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Playlist

Guerre du Vietnam - une playlist musicale

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publié le par Nathalie Ronvaux

En 1965, les troupes américaines se déploient sur le sol vietnamien. Engagés dans une guerre mondialement contestée, les États-Unis connaitront une vague de manifestations d'une ampleur phénoménale. Par leurs chansons, les musiciens nous ont légué leurs doutes et leur colère.

Sommaire

La guerre du Vietnam a duré trente ans, de 1945 à 1975. C'est la plus longue du XXème siècle. Une des plus complexes, aussi. Guerre de décolonisation contre la France occupant l'Indochine, mais aussi un des points de friction majeurs de la guerre froide, les enjeux étaient considérables. Après avoir assuré un soutien logistique et économique à ses alliés présents en Asie, l'Amérique entre concrètement dans la danse à la fin de 1964. Dès ce moment, une partie de l'opinion s'est insurgée. Au fur et à mesure de l'enlisement de l'armée US dans cette guerre et de la médiatisation croissante des horreurs subies par les populations civiles, les contestations se sont faites plus virulentes. Et bien après la chute de Saïgon en 1975, les protestations résonnaient encore.

1964 - Phil Ochs, « Talking Vietnam Blues »

Au début des années 1960, les Américains s’intéressaient très peu à ce qui se passait au bout du monde, en Asie. L’artiste folk Phil Ochs est le premier à se pencher sur la guerre du Vietnam et il compose en 1964 la chanson de protestation Talking Vietnam Blues. (ASDS)

1961-1967 – Poèmes, éditions, librairie, chansons et performances pacifistes des Fugs

Librairie Peace Eye Bookstore, publication de 1001 Ways to Beat the Draft, chanson « Kill For Peace », tentative d’exorcisme et de lévitation du Pentagone, etc. : à l'articulation des champs activiste et artistique, Ed Sanders et Tuli Kupferberg du groupe "freak folk" The Fugs n'auront eu de cesse, tout au long de la guerre du Viêt Nam, de titiller le complexe militaro-industriel nord-américain. Jusqu’à régulièrement se faire arrêter, poursuivre devant les tribunaux ou ficher par le FBI. (PD) Voir aussi

1966 - Henry Flynt & The Insurrections, « I Don't Wanna »

Artiste protéiforme par excellence, Henry Flynt n'a eu de cesse tout au long de sa carrière de lutter contre toutes formes de soumission aux classes dominantes. La culture était selon lui écrasée par l'ethnocentrisme, les catégorisations et les cloisonnements. Cet engagement de tous les instants lui valut très souvent de se mettre à dos certains amis proches comme La Monte Young et George Maciunas, avec lesquels au sein du mouvement Fluxus il dû prendre parfois ses distances. Influencé tout à la fois par le jazz, alors en pleine mutation formelle, via les albums de John Coltrane, et par la culture afro-américaine, Bob Dylan et les ragas indiens, Flynt, déjà à l'origine pour beaucoup de la notion d'art conceptuel, va alors développer ce qu'il nommera "Nouvelle musique ethnique américaine" confirmant ainsi son intérêt pour le hillbilly. En parallèle de ses nombreuses activités, Henry Flynt mettra tout en œuvre pour cultiver un engagement sans faille contre la guerre du Vietnam. Dans la chanson "I Don't Wanna", un morceau bluesy composé avec le batteur Walter De Maria sous le nom de Henry Flynt & The Insurrections, il dénonce l'éventualité d'être enrôlé de force pour combattre au Vietnam. Comme suggéré dans le titre, le narrateur ne voulait pas quitter son domicile, affronter la mort et être responsable de crimes envers le peuple vietnamien. Il appelle le gouvernement à lui donner un emploi pour pouvoir rester chez lui. (DMe)

" I don't wanna go to South of Vietnam

I don't wanna fight a million miles from home

I don't wanna kill the Vietnamese

I don't wanna be shot down in a bomber plane

Give me a job right here at home

Give me a government I call my own


1966 - Monks, « Monk Time »

