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Focus

Hélène Collin : Ouvrir un espace pour que la rencontre ait enfin lieu

appelation sauvage contrôlée
En 2011, Hélène Collin rencontre pour la première fois le territoire de Wemotaci, une des trois réserves de la Nation Atikamekw au Québec, puis d’autres territoires et Nations (Innu et Kanienkehaka). De ces expériences fortes de déplacement naissent un film documentaire et une création théâtrale pour raconter, partager et participer à l‘écriture de nouvelles histoires libérées de la posture coloniale.

Quand les européens ont accosté, en 1492, ils ont vu une terre vierge. Ils n’ont rien vu. Ils sont renommé les choses, les territoires, les habitants. Ils les ont asservis. La rencontre n’a jamais eu lieu, la colonisation l’a empêchée. En 2021, Hélène Collin raconte sa rencontre à elle, ses rencontres, au cœur de la réserve de Wemotaci dans une région qu’on appelle aujourd’hui le Québec. Elle nous permet d’entrer en contact à notre tour avec ces récits, de les recevoir, de se laisser toucher et transformer avec la force douce pénétrante d’une histoire confiée autour d’un café chaud. Ce sont des histoires pour témoigner de la violence de la conquête, pour ne pas oublier mais aussi pour écrire un autre monde enfin capable d’accueillir la diversité sans dominer ou détruire le vivant.

we are not legend

« We Are Not Legend » - le film

Après quelques rebondissements, synchronicités, rencontres et autres aléas portés par le vent, Hélène se pose à Wemotaci où elle vit plusieurs mois et tisse des liens avec les Atikamekw et le territoire. Fascinée par l’ambiance d’une école, elle filme un cours de musique et enregistre les confidences de trois adolescents avec qui le film prend forme, avec lesquels l’intention se précise.

Wemotaci a toujours agi comme un aimant. — Hélène Collin

« Tu vis dans un tipi ? ». Le film s’ouvre sur une vision stéréotypée, toujours très présente, et qui témoigne d’un regard décalé et empreint de colonialisme sur la réalité des peuples premiers aujourd’hui.

Ce qui frappe dans ce quotidien scolaire, c’est la tension entre deux mondes. Pas d’animosité ni de mauvaises intentions mais une rencontre qui n’a jamais lieu et la persistance d’un regard façonné par l’imaginaire de la modernité occidentale. Et ce regard est porteur d’une grande violence perceptible lors de certains échanges avec les professeurs qui semblent souvent ne pas percevoir, ni voir, ni entendre. Quelques fois, une parole veut émerger mais n’est pas écoutée. Une souffrance cherche une issue, le système la lui refuse. Comment grandir dans ce contexte, avec cet héritage culturel et historique ? Quel chemin emprunter ? Ce sont les questions que les adolescents se posent. Ils dansent, chantent et tentent de se construire entre les mondes dont ils sont faits, héritiers d’une culture traditionnelle opprimée mais toujours vivante et contraints à l’intégration au modèle occidental pour survivre.

appelation sauvage contrôlée

« Appellation sauvage contrôlée » - le spectacle documentaire

Les premiers outils d’Hélène sont ceux du théâtre. « Pendant le travail sur le film documentaire, j’avais des « poussées de théâtre » ». Cette seconde forme a permis d’accueillir une autre partie des expériences vécues à Wemotaci, d’autres sujets, d’autres personnages, d’autres histoires.

Sans cesse vigilante sur son travail pour ne pas « parler au nom de » ou « à la place de », Hélène partage avant tout une vibration perçue là-bas mais née certainement il y a bien longtemps, ici en Belgique, dans son enfance, peut-être dans la relation réconfortante et complice nouée avec son chien. Cette vibration au monde a trouvé un écho au sein de la communauté de Wemotaci.

J’ai senti que j’avais quelque chose de commun avec cette culture, quelque chose entrait en échos. — Hélène Collin

Sur scène, l’odeur du bois brûlé, la terre humide couvrant le sol puis des histoires racontées autour d’un café. Nous, les spectateurs, sommes rapidement transportés à Wemotaci. Les deux pieds sur le sol, avec humilité, sincérité, amour et conviction, Hélène raconte, non pas comme une porte-parole, mais comme une tisseuse, ses souvenirs et des histoires dont certaines « auxquelles on n’échappe pas et qui hantent les corps » (celles des pensionnats, des disparitions de femmes, etc.).

appelation sauvage contrôlée

Il était important pour Hélène que les personnages existent sur scène avec leur propre voix. Aussi restitue-t-elle les témoignages le plus fidèlement possible grâce au principe de reproduction de la parole. A la fois dans le temps présent et dans la réactivation du souvenir, dans l’écoute et dans la restitution, à travers son corps, Hélène transmet la parole de ces invité.e.s., avec leur rythme, leur musicalité, leur débit. « C’est aussi cette forme qui nous fait de l’effet, ça fait quelque chose dans mon corps de l’écouter. Peut-être que l’archive ou le rapport au document nous éloigne ? ».

C’est aussi ça qui nous déplace dans la rencontre, ça fait quelque chose d’écouter. — Paul Eluard

Hélène se laisse ré-habiter par ses souvenirs, ses expériences, ses rencontres. La scène ravive l’émotion, convoque la parole et la laisse couler, vibrer jusqu’à nous. C’est tout un monde qui devient presque palpable. Un espace s’est ouvert. La rencontre peut avoir lieu.

Les souvenirs encore logés dans mon corps seront réactivés en temps voulu sur le plateau. — Hélène Collin
appelation sauvage contrôlée

Mue depuis toujours par le désir de cesser de faire violence à la terre, Hélène veut saisir les pensées racines qui ont conduit et maintiennent encore l‘Occident dans un rapport mortifère au vivant. Avec son travail, elle souhaite partager ces histoires pour se souvenir d’où on vient et inventer d’autres récits nourris d’un autre rapport au temps, à la mort, au féminin, à la terre.

Il existe un autre monde mais il est dans celui-ci. — Paul Eluard

Le spectacle est programmé au théâtre du Rideau du 9 au 27 novembre : plus d'informations ici.

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