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Focus

Séminaire Input, Poke & Save

Input

formation, art ludique, industrie, séminaire, jeu video, plateforme numérique, anciens jeux, code source

publié le par Thierry Moutoy

Entre janvier et juin 2021, le séminaire INPUT, POKE & SAVE a donné lieu à six conférences en ligne faisant un panorama affûté des enjeux liés à l’étude des plateformes et l’étude du jeu vidéo. L'occasion idéale de poser quatre questions à Pierre-Yves Hurel et Yannick Rochat.

Le Liège Game Lab et le GameLab UNIL-EPFL, Groupe d'étude sur le jeu vidéo de l'Université de Lausanne et de l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne, organisent pour le deuxième semestre consécutif un séminaire en ligne ayant pour thématique l’étude de plateformes et d'histoire des jeux vidéo, à savoir l'association d'un hardware (une console par exemple) et de son écosystème de logiciels, d’utilisateurs, et de pratiques culturelles associées (détournements, presse spécialisée, etc.).

Jusqu’à fin 2021, ce n’est pas moins de quatre interventions qui, toutes, aborderont, depuis différents angles, la question des pratiques liées à ces plateformes, sous l’angle de l’appropriation, de la modification, de la conception et de leur médiatisation. Le séminaire est toujours gratuit, accessible à toutes et tous, et intégralement en ligne sur la plateforme Discord.

Dans ce contexte, nous avons posé nos questions à Pierre-Yves Hurel et Yannick Rochat.

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Pour la deuxième saison de votre séminaire Étude de plateforme et histoire des jeux vidéo, la question de la conservation du patrimoine et du rétrogaming sera abordée. Pourquoi avoir choisi ce thème ? Comment se déroule la collaboration entre le Liège Game Lab et le GameLab de Lausanne ?

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Les plateformes de jeux vidéo déclarées « obsolètes » par l'industrie du jeu vidéo ne le sont jamais vraiment : des communautés d'amateurs se forment et continuent de s'en servir, de créer de nouveaux jeux, parfois même de modifier et d'améliorer le hardware. Le DAI, ordinateur fabriqué en Belgique, est l'objet de l'attention d'une petite communauté, par exemple. Mais on peut aussi évoquer des exemples bien plus célèbres avec un regain d'intérêt actuellement autour de la Game Boy.

Ces pratiques d'amateurs invitent à penser le jeu vidéo en dehors du seul grand récit industriel de la progression technologique et du remplacement des machines obsolètes par de nouveaux supports plus puissants, au profit d'une vision où les consoles peuvent cohabiter et incarner cette grande diversité propre au jeu vidéo. C'est un ensemble de petites bulles culturelles fascinantes, qu'on retrouve depuis les années 1980 jusqu'à aujourd'hui et qui sont de plus en plus étudiées par les chercheuses et chercheurs. Cela permet aussi de se poser à nouveau des questions à propos du patrimoine et de sa conservation car il est autant nécessaire de souligner l'importance de la sauvegarde des supports et des vécus individuels que de considérer ces plateformes comme une matière vivante, qu'il faut continuer à suivre et à étudier.

Nous co-organisons le séminaire à deux, Yannick depuis Lausanne et Pierre-Yves depuis Liège. C'est un des avantages du format de séminaire en ligne : il aurait été beaucoup plus fastidieux d'organiser un séminaire en présentiel et de collaborer de manière aussi étroite depuis nos milieux respectifs.


La préservation du code source (l’équivalent du script pour un film) des anciens jeux a un traitement très inégal. Entre Square Enix, qui perd celui du premier "Kingdom Hearts" (ce qui explique la longue durée de la remastérisation), Sega, qui a perdu une bonne partie de celui de plusieurs jeux (dont le premier "Sonic") et Ron Gilbert, le créateur de Monkey Island, qui a fait don du code source, l'écart est grand.

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La préservation du code source est souvent un problème. On peut partir du principe que le code source d’une bonne partie des jeux vidéo précédant la vente dématérialisée (où il a soudain fallu garder le code source à portée pour pouvoir le mettre à jour) est perdue. En effet, l’histoire nous montre que l’archivage du code source a souvent été délaissé pour des raisons de production, où cela n’apparaissait pas comme une tâche prioritaire. Il est généralement possible de désassembler un jeu vidéo (c’est-à-dire reconstruire son code source d’origine, à l'exception des noms des variables ), voire de reprogrammer le jeu, mais ce type d’effort est très coûteux et généralement réservé aux fans. Nous aimerions que cela change.

Est-ce qu'analyser le code source d'un jeu permet aussi de découvrir des phases cachées et des fonctionnalités non-exploitées d'un jeu ?

Nous ne sommes pas dans le secret des dieux, mais nous observons en effet une prise de conscience de quelques entreprises par rapport à leur patrimoine. Ce n’est probablement pas (encore) un grand mouvement. Les informations qui arrivent jusqu’à nous mentionnent le plus souvent une absence totale de prise de conscience pour l’archivage des jeux vidéo.

Avec les coûts de production et le stress lié à la sortie des jeux, on peut comprendre que certaines entreprises ne voient pas ça comme une priorité. Ce qui est bien dommage, car sur le long terme ces efforts seraient certainement payants. Aujourd’hui, avec les systèmes de versionnage de code source (garder plus facilement la trace des versions successives de celui-ci), on peut partir du principe que le code source est mieux préparé pour la préservation,. Mais tout ceci se passe dans le secret de l’entreprise.


J'ai aussi une question pour Yannick Rochat. Peux-tu nous parler du GameLab UNIL-EPFL ? Comment est perçu le jeu vidéo en Suisse ?

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Le GameLab UNIL-EPFL s’appelait UNIL Gamelab quand nous l’avons créé en décembre 2016. Ce fut l’initiative de deux chercheurs en histoire et en esthétique du cinéma et de deux chercheurs en sciences du langage et de l’information. Cette association représente ce qu’est le jeu vidéo pour nous : un objet à étudier sous de très nombreux angles !

Plus tard, le GameLab (avec un “L” majuscule) s’est ouvert à l’École Polytechnique voisine et a adapté son nom. Aujourd’hui, sept personnes travaillent au GameLab : aux quatre fondateurs, s’ajoutent deux ingénieur·s·es pédagogiques et une archiviste. Le GameLab n’a jamais cessé d’être actif sur trois plans, tout comme le Liège Game Lab : la formation (cours niveaux bachelier et master, formation continue des enseignant·es·s), la médiation (cours publics, expositions, sollicitations des médias) et la recherche académique (publications dans des revues scientifiques, organisation de colloques internationaux, séminaires et journées d’étude).

Aujourd’hui, nous avons de nombreux projets en cours de réalisation, dont la création d’un jeu vidéo mettant en scène Lausanne en 1830, sur la base de véritables documents d’archives. Mais les contacts avec nos collègues de l’étranger nous manquent atrocement.

Thierry Moutoy