Si l'on souhaite se faire une petite idée de ce que le rock (ici le garage rock) pouvait insuffler comme forme de subversivité en 1966, il faut dès lors se pencher sur ce brûlot à l'insondable perversité que fut leur chef-d'œuvre incomparable Black Monk Time. Fruit de la collaboration d'un groupe de cinq jeunes soldats américains basés près de Francfort en Allemagne de l'Ouest et porté par la voix hurlée du très charismatique chanteur Gary Burger déclamant ses textes sur un son bourdonnant, dissonant et bruitiste, presque du punk avant l'heure ! Sur scène, le groupe ne passe d'ailleurs pas inaperçu, adoptant un look de moines, jusqu'à se faire faire des tonsures par le barbier de l'armée tout en portant des robes de bure. Et puis, au milieu des larsens et des feedbacks assénés sur des rythmiques lourdes et entêtantes, se juxtaposent des textes abordant tout autant les thèmes chers aux autres groupes garage de l'époque (l'amour, les filles et les voitures) que des sujets plus graves et bien plus polémiques comme la haine, la mort et surtout la guerre du Vietnam. Cela vaudra d'ailleurs au groupe de se faire interdire de concert dans certains clubs allemands.

A ce titre, la chanson « Monk Time » s'oppose avec véhémence à l'escalade du conflit vietnamien : "Pourquoi tu tues tous ces enfants là-bas au Vietnam?". La chanson brocarde et dénonce l'aliénation des combats militaires, attirant l'attention sur les "fous Việt Cộng" et déclarant leur haine de toutes les armées : "Qui se soucie de quelle armée ?". Burger précisa qu'à l'époque ces slogans irritaient à la fois les militaires allemands et américains : "En plein concert, un spectateur se précipita sur scène pour tenter de m'étrangler ! Je lui ai donc brisé les côtes avec mon manche de guitare !". (DMe)


" It's hop time, it's monk time now!
You know we don't like the army
What army? Who cares what army?


Why do you kill all those kids over
There in Vietnam? Mad Viet Cong
My brother died in Vietnam...
We don’t like the atomic bomb, stop it, I don't like it "

1967 – Abner Jay : Vietnam

Abner Jay (État de Géorgie, 1921-1993) était un multi-instrumentiste et « one-man band » – il jouait souvent de plusieurs instruments à lui tout seul – afro-américain actif en franc-tireur entre folk et blues singuliers. Petit-fils d’esclave – et de joueur de banjo –, il s’est défini lui-même dans un tract pour un de ses spectacles comme « the last working Southern black minstrel » (se plaçant dans ces allers-retours entre culture noire et culture blanche, imitation moqueuse et raciste des Afro-Américains par les blackfaces, puis imitation des imitateurs, réappropriation par certains Afro-Américains eux-mêmes). Musicien dans un « medicine show » dès l’âge de cinq ans, il reprit une activité de musicien itinérant des années plus tard en sillonnant le sud des États-Unis dans un mobile home convertible en scène de concerts. Les enregistrements disponibles en disques, qu’il éditait à l’origine sur son propre label Brandie Records, gardent la trace de leur naissance sur scène et de cette forme de spectacle : à côté des chansons proprement dites, on y entend de longues parties parlées, entre traits d’humour, anecdotes et commentaires. C’est le cas avec le morceau « Vietnam » sur son premier album Terrible Comedy Blues (1967), chanson qui s’inscrit dans le genre quasi ancestral du couple mis à l’épreuve par le départ à la guerre de l’homme (p.ex. la chanson traditionnelle « Brave marin » ou « Devant le garage » de Jacques Demy et Michel Legrand) et qui commence par une longue introduction chantée, qui relie la chanson à la rencontre d’Abner Jay avec un jeune soldat partant au Vietnam. (PD)



It's really pitiful and terrible about this Vietnam War.
A young boy was in here last night.
He had just been drafted. He had to go to Vietnam.


And he had his little ol' girlfriend with 'im.
And she was cryin'! Because he had to leave her behind for the front.
It was hard when he left.
So they left here and went down to the depot.
And she was cryin' down there, because he pulled out too soon.
So he kissed her, and went off in his uniform.

