par Bruno Tracq, réalisateur du film : aux images de salles d’opération rythmées par le son obsédant du cardioscope, se mêlent de majestueux panoramas naturels à la photographie remarquable, l’ensemble mâtiné d’un soundtrack qui invite à l’onirisme. Un travail sur le son et l’image qui, à défaut d’être particulièrement original dans le traitement filmique de la thématique abordée, parvient néanmoins à retranscrire la part immergée de ce mystérieux iceberg qu’est encore l’hypnose pour le commun des mortels. (SD)

Manière d'être au vivant

Antoinette dans les Cévennes (Caroline Vignal, 2020)

Dans le genre délicat et périlleux de la « comédie française de l’été », la réalisatrice Caroline Vignal propose une excellente surprise avec « Antoinette dans les Cévennes ». L’histoire tient en quelques mots : Antoinette, une institutrice, attend avec impatience le dernier jour d’école pour partir en vacances avec son amant, Vladimir, le père d’une de ses élèves. Déception, celui-ci lui apprend que sa femme lui a fait la surprise d’une randonnée en famille dans les Cévennes. Sans trop réfléchir, Antoinette se lance à sa poursuite. Elle choisit donc de marcher sur les traces de l’auteur Robert-Louis Stevenson et de faire à pied le trajet de 272 km reliant Puy-en-Velay à Alès. Comme lui, il s’agit de soigner son chagrin et, comme lui, elle fera la route avec un âne. Celui de l’écrivain s’appelait Modestine, le sien, Patrick.

Les ressorts tragi-comiques sont bien en place, Antoinette est adorablement à côté de la plaque mais compense son manque de préparation par une grande capacité à l’adaptation. Sa naïveté et sa candeur lui empêchent toute discrétion et l’histoire d’amour secrète qui l’a poussée à cette aventure est bientôt connue de toute la région. Maladroite et expansive, elle se formalise peu des jugements sur sa vie amoureuse, et ignore les rires gênés comme les regards désapprobateurs.

Comme on pouvait s’en douter, après un premier contact difficile avec Patrick, l’âne va devenir son meilleur ami et le confident du récit de sa vie de cœur d’artichaut, et de la fatalité qui la pousse dans les bras d’hommes mariés, les uns après les autres. Après avoir failli plusieurs fois renoncer et tout quitter pour rentrer à la ville, c’est leur complicité qui poussera Antoinette à poursuivre le chemin.

Le scénario, simple quoique irréprochablement efficace, est sublimé par les acteurs et actrices qui le portent, à commencer bien sûr par l’héroïne jouée par Laure Calamy. Déjà repérée dans la série Dix pour cent, elle se voit ici offrir un premier rôle principal où elle peut démontrer l’étendue de son talent, passant du slapstick décalé à un éventail de passions humaines. Le reste du casting est sans faute lui aussi, avec Benjamin Lavernhe en mari infidèle dépassé par la complexité de sa situation et Olivia Côte dans un rôle de femme trompée atypique. Comme dans tout bon road-movie, le film fait également la part belle à des rencontres inattendues, à des personnages gentiment surprenants.

Le meilleur second rôle est bien entendu Patrick, en vérité deux ânes différents, Jazou et Pedro, qui jouent à merveille le rôle de l’animal apportant non seulement compagnie et réconfort, mais permet, par son écoute attentive, la thérapie douce dont a besoin Antoinette. Sa présence et la marche à travers les paysages de montagne des Cévennes sont une parenthèse salutaire et enchantée dans le vaudeville de sa vie. (BD)

Poly (Nicolas Vanier, 2020)

De 1961 à 1973, la série Poly et ses suites relataient, en treize épisodes de treize minutes, les aventures d’un poney shetland dans un village de France puis dans d’autres pays. Cécile Aubry, auteure, parolière et actrice, en était la scénariste et avait réalisé la première série en donnant le rôle principal à son fils, Mehdi, qui avait cinq ans à l’époque. Elle réitéra la formule avec la célèbre série Belle et Sébastien, qui eut un succès phénoménal auprès des enfants et de leurs parents.

