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Focus

Topographies imaginaires

publié le par Françoise Vandenwouwer

Topographies imaginaires, une création radiophonique de Gauthier Keyaerts, rencontre les univers de quatre artistes du son, Patrick Codenys, Baudouin de Jaer, Léo Küpper et Baudouin Oosterlynck. Ils racontent leurs parcours, les influences et […]

Sommaire

Patrick Codenys est membre du groupe FRONT 242 fondé en 1981. Il mène aussi de nombreux projets en solo,  musiques de scènes, installations sonores, DJ Set…  Il est professeur de création sonore à La Cambre et fait partie du collectif SoundImageCulture.

Malgré des études artistiques orientées vers le graphisme, la découverte du synthétiseur dans les années 80 lui fait abandonner le visuel  pour le son, « cet inconnu avec cette machine inconnue ». Le synthé lui apparaît comme une opportunité, un outil d’expression personnelle, de recherche et de découverte. Cette « boîte magique » semble même offrir la possibilité de créer une « musique belge » d’y trouver une identité artistique en tant que belge, car le synthé n’a à l’époque que peu de références et offre encore une multitude de pistes à explorer. Patrick Codenys, âgé alors de 23 ans, se pose des questions face à cette machine qui « sort des sons qui n’appartiennent ni au rock, ni au jazz, ni au blues, ni à la musique classique, des sons qui viennent de nulle part ». La machine est complexe. « Comment vais-je me débrouiller pour en sortir quelque chose ? » L’artiste parle du rapport créateur entre la machine et l’homme, de l’importance du ressenti de l’instant de création, de la qualité humaine du travail qui se perd lorsqu’on utilise des banques de sons, opérant ainsi une sélection après coup, ce qui pour lui dénature l’acte de création.

Patrick Codenys aborde ensuite le monde du son et observe que le monde visuel fragmente les perceptions qui forment une suite de séquences tandis que le son offre une perception globale de l’environnement. Le son n’est pas un langage écrit comme celui du cinéma, il reste un domaine qui travaille sur le global.

L’architecture et le cinéma ont influencé ses recherches créatives sur le synthé, ce nouvel instrument. Ayant suivi des cours d’architecture lors de ses études, il avait connaissance des structures, des trames, des volumes qui s’imbriquent, des espaces de circulation «une aide pour essayer de trouver une structure ailleurs que dans les fondements de l’histoire de la musique. » Avec FRONT 242, il expérimente ces recherches, strates de sons, grilles, matrice sonore…

Le synthétiseur permet de créer des sons inconnus et le caractère lyrique, poétique, l’imaginaire du monde du cinéma offrait l’inspiration pour ces qualités de sonorité.

Patrick Codenys évoque les changements survenus depuis les années 80 dans les méthodes de création. Un véritable dialogue artistique régissait le travail entre les différents acteurs, membre du groupe, firmes de disques, et autres disciplines artistiques concernées. Aujourd’hui, le travail est plus individualiste, plus fragmenté. Il faut être flexible et pouvoir naviguer entre différents univers, dans une société plus complexe usant de technologies plus complexes. Dans les projets, il y a de l’aléatoire, c’est au coup par coup. Diversité, flexibilité, processus, il faut avancer « dans le cadre d’une vie parsemée de plein de projets. »

Suit une pièce sonore inédite de l’artiste, Neige.

 

 

Baudouin de Jaer, c’est une imagination en perpétuelle ébullition. Les souvenirs fusent.  Il parle vite, son discours est très expressif et on imagine les gestes qui l’accompagnent. Compositeur, passionné par la nature dès l’enfance, il raconte qu’il se destinait à l’agronomie jusqu’au jour où le jeu d’un quatuor à cordes entendu chez des amis produit en lui une telle secousse qu’il décide de s’orienter vers la musique. On lui conseille le conservatoire de Liège, plus axé sur la musique contemporaine et où travaille Henri Pousseur. Aller-retour entre passé et présent, il évoque un violon découvert dans une boîte chez sa grand-mère, une sensibilité dès l’enfance au monde et à la société, des questions rassemblées dans des journaux de bord qui deviendront source d’inspiration pour les premières créations. Une imagination déjà très créative, il écrit des histoires, il dessine et puis compose une première pièce musicale. Il improvise avec son frère. Il aime rassembler les autres, former des groupes, partager des expérimentations.

