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Playlist

Londres en musiques (de raves et de clubs)

club à Londres
À la fin des années 1980, Londres quitte l’orthodoxie guitaristique et se lance dans la musique électronique.

Sommaire

Des raves aux clubs, le continuum hardcore

Inspirées par la vague acid-house de Manchester et par les vacances des britanniques dans les clubs d’Ibiza, des soirées anarchiques et spontanées vont voir le jour dans les entrepôts abandonnés, les friches industrielles, avant de se voir repoussée par l’hostilité des autorités jusqu’aux périphéries de la ville, sous les ponts de la célèbre autoroute circulaire le M25 London orbital. Les raves vont devenir un phénomène d’ampleur et les musiques qui y seront jouées seront ensuite récupérées par les clubs plus officiels. Depuis cette époque un chassé-croisé se  joue entre la musique des rues et celles des boites, chacune cherchant à prendre l’autre de vitesse.

 

Pre-Rave

M|A|R|R|S - « Pump Up The Volume » (1987)

La fin des années 1980 a vu se développer l’idée de la musique comme collage. Mélangeant des rythmes issus de la house, des techniques empruntés au dub, des samples faisant référence à la télévision, au cinéma, à la politique, un nouveau genre a lentement pris forme. Initialement rejeté comme n’étant pas de la « vraie » musique, ses méthodes de travail se sont pourtant imposées dans toute la sphère musicale et provoqué l’apparition de nombreux styles nouveaux. Sorti en 1987, ce morceau est le fruit d’une collaboration (difficile) entre le groupe Colourbox et Le duo AR Kane. Avec plus d’une trentaine de samples, le morceau est avec Say Kids What Time Is It? de Coldcut, un des premiers tubes britanniques entièrement basé sur le collage. Il sera également un des premiers à être attaqué en justice pour cette raison.



Bomb The Bass - « Beat Dis » (1987)

Le succès de M|A|R|R|S sera suivi par de nombreux autres artistes travaillant sur le même principe de collage et de travail en studio. La musique qui en sortira popularisera également les rythmes de la house et le son des boites à rythmes. Sorti la même année, le morceau de Tim Simenon (aka Bomb The Bass) poursuit la course au sampling avec 72 fragments empruntés autant à Public Enemy qu’à Ennio Morricone et une célèbre intro tirée du feuilleton Dragnet (Coup de filet, en France).


Ambient

The Orb – « Little Fluffy Clouds » (1990)

Tandis que la house et la techno s’imposent dans les clubs, une nouvelle tradition voit le jour, celle de réserver une salle plus calme, la chill-out room, aux danseurs qui veulent faire une pause, aux clubbers en descente d’acide, ou au public qui ne danse pas. On y joue une musique plus douce, plus rêveuse. Les rythmiques sont plus lentes, plus en retrait, et accompagnent des ambiances associant new-age, musique électronique et psychédélisme sous toutes ses formes. Fondé en 1988 par Alex Paterson et l’ex-KLF Jimmy Cauty, The Orb sera résident de plusieurs clubs londoniens, comme le Heaven, et va devenir un des principaux représentants du mouvement ambient. Ils développeront le concept sur disque dans de longues suites planantes, comme ce morceau, pour lequel ils seront attaqués en justice par Rickie Lee Jones, dont la voix a été utilisée sans autorisation.


Rave

Rebel MC - « Tribal Base » (1991)

Faisant le lien avec les clubs des immigrés jamaïcains à Londres, et surtout avec la tradition des sound-systems qu’ils ont importé en Angleterre, les raves vont appliquer les mêmes techniques, d’énormes installations mobiles aux basses démesurées et un DJ enchaînant les rythmiques tandis qu’un toaster exhorte la foule des danseurs. La musique des raves va fusionner house, hiphop, funk avec des genres provenant des Caraïbes comme le dub et le dancehall. Autre pseudo de Congo Natty, ancien du groupe Double Trouble, Rebel MC sera typique du mélange de musique ultra-dynamique et de textes revendicateurs qui caractérisait les raves.


Jungle

UK Apache & Shy-Fx - « Original Nuttah » (1994)

Tandis que le phénomène des raves se répand dans toute l’Angleterre, une nouvelle musique prend forme. Elle associe un chant d’inspiration jamaïcaine et des rythmiques créées par des breakbeats. Partant de l’idée de boucles samplées dans le répertoire funk, déjà initiée par le hiphop, les britanniques vont accélérer le tempo pour donner naissance à la jungle, usant et abusant de quelques breaks célèbres empruntées à James Brown ou aux Winstons. Les premiers pas du genre conserveront le côté sauvage des raves, et la connexion jamaïcaine, mais le style se diversifiera en multiples sous-genres. Sorti en 1994, « Original Nuttah » est un exemple typique de jungle mêlé de ragga, avec un break rythmique survolté, tout en caisse claire accélérée, et un accompagnement minimaliste.


