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L'Afghanistan en (quelques) images filmées

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Durant plus de quatre décennies, l’Afghanistan a été le théâtre d’intérêts stratégiques liés à la Guerre froide, d’affrontements politiques guidés par l’avidité, de guerres civiles, d’occupations par diverses forces armées. Au centre de tout cela, il y a une population meurtrie et impuissante. Ce sont plusieurs générations qui n’ont connu – jusqu’à aujourd’hui, encore – que le désordre et le délitement de leur pays. Pourtant, à travers quelques-uns des films proposés ici, on voit apparaître des poches de résistance du passé (lointain et récent), que ce soit par les armes, la transmission, l’action humanitaire, la culture.

Sommaire

Dans cette (petite) sélection, nous n’avons volontairement pas inclus des films réalisés depuis les forces armées américaines ou occidentales ; certains sont tout à fait dignes d’y figurer – d’autant que les « acteurs » occidentaux font partie du « décor » depuis de nombreuses années, si l’allégorie est permise – mais les films réunis ici privilégient une approche humaine, incarnée, du peuple afghan.


Une vallée contre un empire (1981, 51 min)

En juillet 1981, Christophe de Ponfilly et Jérôme Bony pénètrent clandestinement en Afghanistan avec des petites caméras Super-8. C’est au sein d’une caravane dont le chef afghan connaît bien les chemins de la contrebande – 50 chevaux, 60 hommes mais aussi une équipe de médecins de l’ONG française Aide médicale internationale (A.M.I.) – qu’ils parviennent à rejoindre la vallée du Panjshir (après avoir franchi des cols de plus de 5.000 mètres d’altitude). Il semblait important aux deux reporters de parler des Afghans aux Occidentaux et faire savoir qui tenait tête à l’armée soviétique, arrivée en décembre 1979 pour occuper le pays.

Des chaînes TV françaises avaient envoyé des reporters aux frontières pour parler de la guerre et de la guérilla mais il n’y avait pas encore eu de film pour parler des Afghans et du quotidien dans ce conflit. Les deux hommes sont partis réaliser ce projet sans aucune connaissance de la guerre, sans savoir que cela allait être une aventure humaine incroyable.

De retour en France, le film est monté avec les moyens du bord (notamment grâce à l'emprunt d’argent à des amis) ; le journaliste Stéphane Paoli, peu connu à l’époque, avait accepté de lire bénévolement le texte. Le film est proposé à Antenne 2 (aujourd’hui France 2), accepté et diffusé à 20h30, une heure de très grande écoute. À la suite de cette diffusion, il y eut quantité d’éditoriaux, écrits par des journalistes et des écrivains dans la presse, qui touchèrent à la fois les réalisateurs et les spectateurs.

Il s’agit du premier film sur Ahmad Shah Massoud et la résistance afghane… qui commence à avoir un visage. [MR]

Note : l'édition présentée ci-dessous regroupe quelques-uns des films que Christophe de Ponfilly (1951-2006) a réalisés sur un pays, son peuple, un homme et ses combattants mais aussi sur des volontaires français qui ont embrassé, comme lui, la cause afghane. Ce grand reporter a couvert tous les combats menés en Afghanistan, de l’invasion russe à l’assassinat du commandant Massoud, dont il a été proche.


Syngué Sabour. Pierre de patience (2012, 102 min) d’Atiq Rahimi

Elle est Afghane, mariée à un homme qu’elle ne connaît pas.

Dehors les tirs incessants l’empêchent de sortir. Elle reste à veiller son mari, blessé à la nuque, entre la vie et la mort. Elle égrène ses prières, elle veut le ramener. Il est sa pierre de patience, celle qui l’écoute et récolte tous ses mots, ses souvenirs, qui absorbe ses secrets, ses peurs et ses désirs.

Un jour, forcée par un jeune combattant, elle prend conscience de son corps et de son pouvoir.

Elle. Elle est fragile. Elle est forte. Elle est vie. Elle est libre. Elle est Femme.

Dans ce huis-clos de fin du monde, Atiq Rahimi nous dévoile la femme afghane, la femme-courage, sensible, profondément humaine, qui vit ses passions sous la burqa et dont la voix, enfouie depuis des années, crie ses souffrances et ses espoirs. Un film qui va crescendo, où Golshifteh Farahani transcende ce rôle passionné, avec toute sa délicatesse et sa fougue. Jusqu’à faire éclater la pierre de patience… [DM]

« Et ce jour-là, tu es délivrée de toutes tes souffrances, de toutes tes peines. » — Atiq Rahimi


Kaboul Cinéma (A Flickering Truth) (2015, 91 min) de Pietra Brettkelly

Le film s’intéresse au travail d’Ibrahim Arify dans les locaux de l’Afghan Films, une compagnie de film étatique en même temps qu’une cinémathèque et un laboratoire du cinéma afghan, édifié en 1968 à Kaboul. Ce qu’il reste des lieux est désolant.