Nicolas Vanier, grand amoureux de la nature et passionné d’aventures et de grands espaces, a sorti en 2013 le long métrage Belle et Sébastien, qui, tout en respectant la série originale, magnifie la nature et l’amitié entre l’enfant et l’animal. C’est ce même amour de la nature et des animaux qui transparaît dans Poly.

Cécile, qui vient de s’installer dans le Gard avec sa maman, éprouve des difficultés à se lier d’amitié avec les enfants du village. L’arrivée d’un cirque met fin à son ennui, surtout lorsqu’elle rencontre Poly, un beau poney maltraité par Brancalou, le directeur du cirque. Elle décide d’aider son nouvel ami à quatre pattes et s’enfuit avec lui par monts et par vaux, poursuivie par l’ignoble Brancalou.

L’hommage à Cécile Aubry et à la protection des animaux (y compris dans l’alimentation) est présent tout au long d’un film aux paysages sublimes et lumineux. Les enfants y voient de l’aventure dans la forêt et la rivière, et s’attachent à ce gracieux poney qui sauve Cécile et parvient à chuter du mur élevé d’un château sans se blesser. Dans ce conte familial aux belles images, on revisite les films cultes des années 1960 : la complicité entre enfants de la Guerre des boutons, l’aventure et les passages secrets des Galapiats, les pantalonnades des Gendarmes et l’amour pour l’animal de Crin Blanc. (DM)

Conflits identitaires

Le Fils de l’autre (Lorraine Lévy, 2012)

Le jeune Israélien Joseph se prépare à faire son service militaire et, pour cela, doit passer un test médical. La prise de sang révèle qu’il n’est pas le fils biologique de ses parents. À la naissance, il a été échangé par erreur avec Yacine, un bébé palestinien. Dès lors, tous les membres des deux familles voient leurs certitudes s’effondrer. Comment leurs valeurs, religieuses, patriotiques et familiales, qu’ils croyaient éternelles, peuvent-elles être à ce point bouleversées ?

À travers cette situation exceptionnelle, quasi improbable, le film remet en question la notion d’identité familiale, religieuse et culturelle. Malgré l’attitude pacifique et compréhensive des deux familles, il révèle progressivement les difficultés de rapprochement engendrées par le conflit israélo-palestinien. Il met également en avant les incertitudes des adolescents perdus dans leur monde qui s’écroule.

Alors que le sujet est encore très actuel depuis les expulsions de familles palestiniennes à Jérusalem-Est et le conflit armé qui en a résulté, la plateforme Sooner propose ce film intelligent, tout en retenue, comme outil pédagogique aux enseignants et aux parents pour permettre aux adolescents de s’interroger sur ce qui constitue leur identité la plus personnelle. En même temps, les pistes lancées par Le Fils de l’autre aideront à comprendre et à critiquer nos représentations sur la situation israélo-palestinienne en fonction de notre culture, notre religion ou les informations dont nous disposons. (DM)

Josep (Aurel, 2020)

Premier long métrage d’animation d’Aurel, dessinateur de presse également rompu à l’exercice de la bande dessinée, Josep revisite un pan obscur de l’histoire franco-espagnole à travers une amitié, celle d’un artiste catalan, réfugié politique, et d’un gendarme, gardien de camp de concentration. Inspiré de la biographie de Josep Bartoli, le film est avant tout un hommage, d’un artiste à l’autre, jetant des ponts entre des époques qui, par moments, se mettent à communiquer de façon saisissante.

Produit d’un temps où l’exécution de simples caricatures peut encore valoir d’attenter à l’intégrité humaine, le réalisateur de Josep réactive un épisode historique largement occulté par la Seconde Guerre mondiale : la Retirada, exode massif de populations vers la France, laquelle compte plus de 400 000 réfugiés politiques espagnols dès mars 1939. Josep Bartoli est l’un deux.