1967 - Pete Seeger, « Waist Deep in the Big Muddy »

Écrite dans les années 1950 par Pete Seeger, « Waist Deep in the Big Muddy » raconte l’histoire d’un capitaine guidant sa patrouille en exercice dans une rivière de la Louisiane. Soudainement, le capitaine se noie – il ne s’était pas rendu compte que les eaux étaient si profondes malgré les interpellations de son sergent. Ce dernier prend alors le commandement et ordonne à ses soldats de faire demi-tour. Le narrateur ne souhaite pas faire la morale mais il raconte que quand il lit les journaux, il éprouve la même chose : il se sent « dans la gadoue jusqu’à la ceinture » tandis que « le grand idiot dit qu’il faut continuer ».

Un single sort en 1967, et Pete Seeger est invité à chanter le morceau dans une émission de CBS, Smothers Brothers Comedy Hour. La chaîne TV le censure au moment de la diffusion parce qu’il a interprété le texte intégral, y compris le vers à propos du « grand idiot » qui, à cette époque, est sans équivoque lié à l’engagement du président Lyndon Johnson dans la guerre du Vietnam. Sous la pression des frères Smothers, Pete Seeger est réinvité en 1968 à l’émission et peut chanter son morceau jusqu’au bout. (ASDS)

1967 - Country Joe & The fish, « I-Feel-Like-I’m-Fixin'-to-Die Rag »

« Country Joe » McDonald et Barry « The Fish » Melton ont monté ce groupe à San Francisco au milieu des années 1960. Il est rapidement devenu un pilier de la scène psychédélique californienne. Ils ont très vite établi leur réputation de musiciens engagés en se positionnant contre l’intervention américaine au Vietnam. Leur morceau le plus emblématique est ce « I-Feel-Like-I’m-Fixin'-to-Die Rag » qui démonte en quelques mots l’absurdité du conflit. Le texte ironique, chanté sur une base folk acoustique entrainante, se traduit approximativement par « Un deux et trois / pourquoi est-ce qu’on se bat ? / Ne me demande pas, J’sais pas / le prochain arrêt c’est le Vietnam » et se termine par « Youpie / on va tous mourir ». La version la plus célèbre du morceau est celle qu’ils interprètent au festival de Woodstock, faisant reprendre en chœur le refrain par 300.000 personnes. (BD)

1967 - Colette Magny, « Vietnam 67 »

La chanteuse, auteure-compositrice et interprète Colette Magny est surtout connue pour ses textes engagés et contestataires dans la mouvance du mouvement critique de 1968. Boudée par les médias de l’époque, son œuvre hors norme puisant dans le free-jazz et la musique classique, avec des textes critiques très personnels, eut une audience considérable dans les milieux militants.

Avec le titre « Vietnam 67 », elle rend hommage au peuple vietnamien et à son courage durant la guerre du Vietnam. Cette chanson politique et militante dénonce l’horreur de cette guerre et les politiciens qui n’en ont rien à faire. (CL)

" …Avec quatre cent mille hommes et leurs bombardiers
Avec quatre cent mille et leurs gaz toxiques
La défaite militaire suivra l'échec politique.


Nos paysans dressaient les abeilles sauvages au combat
Nous sommes toujours là
Alors Mac Namara, les accords de Genève
Alors Mac Namara, vous n'en avez donc rien à faire
Ho Chi Min vous l'a dit
Nous ne nous laisserons pas intimider. "

1967 - The West Coast Pop Art Experimental Band, « Suppose They Give a War and No One Comes »

Ce groupe psychédélique formé à Los Angeles en 1965 est présenté par certains (avec la dose d’exagération inhérente à ce genre d’assertions) comme « le pacte le plus faustien de l’histoire du rock ». Un soir d’août 1965, alors que les Yardbirds jouent dans son salon, l’ex-étudiant en Droit et fils de magnat du pétrole Bob Markley propose à une série de musiciens de leur payer des instruments, du matériel, des sessions d’enregistrement à la condition qu’il puisse intégrer le futur groupe (à la rigueur « juste pour jouer du tambourin »). Le producteur choisit (l’excellent !) nom du projet et, contre toute attente, la musique produite est très intéressante, particulière, tant dans les paroles qu’au niveau des climats, des arrangements, des harmonies vocales. Le morceau « Suppose They Give a War and No One Comes » gravé sur leur second album se présente d’abord comme « This is an African tribal chant » (mais rajoutant immédiatement « that we wrote », ce qui relativise tout de suite la première affirmation). Même sous ses dehors de chant de guerre africain, la chanson fait référence à un slogan des protestations hippies de l’époque contre la guerre du Vietnam (lui-même issu de la reprise déformée d’un vers de The People, Yes, poème épique de 300 pages de Carl Sandburg paru en 1936). (PD)



