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Focus

« Verisimilitude » au MIMA

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nature, expérience, sonore, visuel, robots, technologies, transhumanisme, Mima museum, machine, humain

publié le par Jean-Jacques Goffinon

Félix Luque expose sa science-fiction du présent.

Alors que beaucoup travaillent à imaginer un futur désirable devant notre présent funeste, Felix Luque Sánchez et ses acolytes (Damien Germay et Iñigo Bilbao) se placent dans un futur proche plutôt post-catastrophe pour investiguer ce qu’il reste de notre présent. En utilisant des technologies de pointe, ils scannent les ruines de l’industrie carbone pour une iconographie graphique, métallique et brute. « Verisimilitude » est une expo directe, hypnotique parfois, mais absolument radicale.

Carcasses mortes et tattoo pour épaves

Avec Junkyard et The Material Culture of Mobility, Felix Luque imagine le monde comme un parking abandonné, sorte de charnier pour carcasses automobiles. Il grave, à même les tôles de voitures, des modes d’emploi pour construction de moteur. Une mise en abîme doublement ironique puisque cette gravure est faite au micron près, par un astucieux procédé technique, lui aussi mis en scène. Il en résulte des œuvres qui mêlent l’abandon et le désœuvrement à une forme esthétique particulièrement contemporaine et rutilante. La voiture devenant par ce biais le symbole du monde passé, rendant l’histoire industrielle de l’homme plus marquante que l’Histoire de l’homme elle-même. S’ensuivent des déclinaisons, sorte d’archéologie imaginée : parties de pneu en plâtre reconstituées dans des moules dessinés par scanner, capot de voiture gravé et exposé pareil à un tableau muséal, plan de New York découpé au laser sur de la gomme et exposé indifféremment tel un filet de pêche. Il faut aussi noter l’ironie d’un interminable fil barbelé : un fake découpé, lui aussi au laser, dans un fin aluminium plat et dont les croisements ne sont pas parés de dents de métal enchevêtrées, mais de dessins de carrefours autoroutiers.

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Réminiscences éthérées

Puisqu’il s’agit ici de revenir sur les traces du monde perdu, avec Memory Lane, Bois morts et VOID, l’artiste se souvient des paysages de son enfance : des Asturies sauvages de grottes profondes, de forêts épaisses et de montagnes de bois. Ces réminiscences ne sont évidemment pas livrées sans une analyse de forme et un travail technique de décomposition-reconstruction. Le scanner 3D toujours aussi présent propose des images-fragments plus évocatrices que représentatives. Nous sommes dans le souvenir poétique diffus dont la figuration est épisodique et impalpable. Une forêt surgit de l’obscurité par le prisme d’une photo de notre smartphone. La reconstitution d’une pierre appartenant à une grotte asturienne flotte, improbable, dans l’air, guidée par un mécanisme robotique non dissimulé. Un amas de bois mort a pris l’allure d’une structure de néons dont les branches électroniques produisent des paysages éphémères, hypnotiques, dans une énergie aléatoire.  Une falaise reconstituée par scanner dégage une lumière pleine, sans profondeur, qui nous invite à la méditation. Entre poésie et technologie, cette deuxième partie est une riche proposition livrée au ressenti de chacun. Un ressenti qui se confronte inévitablement avec la tangible et matérielle première partie.

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L’éternité heureuse ?

La conclusion, l’œuvre Perpétuité, est une installation purement robotique qui, dans un ballet conjugué, dessine et balaye la forme d’un grand huit, signe d’infini. Pourtant, au-delà de l’humour évident, la question posée tient dans l’éphémère de nos promesses d’éternel face à la technologie diktat. La science et les progrès technologiques bousculent les croyances, religieuses ou pas, et l’avenir, ici, appartient uniquement à la machine surpuissante et absurdement répétitive. Un questionnement qui ne laisse pas de marbre.

D’un premier abord moins pop et urbaine, « Verisimilitude » pourrait sembler une exposition atypique pour le Millenium Iconoclast Museum of Art, mais elle ne l’est absolument pas. Cette nouvelle iconographie du présent décompose en symboles notre industrie carbone, la façonne en traces et témoignages. Elle la confronte ensuite à la nature et son souvenir parcellaire. L’expo de Félix Luque est à voir absolument autant pour la réflexion artistique, les procédés esthétiques innovants, que pour l’expérience éprouvée. Un grand moment.

Exposition | Verisimilitude
Mima Museum
31.01 > 30.05

Photos de ©laetitia bika

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