Drum 'n’ bass

Goldie - Timeless,  « Inner City Life Pressure » (1995)

La jungle va progressivement se complexifier et se sophistiquer, au point qu’il faudra distinguer entre la jungle des débuts et la drum ’n’ bass, sa suite directe. Avec une production plus léchée, et des ambitions plus grandes, le nouveau style va être mieux accepté par les clubs. Les vocaux raggamuffins seront remplacé par des voix plus soul, et l’inspiration viendra plus du jazz que du dancehall. Goldie va réaliser avec son album Timeless un des albums les plus épiques du style, une suite de morceaux atmosphériques aux couleurs symphoniques, se métamorphosant en rythmiques mutantes. Urbain, brillant, flamboyant, presque cliquant, c’est un album audacieux à écouter autant chez soi qu’en club.


Techstep

Ed Rush & Nico - « Technology » (1997)

En réaction à la drum’n’bass assagie et policée va naître un genre volontairement sombre et agressif : le techstep. Dystopique, froid et violent, celui-ci cherchera la confrontation, pour éviter la récupération et surtout pour se distinguer des clubs branchés où des gens proprets (et blancs) viennent s’approprier une musique que beaucoup considéraient comme identitaire. Le style cherchera son inspiration dans la science-fiction (de Blade Runner  à Robocop), et puisera dans la techno de détroit plus que dans la house de Chicago, dans la musique industrielle et la techno hardcore plus que dans la soul. Parmi les pionniers du genre on trouve le label No-U Turn, dont le patron, Nico, sortira en 1997 le morceau emblématique « Technology » en collaboration avec Ed Rush.




UK Garage, 2-step et Speed Garage

So Solid Crew - « 21 Seconds » (2001)

Pendant ce temps, dans les clubs se développe une autre variation sur la house britannique, qui reprend les apports de la jungle et de la drum’n’bass mais à un rythme plus adapté à la danse, et avec des couleurs moins agressives que la techstep. Ce sera le retour des vocaux soul ou gospel, des cordes synthétiques, et des arrangements sophistiqués. Popularisé par le Paradise Garage, ce nouveau son va connaitre lui aussi plusieurs variantes, plus ou moins commerciales, plus ou moins rapides, et se subdiviser en nombreuses variantes, selon la complexité, le tempo, la mélodie du morceau, la présence ou non de chant, etc. Sorti en 2001, le morceau « 21 Seconds » du collectif So Solid Crew avait pour idée de départ de donner la parole à chacun des vingt à trente membres du groupe pendant une fraction de la chanson.


Grime

More Fire Crew - « Oi ! »  (2002)

Le début des années 2000 verra l’implosion à Londres des radios pirates comme Rinse FM, Deja Vu FM ou Freeze 92.7. Ces radios seront des éléments clés dans la diffusion du UK garage et d’un nouveau style émergent ; le Grime. Puisant des ingrédients dans la Jungle comme dans le Garage, ou le dancehall, le Grime met en avant un son électronique minimaliste associé à des textes urbains et sombres, proches du hiphop. Les rythmiques sont saccadées, asymétriques, fragmentées et les sonorités bourdonnantes. Le More fire crew est un collectif de Waltham Forest dans le Nord-est de Londres. Il s’articule autour du trio Ozzie B, M.C. G Man (aka Gary Greer) et Lethal Bizzle. Tout trois étaient actifs dans les radios pirates de la capitale, notamment sur Déjà vu FM. « Oi ! » est un de leurs premiers disques et un des premiers morceaux Grime à entrer dans les charts anglais.


Wiley « Wot U Call It ? » (2004)

Richard Cowie, plus connu sous le nom de Wiley, a débuté dans un collectif produisant du UK Garage, avant de se lancer en solo. Il a inventé un rythme particulier, évoquant les premiers jeux vidéo, le eskibeat, qui sera régulièrement imité et qu’il utilisera lui-même à de nombreuses reprises, dans l’instrumental eskimo ou chanté comme ici dans le morceau « Wot U Call It ? », où il ironise sur la terminologie complexe appréciée des connaisseurs de musique.