1968 - The Byrds, « Draft Morning »

Groupe rock/folk/country & psychédélique West Coast aux harmonies vocales toujours sublimes, The Byrds se fend sur son cinquième disque – The Notorious Byrd Brothers (1968) – d’un titre anti-guerre du Vietnam, « Draft Morning », d’un réalisme quasi cynique :


« Take my time this morning, no hurry
To learn to kill and take the will
From unknow faces »

(« Je prends mon temps ce matin, je ne suis pas pressé
D'apprendre à tuer et prendre la vie
De visages inconnus »)

Cette chanson sur l’absurdité de la guerre et de l’action de tuer des inconnus avait été écrite par David Crosby l’année précédente. Or ce dernier était sur le point de quitter le groupe, et lorsque qu’elle parut sur l’album, certaines de ses paroles avaient été modifiées et co-créditées à d’autres membres des Byrds. Un très beau titre néanmoins qui résonne en son centre (d’enregistrements) de bruits de guerre. (YH)

1968 - The Doors, « The Unknown Soldier »

Single tiré de l’album Waiting For the Sun (leur 3ème), The Unknown Soldier y va d’une prose pour le moins étrange, que le groupe illustrait sur scène – et en partie sur le disque – par un simulacre d’exécution, où le guitariste des Doors (Robbie Krieger) met à mort le chanteur (Jim Morrison) en se servant du manche de sa guitare, sous les roulements de caisse du batteur (John Densmore). Le morceau a non seulement été un hymne pour les opposants à la guerre du Vietnam, mais il résonne en écho aux mouvements d’agitation estudiantins et sociétaux qui secouent les grandes villes d’Europe, de Paris et de Prague en cette année 1968. Finement écrites, les paroles de la chanson épousent le discours rassurant véhiculé par les chaines d’information, tout en montrant sa compassion envers le soldat mort dans l’anonymat le plus total. Elle est aussi une réaction émotionnelle à l’offensive du Têt (point d’orgue du conflit au Vietnam) qui eut lieu en début d’année 1968. (YH)

1969 - John Lennon, « Give Peace a Chance »

Entre 1968 et 1972, en pleine guerre du Viêt Nam, John Lennon exprime son militantisme peace & love à travers des chansons emblématiques et des actions plus symboliques qu’efficaces.

Alors que s’achève la période Beatles, l’artiste Yoko Ono et John se marient et entament leur lune de miel par un « Bed-in » très médiatisé, à Amsterdam.

Allongés dans le lit d’une suite du Hilton, sous les panneaux "Hair Peace" et "Bed Peace", le couple chevelu partage sa vision de la paix dans le monde aux journalistes et aux médias. Cette représentation, autant artistique que militante, se répète quelques mois plus tard à Montréal en mai 1969.

Lors des huit jours de ce Bed-in for Peace, ils enregistrent « Give Peace a Chance », avec les personnes présentes dans la chambre, une chanson assez martelée dans ses couplets, scandant des mots juxtaposés de manière un peu désordonnée, suivis d’un refrain chanté et répété à l’envi « Tous, nous sommes en train de dire : Donnons une chance à la paix. »

Dans le contexte de la guerre du Viêt Nam, la chanson est devenue assez rapidement l’hymne du mouvement anti-guerre lors de plusieurs manifestations aux États-Unis, et surtout lors de la Marche du Moratoire, le 15 novembre 1969, quand Pete Seeger entonne Give Peace a Chance pendant dix minutes devant plus d’un demi-million de manifestants. (DMo)

1971 - Leonard Bernstein, « Mass »