Autour d’Arify, un groupe de techniciens et de cinéphiles engagés s'efforce d'exhumer le passé cinématographique de son pays, s'attachant à récupérer, restaurer et référencer des kilomètres de pellicule, soit plus de 8.000 heures d'images qu'ils avaient cachées au risque de leur vie pendant l'ère talibane. Ce qu’il reste est ce qui n’a pu être (heureusement) détruit ou brûlé.

Le patron est ferme et veille sur tout ; lui qui avait été emprisonné par le régime afghan pour son activité de cinéaste et dû s’exiler en Allemagne, se désole de ne rien pouvoir obtenir si on demande les choses gentiment et constate que les gens ne savent plus travailler par eux-mêmes. Et surtout, il ne supporte ni le « marchandage à l’afghane » ni la politique des dessous-de-table. Il sait qu’il n’est pas très aimé mais est entièrement habité par sa mission. Il est crucial pour lui de retrouver le patrimoine et la culture de son pays. Pas la culture arabe, américaine ou russe.

À travers des extraits d’actualités filmées (des bandes de pellicule préservées et nettoyées), on perçoit par bribes l’histoire d’un pays en proie à des retournements politiques – l’influence qu’ont exercé les États-Unis et l’Union soviétique sur ce territoire par des aides financières ou l’exportation de modèles culturels – et à des conflits successifs. Les extraits de films de fiction exhumés du passé donnent l’opportunité à celles et ceux qui les voient, de se replonger dans leur passé… réveillent d’anciennes douleurs, des peurs, des aspirations, et nous font traverser la société afghane dans son rapport à la tradition et la modernité.

Dans un pays malmené durant plusieurs décennies, qui a vu une grande partie de sa mémoire cinématographique disparaître – ainsi que celle d’autres expressions artistiques très fragiles comme la musique, le théâtre, la danse, etc. – la préservation du patrimoine, de la culture et de l’identité a tout son sens.

« Nous devons être capables de projeter des films afghans à travers tout le pays. J’ignore combien de temps cela prendra... » — Ibrahiml Arify

Peut-être n’y arrivera-t-il jamais mais les images finales du film peuvent le laisser espérer : des opérateurs de l’Afghan Films, à bord d’une voiture remplie de bobines, sillonnent les routes et déploient leur cinéma itinérant dans des régions considérées comme sûres (dans des villages et des classes d’école) qui n’ont jamais vu un seul film projeté sur grand écran… [MR]


Mohsen, Samira et Hana Makhmalbaf : une famille, des films, des écoles...

Avant l’avènement de cinéastes plus jeunes comme Jafar Panahi et Asghar Farhadi, Mohsen Makhmalbaf (Téhéran, 1957) était, aux côtés d’Abbas Kiarostami, le cinéaste iranien le plus connu à l’étranger (dans Close Up, de Kiarostami en 1990, basé sur un fait divers réel, c’est pour le cinéaste Makhmalbaf qu’essaye de se faire passe le jeune chômeur-escroc). Déjà en 1987, dans Le Cycliste, le cinéaste raconte dans une sorte de On n’achève bien les chevaux vélocipédique comment Nassim, un réfugié afghan en Iran pédale pendant une semaine, jour et nuit, dans un cirque pour payer les frais d’hôpital de sa femme gravement malade. Un bonne douzaine d’années plus tard, vers 2000, alors que le pays est administré par les talibans depuis 1996, le cinéaste sera à nouveau confronté – d’une manière encore beaucoup plus profonde – à la douloureuse question afghane : interpellé par une femme afghane vivant au Canada (le futur personnage de son film Kandahar, 2001), il traverse clandestinement la frontière dans la région de Herat et découvre une réalité qui le bouleverse.

« Si je ne l’avais pas vu de mes propres yeux, je n’aurais jamais pu croire dans quelle situation se trouvait l’Afghanistan. Je n’aurais jamais imaginé que dans un pays voisin de l’Iran puisse exister une situation de telle pauvreté, de tel malheur et une telle ignorance. » — Mohsen Makhmalbaf, à propos de son expédition clandestine en Afghanistan vers 2000

Le réalisateur est abasourdi d’abord par la famine, par les milliers de victimes de la sécheresse et de l’embargo international, mais aussi dans un second temps par l’analphabétisme (« Même avant les talibans, 95% des femmes et 85% des hommes étaient analphabètes »). Makhmalbaf réagira d’abord en cinéaste en tournant, entre observation documentaire et restitution fictionnelle, Voyage à Kandahar, parabole aussi belle et inspirée qu’implacable sur l’Afghanistan des talibans, l’omniprésence des mines anti-personnelles (et corolaire tristement logique, le nombre d’amputés), le marchandage constant pour la survie, le statut de parias réservé aux femmes, la peur qui rode à chaque tournant de chaque chemin…