Il évoque les premières créations dont  Le septuor pour huit instruments, une composition complexe dont la pièce principale sera un cône mis en rotation…  

Puis les grands projets, Back to normal, orchestre d’un jour ouvert à tous sans aucune connaissance musicale préalablement requise, Le Cirque des sons, qui se déplace avec ses instruments pour aller faire de la musique avec des enfants. Il raconte la formidable aventure du cirque en Slovénie durant la guerre, le cirque installé dans un camp de réfugiés… et puis la Maison de la création à Bruxelles.

Suit une improvisation de Baudouin de Jaer, Solstice.

 

Léo Küpper, imprégné de l’image sonore de la nature qui l’entourait avant qu’il ne gagne la ville pour ses études, se sent très vite enfermé dans un enseignement de la musicologie qui privilégie Moyen-Age et Renaissance dans la rigueur d’une discipline trop classique. Il se crée alors une formation parallèle en électronique et approche de la médecine tout en « fouinant dans la bibliothèque » où il trouve des revues de musique contemporaine, des livres sur la technologie. Un jour il entend la musique d’Henri Pousseur. Il le rencontre et se dirigera dès lors vers la technologie musicale plutôt que vers la musique instrumentale. A cette époque il n’y a pas de maître en électro-acoustique et si Henri Pousseur lui apprend la technique, il ne sera pas un maître de composition. Il faut donc se plonger soi-même dans le son, expérimenter pour comprendre. Cette appréhension plus profonde de ce qu’est le son permet aussi une approche spirituelle de la matière en laquelle l’artiste peut alors «se regarder comme dans un miroir». Si au départ on s’intéresse à la sémantique du son, ce qui peut constituer un premier niveau d’expérience, celle-ci se révèle « un écran, une couverture qui cache la vérité ». On en revient alors à l’écoute du son, deuxième niveau d’approche  mais qui cache lui aussi la vérité. Le troisième niveau d’expérience sera « le vrai niveau, là où il faut arriver ». C’est là où on lutte avec la matière. « En poussant l’analyse à un niveau extrême, lorsqu’on comprend comment nous fonctionnons par rapport à la matière, le son devient «la» religion, la religion unique. »

Léo Küpper entreprend des recherches sur la voix. Il étudie et imite « tous les chants du monde » et développe par l’expérience de l’imitation son « organe phonatoire ». Son rapport à la nature le fait s’intéresser à l’espace qui dans les champs et les forêts, en avant-plans et arrière-plans, révèle une complexité merveilleuse de sonorités qui s’interpénètrent. Il construira des automates équipés de microphones, d’amplificateurs, de circuits électroniques internes qu’il pourra disposer comme il le voudra dans l’espace, ce qui lui permettra d’étudier les mouvements du son et d’analyser plus tard les différences minimales des perceptions spatiales.

Léo Küpper lit un poème extrait du recueil  Entre le sourire et les larmes

 

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Si Baudouin Oosterlynck, tapote et improvise déjà sur le piano de la maison familiale, c’est dans un collège de frères Capucins, à Tournai, où il est interne, qu’il suivra des cours. Mais il préfère l’improvisation à la lecture des partitions. La tolérance de ces éducateurs qui connaissaient la musique et l’attention  qu’ils portaient aussi à la musique contemporaine ont certainement joué un rôle dans l’évolution de leur jeune élève. A l’université, Baudouin Oosterlinck fonde un cabaret qu’il appelle L’oreille cassée. Tout le monde peut venir y jouer pour peu qu’il joue sa propre musique. L’artiste « tripote des pianos façon Cage », il fabrique des sons. Il découvre l’enregistreur et peut alors « jeter » toutes ses créations sur bandes magnétiques. Lors d’une expérience d’enregistrement de sonorités vocales avec des handicapés mentaux, il observe la fascination qu’exercent sur eux les baffles d’où sortent les sons de leurs voix. Ce qui l’amène vers une autre expérience,  induire la musique dans des murs, des sols, des plaques vitrées. Que l’auditeur puisse coller son oreille contre la paroi et entendre une œuvre qui serait en rapport avec le support. Pour écouter il faut une certaine qualité de silence. Baudouin Oosterlynck s’intéresse alors aux phénomènes de réverbérations. Il entreprend un voyage de 15 000 km à pied et à vélo pour chercher dans la nature, différentes qualités de silence. Ainsi sont nées les Variations du silence.

Lecture du texte Le corps silencieux Opus 212, Octobe 2013 - Février 2014, écrit après une hospitalisation

Topographies imaginaires - HE 1728

Réalisé par Gauthier Keyaerts avec l’aide d’Adeline Weckmans.

Projet soutenu par Radio Campus Bruxelles et financé par le Fonds d’aide à la création radiophonique de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

Françoise Vandenwouwer