Œuvre de commande pour l’inauguration du Kennedy Center de Washington, « Mass » est une œuvre parfaitement inclassable ! Elle se présente sous la forme d’un étonnant patchwork constitué de musique jazz, classique, rock, pop, gospel, musique de fanfare, de cirque, usant de bandes magnétiques, de guitares électriques, d'orgues... Certaines parties usent d’effectifs vocaux et instrumentaux démesurés, tandis que d’autres se voient interprétées par un soliste et un seul instrument. Cet oratorio scénique, aux accents de divertissement, a été retenu par l’histoire comme une œuvre de contestation de la guerre du Vietnam, ce qui valut à son auteur d’être mis – une fois de plus – sur liste rouge par les services fédéraux américains. Leonard Bernstein inquiétait depuis longtemps le gouvernement américain par ses prises de position proches du communisme, une idéologie violemment combattue par le maccarthysme dans les années 1950. Dès ce moment, le compositeur est surveillé par le FBI, placé dans le « Security Index », son passeport confisqué en 1953… Défenseur ardent des minorités raciales et des délaissés de la société, il ne cache pas non plus son opposition à la guerre du Vietnam. Lorsque, pour s’informer des rites catholiques, il entre en contact avec le prêtre militant Dan Berrigan, activement recherché par les services du renseignement, il ravive la méfiance, voire la paranoïa de l’agence. Celle-ci croit bon d’informer la Maison Blanche du risque de messages subversifs glissés dans les passages en latin de « Mass » et déconseille au président Nixon d’assister à la création. Si le livret ne recelait finalement pas de messages codés, il exprimait par contre suffisamment le doute et la révolte pour affoler le FBI de l’époque ! (NR)

1972 – Revolutionary Ensemble, « Vietnam 1 & 2 (at the Peace Church) »

Il est toujours difficile – surtout dans l’impossibilité de contacter les musiciens, morts en 2007, 2009 et 2015 – de définir précisément en quoi une œuvre s’articule par rapport à un évènement historique qui lui donne son titre, quand son statut de musique instrumentale nous prive de paroles ou d’un texte auquel nous raccrocher. Il ne fait cependant aucun doute, vu la date de ce concert, son lieu d’enregistrement et l’ancrage du percussionniste Jerome Cooper, du contrebassiste Sirone et du violoniste Leroy Jenkins dans la très avant-gardiste et socialement aiguisée Association for the Advancement of Creative Musicians (AACM), que l’album de ce trio de musique pour cordes et de peaux tendues se réfère bien à la guerre du Vietnam. Pour le musicien militant Eugene Chadbourne, « Évidemment, n’importe qui d’un peu intelligent avait des sentiments forts à propos de la guerre du Vietnam au début des années 1970, et on pourrait affirmer sans se tromper que n’importe quel concert de ce groupe concernait le Vietnam – mais tout autant que ce concert-ci et tous les autres concernaient d’autres sujets aussi. » Le disque a été enregistré à la « Peace Church », surnom de l’église St. Mark’s in the Bowery, haut lieu de la culture – et de la contreculture – new-yorkaise depuis les années 1920, ayant accueilli, entre autres, Isidora Duncan, Martha Graham, William Carlos Williams, Sam Sheppard, Patti Smith, Allen Ginsberg… ou le Revolutionary Ensemble. (PD)

1973 - Bill Withers, « I Can't Write Left Handed » (Live)

Auteur de quelques grands classiques de la soul, Bill Withers n'est pourtant que l'un des rares troubadours de la Great Black Music. À l'instar de Terry Callier et Jon Lucien, il mit en avant des compositions d'une grande profondeur, aux dimensions poétiques et sociales assez uniques en leur genre. Ses hits comme « Ain't No Sunshine », « Use Me » et « Lean On Me » éclipsent hélas une œuvre trop méconnue qui fort heureusement est sans cesse redécouverte ces dernières décennies, via des reprises de ses morceaux mais aussi grâce aux artistes issus de la scène hip hop qui ont très souvent samplé certains éléments de ses compositions.