C’est ainsi que, croyant éviter le péril fasciste, le personnage de Josep se heurte au racisme ambiant, monnaie courante dans cette France du Sud à la veille de la décennie 1940, particulièrement parmi les officiers de gendarmerie mués, par un concours de circonstances malheureux, en gardiens de camps de concentration. D’une actualité brulante, le film du dessinateur montpelliérain tend à provoquer un désagréable sentiment de malaise dans le chef du spectateur contemporain, tant cette hispanophobie nourrie par la police française de 1939 lui rappelle la xénophobie toujours à l’œuvre aujourd’hui au sein de cette même classe de fonctionnaires.

Chez Aurel, cette tendance à faire résonner les époques n’apparaît pas uniquement sur le fond, elle se manifeste également dans le dispositif formel d’un film construit sur deux temporalités distinctes. À cet égard, Josep est un film sur la transmission, d’une génération aux suivantes, d’une mémoire à maintenir vivace comme un halo de lumière dans les ténèbres d’une histoire oubliée, pour que soit remémorée l’abnégation d’individus ayant, en conscience, nagé à contre-courant. (SD)

Enquêtes en tous genres

Roubaix, une lumière (Arnaud Desplechin, 2019)

Tiré de faits réels dont le compte-rendu figure dans le documentaire Roubaix, commissariat central : affaires courantes de Mosco Levi Boucault (2007), le film est une reprise fictionnelle de l’enquête ouverte il y a quelques années autour du meurtre d’une vieille femme vivant seule dans un quartier pauvre de Roubaix. En charge de cette affaire, Daoud, le chef de la police locale, et Louis, jeune recrue hésitant entre le séminaire et une carrière dans la police, se montrent tous deux moins intéressés par la traque d’un hypothétique criminel que par les implications morales d’une mort violente au sein de leur communauté, monde peuplé de misère et de gestes de désespoir.

Après avoir sondé pendant trois décennies les liens familiaux et les paradoxes sans fin de l’amour, Desplechin rebat en une fois toutes ses cartes dans un portrait profondément mélancolique de sa ville natale. Pourtant Roubaix, le cinéaste confesse l'avoir mal connue faute de n'avoir pas désiré quitter sa chambre ni la protection des livres, des disques et de la télévision qu'elle lui offrait. Et lui qui jusqu’à présent semblait n’avoir pour unique sujet que l’intime, un brusque sursaut lui fait arracher son verbe inquiet des cercles d’intellectuels insatisfaits, son unique décor jusqu'à présent. Cette fois, c’est une société vivant de peu qu’il regarde dans ses trouées d’ombre et de clarté. Mais c’est ici la limite de la rupture. En effet, on retrouve dans ce film les mêmes obsessions, les mêmes tourments, la même cruelle douceur qui, dans un de ses précédents opus, faisait dire à une mère s’adressant à son enfant : je ne t’ai jamais aimé.

La haine, Desplechin n’a pas à nous l’apprendre, n’est jamais qu’un des visages que se donne l’appétit de vivre lorsqu’il erre en quête d’un exutoire. Il y a aussi la soumission, la dépendance, la destruction, le désir et son contraire, le détachement. Autant de rôles au travers desquels les êtres se pensent et se croient une quelconque vérité, enfants, parents, délinquants, junkies, flics, retraités, aveugles et voyants, tous heurtés de plein front par ce mystérieux événement que désigne le titre - la lumière - une hallucination ?

Dans ce récit de meurtre, à élucider autant avec le cœur qu’avec la raison, le comment l’emporte sur le pourquoi. La résolution serait de donner un sens définitif à ce qui n’en a que fugacement. Devant ces êtres qui, coupables, ridicules, grandioses, ne livreront pas le fin mot d’eux-mêmes, jamais le cinéaste n’aura été plus proche de Dostoïevski. Sachant que dans l’immense bibliothèque qui parle par la bouche de ces personnages, le romancier russe n’est encore qu’un nom parmi des milliers d’autres.

