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Focus

"Un monde" de Laura Wandel

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harcèlement, école, enfants, Laua Wandel

publié le par Yannick Hustache

C’est le début de l’année scolaire. Nora entre à l' école primaire. Et c’est pour elle une véritable épreuve de force que de quitter la main de papa, ou même de s’éloigner de son grand frère Abel, de franchir le portail d’entrée de la cour et rejoindre sa nouvelle classe.

Un nouveau monde

Abel, elle le cherche sitôt qu'a retenti la cloche de la récréation. Mais dès qu'elle le retrouve, le garçon la rejette promptement et lui somme de prendre ses distances, parce que ses « nouveaux (?) copains » de classe ne rigolent pas avec ceux qui restent avec les « petits » !

Et Nora est priée de rester à bonne distance et d’assister impuissante au désormais spectacle permanent de son frère, devenu dès ce moment la tête de Turc du petit groupe de garçons de son (?) année, passer d’un mauvais traitement à un autre.

Insulté, diminué, poussé, frappé ou encore subissant un « shampoing » rincé à l’eau des toilettes de l’école, Abel subit un calvaire que Nora voudrait bien faire cesser. Mais comment ? Appeler une surveillante/institutrice ? Elles sont débordées, jamais au bon endroit/moment pour surprendre le triste spectacle. Prévenir son papa ? Mais pas plus que chez les adultes, ça ne se fait pas d’aller se plaindre chez les "autres" (comprenez :parents, directeur, enseignants…) et ça finit toujours par se retourner contre celui qui brise la sacro-sainte règle du silence !

Nora, qui elle-même a besoin de toute son énergie pour exister/s’affirmer auprès de ses nouvelles copines de classe qui ne voient d’un pas très bon œil ce grand frère apeuré, frustre, « qui sent (parfois) la pisse » venir prendre ses tartines à leur table. Une situation déjà bien inconfortable pour nos deux écoliers et, qui va prendre une tournure tragique et mettre à rude épreuve ce lien fraternel qui relie - envers et contre tout - les deux enfants.

Un monde sur le fil

On parle de plus en plus régulièrement des problèmes de harcèlement scolaire (et ailleurs) dans les médias et dans la sphère politique depuis quelques années. Sujet complexe et sensible, il est parfois porté à l’écran dans des productions cinématographiques et télévisuelles qui, il faut bien l’avouer, sont rarement convaincantes.

Parce que l’essentiel est là : comment gagner sa place dans la communauté miniature qu’est la classe/l’école/lafamille — Yannick Hustache

Dans Un monde Laura Wandel filme un champ de bataille strictement circonscrit. Tout se passe dans un espace clôt, strictement délimité, dont la frontière est cette grille d’entrée où les parents laissent leur(s) enfant(s) pour des journées d’école, répétitives et régulièrement éprouvantes. On est immédiatement immergés dans une réalité dont le regard se situe tout au plus à un mètre du sol, avec une caméra qui suit, talonne, colle Nora et Abel à hauteur même de ce qu’ils voient et entendent. Les adultes (en dehors du père et des deux institutrices) sont relégués hors-champ ou le plus souvent floutés. L’école y est davantage qu’un lieu d’apprentissage et de sociabilité, un espace d’affrontement contre soi, les autres et le monde. C’est le « petit soldat » Nora qui part bon gré mal gré à la conquête de son espace quotidien (la classe, le réfectoire), de son autonomie, de sa reconnaissance par autrui, puis qui se voit forcée d’(et de s’) interroger sur la réalité qui l’entoure et ses règles implicites de fonctionnement, de poser ses premiers choix moraux (dénoncer les mauvais traitements dont est victime frère, l’accepter ensuite à sa table…). Parce que l’essentiel est là : comment gagner sa place dans la communauté miniature qu’est la classe/l’école/la famille. C’est aussi la solitude désespérée d’Abel qui ne peut que dans un premier temps « retourner » la violence subie contre lui-même par dégradation (il se pisse dessus), avant de la déchainer à son tour contre l’un de ses camarades de classe.

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Le père (Karim Lekou) et Abel (Günther)

Seul.e.s au monde

Si le Un monde de Laura Wandel ne dépasse pas les limites de la petite école primaire, il est en écho (un reflet ?) de cette « société » des adultes qui l’englobe. Ainsi, sur la seule rumeur que le père soit privé de travail, Nora se voit rejetée par ses copines de classe et ne reçoit pas de carton d’invitation à la fête d’anniversaire de l’une d’entre-elle. De même, l’attitude du père de l’un des enfants « persécuteurs » d’Abel au cours du conseil de classe, laisse à penser que lui-même est peut-être victime de mauvais traitements de son paternel. Quant au milieu scolaire en général et ses représentantes au quotidien, les institutrices, elles sont montrées comme de magnifiques mais dépassées combattantes (mention spéciale à Laura Verlinden, rare soutien et aide temporaire vers laquelle Nora peut se tourner) qui sont comme des digues humaines dressées face au chaos social qui menace.

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Nora & Abel

Un monde presque parfait

La violence (harcèlement) scolaire n’est dans ce film pas une affaire de suprématie des forts sur les faibles et du lot d’injustices sociales et de questions morales qui en découlent mais davantage l’enchainement circonstancié de situations où, au sein de notre société, des individus – enfants comme adultes - passent tour à tour du rôle de bourreau à celui de victime en passant par celui de témoin, et inversement. L’attitude et le comportement d’Abel, en seconde partie de film sont à cet égard symptomatiques de ces basculements comportementaux momentanés.

Un monde est une première œuvre, intense, magnifique qui pose d’emblée un regard singulier de cinéaste ; Le film est court dans sa durée - moins d'1h15 - , sans une note de musique, mais on en ressort comme éreinté mais néanmoins satisfait d’avoir été confronté à un vrai point de vue d’auteure. On en veut aussi pour preuve ces dialogues d’enfants qui ne ressemblent en rien à ceux « trop écrits » que l’on entend dans trop de fictions avec et pour les « bouts d’choux » et des images élégantes et intrigantes de corps malhabiles d’enfants à la piscine qui renvoient à son premier court-métrage Les corps étrangers.

À suivre!


Texte : Yannick Hustache

Relecture : Anne-Sophie Vermaut

Crédits images : © Gudrun Burie


Sortie en Belgique le 20/10/21

Distribution : Lumière


Agenda des projections

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En Belgique francophone, le film est programmé dans les salles suivantes :

Brabant wallon : Ciné Centre de Rixensart, Cinés Wellington

Bruxelles : Aventure, Le Stockel, Vendôme, Le Palace

Hainaut : Quai10

Namur : Cinéma Cameo

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