Enregistrée en concert au Carnegie Hall, la chanson « I Can't Write Left Handed » est l'une des premières chansons publiées après la fin officielle de l'implication directe des États-Unis dans le conflit vietnamien. En introduction de la chanson, Bill Withers précise que la guerre avait "été déclarée terminée" et que le conflit avait été "une grande régression". Cette chanson parle de ces jeunes gens enrôlés dans ce conflit sans avoir la moindre connaissance des sujets politiques et qui, en voulant respecter les lois, avaient accepté de s'engager sans se poser la moindre question. Il met ici en lumière spécifiquement le destin d'un soldat qui "venait juste de rentrer" du Vietnam et qui avait perdu un bras. Withers se rappelle sa conversation avec ce vétéran : « La guerre est déclarée terminée. Si vous êtes comme moi, vous vous en souviendrez comme d'un grand gâchis. Nombreux sont ceux qui écrivent des chansons sur les guerres et le gouvernement avec, en filigrane, des thèmes à la dimension sociale, mais je pense surtout à ces jeunes gens qui n'avaient aucune idée de ce que signifiait véritablement l'engagement des États-Unis dans la guerre du Vietnam. J'ai vu un jeune homme qui avait perdu son bras. Je viens de rentrer. Je lui demande comment il allait. Il me répond que se faire tirer dessus ne le dérangeait pas. Dans la chanson principale, le vétéran qui a perdu son bras ne pouvait pas comprendre pourquoi "l'étrange petit homme ici au Vietnam" lui tira "dans l'épaule". » (DMe)


"I can't write left-handed
Strange little man over here in Vietnam
I ain't never seen, bless his heart



Ain't never done nothing to
He done shot me in my shoulder...
Boot camp we had classes
You know we talked about fightin', fightin' everyday
And lookin' through rosy, rosy colored glasses
I must admit it seemed exciting anyway
But something that day overlooked to tell me

Bullet look better I must say
Rather when they comin' at you
But go without the other way."

1975 - Jean Ferrat, « Un air de liberté »

Peu présent dans les médias pendant sa carrière, Jean Ferrat, auteur-compositeur et interprète de chansons à texte reconnu pour son talent de mélodiste, évolua entre chansons engagées, sentimentales et poétiques.

Son titre « Un air de liberté » fut enregistré à la fin de la guerre du Vietnam en 1975 et fait partie de l’album La Femme est l’avenir de l’homme. Dans ce morceau, Jean Ferrat interpelle Jean d’Ormesson, alors directeur du Figaro, en réaction à un article qu’il a écrit et fait paraître le 2 mai 1975, dans lequel on peut lire « Seulement sur tous les excès et sur toutes les bavures soufflait encore un air de liberté. Une liberté viciée, sans doute, mais une liberté. ».

Cette chanson écrite en réaction, et censurée, dénonce la guerre au Vietnam mais aussi « la presse de la grande bourgeoisie qui a toujours soutenu les guerres coloniales ».

Le texte se révèle être un des plus violents et dynamiques du répertoire, cela ressemble plus à une lettre ouverte mise en musique. (CL)

« ... Ah monsieur d'Ormesson
Vous osez déclarer
Qu'un air de liberté
Flottait sur Saïgon
Avant que cette ville s'appelle
Ville Ho-Chi-Minh »


« Après trente ans de feu de souffrance et de larmes
Des millions d'hectares de terre défoliés
Un génocide vain perpétré au Viêt-Nam
Quand le canon se tait vous vous continuez … »

1985 - Paul Hardcastle - « 19 »

Comme beaucoup de morceaux parlant du Vietnam, ce « 19 » du musicien anglais Paul Hardcastle donne un point de vue avant tout américain sur le conflit, et s’inquiète du sort des vétérans sortis passablement meurtris par les combats. Son approche est toutefois assez inédite pour son époque, à sa sortie en 1985. Le morceau est un collage de beats électroniques et de voix samplées, entre autres du documentaire Vietnam Requiem. Le narrateur Peter Thomas y raconte le sort des soldats revenus d’une guerre sans gloire, et surtout sans aucun soutien du gouvernement qui les y avait envoyés. La plupart d’entre eux souffraient de traumatismes jamais soignés, incapables de se réinsérer dans la société, et sombraient dans l’alcool, la drogue ou la délinquance. Il souligne aussi assez cruellement que, si jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la moyenne d’âge des soldats était de 25 ans, au Vietnam elle était de 19. (BD)

1988 - Bérurier noir, « Vietnam Laos Cambodge »

Le groupe français de rock punk de la scène alternative Bérurier Noir sort en 1988 la chanson « Vietnam Laos Cambodge » qui fait partie du EP Opération Sampan . Un morceau écrit en soutien aux associations de réfugiés du Sud-Est asiatique.