Non que la langue parlée dans Roubaix relève d’un registre spécifiquement littéraire. Plutôt, les protagonistes ont ceci en commun qu’ils donnent l’impression de s’exprimer depuis les tréfonds, d’un endroit trouble, instable et angoissant. Ce procédé n’est pas pour rien dans l’atmosphère de rumination qui, à l’image, accueille les éléments d’intrigue comme s’il s’agissait, avant même de les avoir vécus, de les revivre en pensée. (CDP)

Shirley (Josephine Decker, 2020)

À défaut d’être un biopic fidèle autour de la romancière étasunienne Shirley Jackson, cette réalisation de Josephine Decker apparaît avant tout comme un coup de semonce porté au patriarcat des années post-Seconde Guerre mondiale, en ce sens qu’elle déconstruit subtilement les ressorts d’un statu quo entravant la femme au-dedans de ses sempiternelles fonctions domestiques. Une problématique de genre enrobée dans un packaging à la teneur indéterminée, quelque part à la croisée du polar et du thriller psychologique.

Qu'à cela ne tienne, l'exigence dramatique y est induite par le personnage fictionnel de Rose, jeune étudiante forcée d’interrompre ses études du fait de sa grossesse, mariée qu’elle est à l’ambitieux Fred Nemser. La dynamique oppressive d’un système dont les femmes sont exclues se révèle par sa rencontre avec la figure antithétique de Shirley qui, bien qu’elle ne corresponde en rien au stéréotype de la parfaite ménagère, n’en reste pas moins reléguée au rang d’épouse du critique littéraire Stanley Edgar Hyman. Tous vivent momentanément sous le même toit, celui de ce dernier.

Écrivaine d’épouvante, Shirley Jackson n’en devient pas pour autant la protagoniste d’un film d'horreur, lequel échappe à toute tentative de labélisation. Si Josephine Decker fait converger les enjeux de son œuvre vers la résolution d’une enquête que Rose mène au profit du travail de sa nouvelle amie, son véritable propos est de mettre à nu les dysfonctionnements d’un quatuor censés schématiser les rapports de domination à l’œuvre dans la société américaine de l’époque. S’esquisse alors une hiérarchie au sommet de laquelle la compétitivité des uns semble sourde et aveugle à l’intimité grandissante des laissées pour compte… (SD)

Hors catégorie

Holy Motors (Leos Carax, 2012)

Monsieur Oscar va de rendez-vous en rendez-vous. Un jour comme celui-ci, il en fait facilement neuf. Il ne choisit pas vraiment son agenda, d’ailleurs il aimerait avoir un peu plus de travail à la campagne, les forêts lui manquent. Il se rend à chaque mission dans son énorme limousine blanche, qui lui sert de loge. Sa conductrice, Céline, fait également fonction de secrétaire personnelle et gère sa journée. Celle-ci va se dérouler à toute vitesse et l’emmener sans plus d’explications de rôle en rôle. Certains semblent des commandes rémunérées, d’autres sont plus hermétiques. Avant chaque rendez-vous, Monsieur Oscar commence par se déguiser, selon les spécifications du dossier que Céline lui remet, et se présente dans la peau de quelqu’un d’autre, acteur d’un personnage. On ne saura pas s’il vient prendre la place de quelqu’un, le remplacer temporairement, ou s’il est réellement toutes ces personnes différentes. D’autant qu’à plusieurs reprises c’est lui-même qu’il va aller rencontrer.

Le film de Léos Carax est taillé sur mesure pour son acteur fétiche Denis Lavant, qui se démultiplie à l’écran, se métamorphosant en homme d’affaires, en mendiante, en père de famille, en vieillard, et reprenant également pour l’occasion le personnage de Monsieur Merde, qu’il avait créé cinq ans auparavant pour le film à sketches Tokyo ! Dans l’épisode de Léos Carax, qui formait l’ensemble avec deux autres segments, respectivement signés par Bong Joon-ho et Michel Gondry, Denis Lavant endossait déjà le costume de cette créature monstrueuse, sorte de lutin maléfique ou de leprechaun, sale et méchant. Il poursuit et développe encore le mythe, lui donnant résidence dans les égouts de Paris, comme auparavant dans ceux de Tokyo. Son langage unique s’ajoute aux différents dialectes, argots et accents déjà utilisés dans le film.