Mais Makhmalbaf n’en restera pas là (« Mon engagement n’a pas été celui du professionnel qui, une fois le film fini, en commence un autre. J’ai réalisé ce film comme une personne qui entre, pour une quelconque raison, dans une maison et y trouve quelqu’un en train de mourir. Alors, il court dehors pour demander de l’aide. »). Né lui-même dans une famille très pauvre, obligé d’aller travailler à l’âge de huit ans, Makhmalbaf est un grand partisan de l’éducation : à petite échelle, même contrecarré dans ses projets par le régime iranien, il met en place la Makhmalbaf Film School pour sa femme Marzieh Meshkini, ses filles Samira et Hana et une poignée de proches qu’il initie au cinéma mais à plus grande échelle, avec l’aide du régime iranien cette fois, il fonde une association qui permet à des dizaines de milliers d’enfants afghans d’Iran d’aller à l’école – et il réitèrera ce genre de démarche en Afghanistan-même après la chute des talibans en 2001. Après avoir déjà consacré son segment du film collectif 11’09’’01 – September 11 aux réfugiés afghans d’Iran, sa fille Samira Makhmalbaf sort en 2003 À cinq heures de l’après-midi dans lequel elle traite de la question de l’éducation des filles dans l’Afghanistan post-talibans de l’époque. [PD]


Parvana, une enfance en Afghanistan (2017, 94 min) de Nora Twomey

Aujourd’hui, Parvana, accompagne son père au marché de Kaboul. Ce gentil papa, qui la berce d’histoires et de contes, lui a aussi appris à lire et à écrire, ce qui est interdit par les talibans. Quand il est emmené en prison, la fillette voit son monde basculer : les femmes ne peuvent pas survivre sans un homme en Afghanistan.

Pour subvenir aux besoins de sa mère, sa sœur et son petit frère, Parvana se travestit en garçon. Elle peut ainsi acheter de la nourriture, travailler sur le marché et connaître la liberté des enfants de son âge. Son but : délivrer son papa. Et sans doute aussi se reconstruire d’un passé douloureux.

Ce premier roman « jeunesse » de la série Parvana est écrit par Deborah Ellis, militante canadienne pour les droits des femmes et l’antimilitarisme. Dans l’adaptation cinématographique réalisée par Nora Twomey, Parvana dévoile également un conte dont les épisodes sont habilement disséminés dans le film, avec une animation plus brute et des couleurs plus vives, inspirées des miniatures persanes.

Évoquant la vie des « bacha posh » (filles travesties en garçons, comme dans le film Osama), le film simplifie avec talent les situations extrêmement complexes vécues sous le régime des talibans, tout en dénonçant, sans manichéisme, l’emprise et l’autorité des hommes sur les femmes en Afghanistan.

Un jour peut-être, tout peut changer… [DM]


Un soleil à Kaboul… ou plutôt deux (2007, 75 min)

Tout commence en février 2005 lorsque Robert Kluyver, directeur de la Fondation pour la culture et la société civile, propose à Ariane Mnouchkine et sa troupe du Théâtre du Soleil de travailler avec des gens du théâtre à Kaboul. Il ne s’agit pas d’une tournée mais d’une « mission ». L’organisation humanitaire souhaite qu’y soient organisés un stage et divers ateliers durant trois semaines (lumière, son, costumes, masques) à l’issue desquels une pièce pourrait être créée et une troupe formée.

Quelques jours avant le départ, l’Ambassade de France à Kaboul exprime ses plus vives inquiétudes concernant un tel voyage, notamment pour assurer la sécurité d’une cinquantaine de personnes dans un environnement et à un moment estimés difficiles (attentats, enlèvements et menaces). Après débat, la troupe décide malgré tout de se rendre dans la capitale de l’Afghanistan, le 15 juin 2005.

Sur place, on imagine les conditions spartiates mais le documentaire se focalise sur la rencontre et ce qui se dégage de ces journées communes ; on y voit des ateliers de travail, des échanges autour de la création et sur ce que peut le théâtre dans un pays comme l’Afghanistan, ponctué par quelques incursions dans la ville meurtrie de Kaboul. Au milieu des ruines, cette « mission » donne naissance à une jeune troupe de théâtre afghane, mixte et courageuse, le Théâtre Aftab, un petit Théâtre du Soleil d'Asie centrale. [MR]


Une médiagraphie de la rédaction. Contributeurs : Daniel Mousquet, Philippe Delvosalle et Marc Roesems