La chanson aborde l’horreur de la guerre mais aussi les conséquences de l’après-guerre (régime communiste, tensions politiques importantes, la guérilla, immigration…) (CL)

« Ont survécu à la mort
Que reste-t-il du Viêtnam
Après les tonnes de Napalm
Les camps de rééducation
La fuite comme seule solution »

« … Oh petite Vietnamienne
Qui galère dans les rues
Dans la vie comme dans tes rêves
Tu cherches le dragon perdu
Oh petite Vietnamienne
Je suis eurasien de coeur
Ecoute-moi parce que je t'aime
Tu seras ma petite soeur
Exilée comme tes parents
Nouveau pays nouvelle vie
Mais sais-tu que l'Occident
Ce n'est pas le paradis? »

2006 - Jedi Mind Tricks (Feat. R.A. the Rugged Man), « Uncommon Valor: A Vietnam Story »

Extrait du cinquième album du groupe de Philadelphie, Servants in Heaven, Kings in Hell sorti en 2006, « Uncommon Valor: A Vietnam Story » aborde via deux récits l’expérience de militaires américains lors de la guerre du Vietnam. Ce titre est considéré comme l’un des plus grands morceaux de rap qualifié de « storytelling ».

Pour annoncer la couleur, le morceau s’ouvre sur un extrait du discours de démission de Richard Nixon.

Sur le premier couplet, Vinnie Paz raconte à la première personne l’histoire d’un jeune soldat choqué et effrayé, stationné à Gia Dinh et qui, après avoir été le témoin d’un massacre et de la corruption au sein de l’armée, remet en question les véritables motivations de la guerre au Vietnam.

R.A. the Rugged Man raconte dans son verset l’expérience de son propre père, le « héros » de guerre et sergent d’état-major John A. Thorburn, qui a failli être tué dans un accident près du Cambodge après que le pilote de son hélicoptère ait été abattu, et qui découvre, après son rétablissement, avoir été exposé à l’agent orange, ce qui expliquerait que deux de ses enfants soient nés avec des handicaps physiques et mentaux.

Au-delà de l’écriture à proprement parler, ce morceau se démarque également par sa production boom-bap sombre et entêtante et surtout par le flow des deux rappeurs, agile, rapide et précis. (IK)

2015 - Hanoi Masters: War Is a Wound, Peace Is a Scar

Une guerre a toujours deux côtés, et celle qui est nommée « Guerre du Vietnam » par les Américains est connue sous le nom de « Guerre américaine » par les Vietnamiens. Au niveau humain, elle a laissé des traces très profondes, tuant plus de 1 200 000 personnes dans le pays asiatique (250 000 du côté américain, selon les chiffres de Wikipédia). Si, aux États-Unis, de nombreuses chansons de protestation ont été écrites durant la guerre, au Vietnam, ce phénomène est peu documenté mais il a inspiré a posteriori certains artistes. En 2004, Ian Brennan (producteur de Tinariwen) est parti à Hanoi pour enregistrer des musiciens de l’ancienne génération, des vétérans de la guerre, et a sorti un disque sur le label Glitterbeat, Hanoi Masters: War Is a Wound, Peace Is a Scar. Les artistes parlent de la guerre dans les paroles de leurs chansons, mais elles ne sont malheureusement pas retranscrites ni traduites dans le livret du disque. Les tonalités et les mélodies, accompagnées d’instruments traditionnels, laissent cependant transparaître une ambiance très mélancolique et empreinte d’une grande tristesse. (ASDS)

Ont participé à cette playlist : Anne-Sophie De Sutter, Philippe Delvosalle, Benoit Deuxant, Yannick Hustache, Igor Karagozian, Céline Lepinois, David Mennessier, Daniel Mousquet et Nathalie Ronvaux.

Image de bannière: Vietnam War - 2nd Moratorium - Washington, D.C. - November 15, 1969 - Dr Dennis Bogdan

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