Comme toujours dans les films de Carax, la musique a une place centrale, et se rencontrent ici au hasard les Sparks, Gérard Manset, un orchestre d’accordéons mené par Lavant, la musique écrite par Akira Ifukube pour Godzilla et enfin Kylie Minogue. On l’entend une première fois sur disque, et une seconde comme personnage du film, qui réinterprète le générique cosigné Léos Carax/Neil Hannon en mode comédie musicale. Collage de genres, le film est également un assemblage de références, d’allusions, de citations. Outre les références à la propre filmographie de Carax (comme la présence récurrente du Pont-Neuf, de la Samaritaine), on trouve ça et là des clins d’œil à Jane Campion, Samuel Beckett, Wim Wenders, sans oublier Franju, dont l’actrice principale n’était autre qu’Édith Scob, qui joue le rôle de Céline, et clôt le film sur une évocation des Yeux sans visage. (BD)

Alps (Yorgos Lanthimos, 2011)

Peu de choses relient en apparence les personnages de ce film, une infirmière, un conducteur d’ambulance, une gymnaste et son coach. Mais derrière la façade officielle de cette vie banale se dissimule une société secrète aux activités étranges. Il n’est pas vraiment ici question de conspiration, le groupe s’est donné pour mission de proposer ses services à des gens ayant perdu un proche. Après une période de documentation, ils prennent la place du disparu, un mari, une maitresse, un enfant, et jouent son rôle contre rémunération. La motivation du groupe et son histoire est trouble, comme c’est souvent le cas dans les scénarios écrits par le cinéaste Yorgos Lanthimos et son collaborateur attitré Efthymis Filippou.

Nous prenons le récit en cours, alors que la société vient de trouver son nom : Alpes. L’ambulancier, qui est le leader du groupe (patron de l’entreprise ou maître de la secte), a choisi ce nom parce qu’il n’explique en rien leurs activités, d’une part, et d’autre part parce que les Alpes pourraient très bien remplacer n’importe quelles autres montagnes, alors que l’inverse n’est bien sûr pas possible. Le raisonnement imparable de celui qui se fait désormais appeler Mont-Blanc donne le ton du film, alignant, comme dans un monde mental parallèle, des affirmations sans fondements, des vérités équivoques.

L’autre caractéristique du groupe, outre sa logique pervertie, est de chercher à remplir leur tâche alors qu’ils n’en ont aucune aptitude. Comédiens sans talent (qui sont par contre dans le film joués par d’excellents acteurs et actrices), ils récitent des textes banals d’une voix monocorde et n’ont pas la plus infime faculté de déguisement. Ils s’insinuent dans la peau de leur personnage sans la moindre virtuosité, comme dans un vêtement trop grand. Cela ne les empêche pas d’avoir un code de travail extrêmement strict et toute erreur, toute ligne oubliée ou récitée de travers, est punie avec la plus grande sévérité.

Yorgos Lanthimos propose ici à nouveau la vision d’un monde absurde, aux règles incompréhensibles et arbitraires. Le spectateur et les personnages naviguent entre la normalité grisâtre de cette réalité et la rigueur avec laquelle elle dévie vers un égarement progressif. Cette plongée dans un simulacre qui déborde sera la perte de Monte-Rosa, le nom choisi par l’infirmière, qui va lâcher prise de sa propre identité, remplaçant la banalité et les rapports humains insipides de sa propre vie par une existence factice aux répliques de commande. (BD)


Filmographie réalisée avec le concours de Catherine De Poortere, Benoit Deuxant, Daniel Mousquet et Simon Delwart.

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