Urban

The Streets - Has It Come To This? (2002)

Portrait de son époque, Original Pirate Material, le premier album de The  Streets, projet de Mike Skinner, est un hommage amusé à la vie des clubbers à travers la Grande-Bretagne. Originaire de Birmingham, Skinner a enregistré cet album à Brixton, au sud de Londres. Il évoque la fin des années 1990 et l’arrivée du Grime et du UK Garage à travers des scènes de la vie courante des jeunes, leur réalité quotidienne, banale comme sordide, déprimante ou insouciante. Il insiste sur le rôle important des radios pirates dans leur vie. Une fois sorti de Londres, où se trouvaient alors les seuls clubs jouant ces musiques, ces radios étaient en effet le seul moyen pour eux d’entendre du UK Garage, du 2-step ou du Grime.


Dubstep

Kode9 - « 9 Samurai » (2006)

La mutation se poursuit avec le dubstep qui brouille encore les pistes et met à nouveau l’emphase sur les emprunts au dub pour obtenir une musique atmosphérique au tempo trompeur. Développé à l’est de Londres dans un club nommé Forward>> (associé à la radio pirate Rinse FM), la musique est à la fois lente et rapide selon les éléments qu’on choisit de suivre et cette ambiguïté, associée aux ambiances urbaines et futuristes des morceaux, fera l’attrait du genre. Il met aussi l’accent sur des basses énormes, très physiques, qu’il associe souvent à un effet produisant un « bouillonnement » baptisé wobble. Kode9, originaire d’Écosse, est un dj de Rinse FM. Il a également lancé le label Hyperdub, qui a publié quelques-uns des artistes les plus importants du genre et sur lequel il sortira lui-même trois albums dont deux en collaboration avec le rappeur Spaceape.


Burial - « Archangel »  (2007)

Autre artiste du label Hyperdub, Burial a longtemps maintenu secrète son identité, donnant lieu à de nombreuses théories, jusqu’à ce qu’il coupe court aux spéculations en révélant son nom : William E.Bevan, revendiquant un statut de quidam, d’anti-star. Ses deux albums, Burial (2006) et Untrue (2007), seront acclamé pour leur ambition cinématique et leur évocation d’une ambiance londonienne, déjà nostalgique pour l’époque, marquée par les sorties, les clubs, les radios pirates. Avec ses rythmiques boiteuses, bricolées à la main sur des logiciels bon marché pour éviter la perfection cliniques des productions trop propres, et ses voix empruntées à des inconnus, ces deux albums sont de magnifiques portraits urbains, mélancoliques et poétiques.


UK Bass

Untold - « Gonna Work Out Fine » (2009)

L’évolution se poursuit après le dubstep avec la même débauche de sous-genres et de dénominations cryptiques. Parmi les termes qui ont survécu, celui de UK Bass (ou parfois simplement Bass Music) recouvre une réalité floue et changeante. L’intérêt du nom était avant tout de distinguer les descendants de la dubstep britannique des productions commerciales américaines, du genre de celles de Skrillex, qui utilisaient le même terme de dubstep pour désigner une musique totalement différente. Parmi les producteurs de UK Bass on trouve de nombreux musiciens qui officiaient auparavant dans le dubstep, mais aussi une nouvelle génération d’artistes. Parmi les nouveaux venus, il faut signaler les musiciens du label Hessle Audio ou encore Hemlock Recordings, comme Untold. Les six morceaux de son premier EP « Gonna Work Out Fine », sont de bons exemples de l’étrange équilibre entre minimalisme austère et dynamisme rythmique qui caractérise le genre.


Shackleton - Music for the Quiet Hour / The Drawbar Organ EPs (2012)

Musicien ultra-productif, Sam Shackleton s’est construit un genre à lui tout seul, avec une musique caractérisée par des sons évoquant les marimbas ou le gamelan, des percussions très organiques et des collaborations avec des chanteurs-récitateurs déclamant des textes complexes, dystopiques ou futuristes. Il a également réalisé des albums en duo avec d’autres musiciens comme Vengeance Tenfold ou Pinch. Ses ambiances sont sombres, souvent mélancoliques mais elles sont tempérées par l’exotisme suggéré par sa palette sonore aux tons chauds et vivants.


PC Music

Sophie - « Lemonade » (2014)

Au sein des sous-genres les plus récents, la PC Music est sans doute une des plus intrigantes. Avant de devenir un raccourci pour désigner un genre musical, PC Music était avant tout un label, fondé à Londres par le producteur AG Cook. Celui-ci avait rassemblé une écurie d’artistes qui collaboraient entre eux pour mettre en forme une musique reprenant les basses et les rythmes de la house et du grime, mais aussi des influences plus inhabituelles (et de mauvaise réputation) comme les synthétiseurs emphatiques de l’eurodance ou les voix « pitchées » du happy hardcore. C’est aussi un des premiers styles européens à incorporer l’influence de la J-pop et surtout de la K-pop. $



Benoit Deuxant

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